Luna Papa : Plein soleil
Cinéma

Luna Papa : Plein soleil

Dans un village imaginaire, sur les rives d’une mer intérieure, quelque part en Asie centrale, aux confins de la Russie, de la Turquie et de la Grèce, une jeune fille (Chulpan Khamatova), amoureuse du théâtre, tombe enceinte, un soir de pleine lune, d’un comédien dont elle n’a jamais vu le visage, et qui disparaît dans la nuit.

Dans un village imaginaire, sur les rives d’une mer intérieure, quelque part en Asie centrale, aux confins de la Russie, de la Turquie et de la Grèce, une jeune fille (Chulpan Khamatova), amoureuse du théâtre, tombe enceinte, un soir de pleine lune, d’un comédien dont elle n’a jamais vu le visage, et qui disparaît dans la nuit. C’est le point de départ de Luna Papa, de Bakhtiar Khudojnazarov, comédie déjantée qui ne ressemble à rien, sinon à du Kusturica qui ferait du Chagall…

Afin d’éviter l’opprobre public, le père de la jeune femme (Ato Mukhamedshanov) parcourt les environs, avec sa fille et son fils (Moritz Bleibtreu), légèrement débile depuis qu’il est revenu de la guerre en Afghanistan, afin de retrouver l’acteur fautif. Le trio rencontrera un gynécologue victime d’une balle perdue (Dinmukhammed Akhimov); un pilote d’avion (Nicolaï Fomenko) qui simule des livraisons de courrier pour aller voir sa maîtresse; un faux médecin de la Croix-Rouge (Merab Ninnindze), qui gagne sa vie en jouant au poker; un interprète d’Odipe roi assommant un spectateur qui ronfle; des voleurs qui se trompent de chambre d’hôtel; etc. Sans parler du bébé à naître, qui, du ventre de sa maman, commente les événements…

Dès la séquence d’ouverture, où l’on survole le village traversé par un troupeau de chevaux au galop, on est happé dans un univers totalement dépaysant, sans points de repère et prêt pour le voyage. Et quel voyage! Entre l’exubérance de l’âme slave, le foisonnement oriental, l’exaltation des Balkans et la vitalité grecque, le rythme s’emballe et ne ralentit jamais. Les personnages ne sont pas emportés dans un tourbillon, ils vivent dans un état permanent d’émotions survoltées, la plupart du temps contradictoires. Quand il est triste, le père se recouvre la tête de terre, voulant rejoindre sa femme décédée; lorsqu’elle est joyeuse, la fille tourbillonne sur le toit d’une camionnette; lorsqu’il est en colère, le fils fonce dans le tas en se prenant pour un avion: c’est le village d’Astérix au pays de Tarass Boulba.

Même profusion dans l’image, que Bakhtiar Khudojnazarov remplit d’actions secondaires omniprésentes, toile de fond qui prend de la place, et arrière-plans qui attirent l’oeil. Si la jeune fille pleure en gros plan, on voit quand même, au loin, des garçons tenter de faire avancer un dromadaire récalcitrant; si un mariage tourne court, c’est parce qu’un taureau, jeté d’un Boeing en plein vol, a écrasé deux convives au terme de sa chute! Chameaux, chiens, ânes, lapins, serpents, taureaux, oies, chevaux, faucons, chèvres, moutons, moineaux, poissons, poules: Luna Papa est un vrai bestiaire où les animaux côtoient constamment les humains, une arche de Noé bordélique dans laquelle chaque élément participe au grand brassage de la Nature toute-puissante.

Si l’aspect poético-surréaliste de Luna Papa apparaît parfois un peu systématique, et que le personnage de l’idiot du village (apparemment incontournable dans ce type d’histoires) est redondant, on ne peut qu’être transporté par ce film fou et vivifiant qui n’a pour seul défaut que sa générosité débordante. En ces temps où tout est pesé, mesuré et compté, jouissons de cette profusion offerte par un cinéaste à surveiller.

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