Malèna : La belle et les bêtes
Cinéma

Malèna : La belle et les bêtes

La pensée populaire, dans sa grande sagesse, a de tout temps considéré la beauté comme un don maléfique. Il est déjà assez miraculeux de naître avec tous ses morceaux, si en plus l’ensemble est couronné d’une finesse émouvante, le phénomène subjugue, intrigue et dérange.

La pensée populaire, dans sa grande sagesse, a de tout temps considéré la beauté comme un don maléfique. Il est déjà assez miraculeux de naître avec tous ses morceaux, si en plus l’ensemble est couronné d’une finesse émouvante, le phénomène subjugue, intrigue et dérange. Pour la tranquillité d’esprit, il faut presque se souhaiter une allure banale. Même s’il s’agit là d’un sujet infiniment riche pour le septième art, il n’est pas gage absolu d’un bon film. Stardom nous a d’ailleurs récemment fait la preuve qu’il était possible de parler de beauté avec une désolante vacuité. Fort heureusement, Giuseppe Tornatore propose un discours autrement plus réfléchi. Sans tomber dans la hiérarchisation hâtive, Malèna est sans contredit parmi ce que le réalisateur italien a fait de meilleur.

Célèbre pour avoir fait pleurer dans les chaumières avec son Cinéma Paradiso, Tornatore s’est tranquillement forgé la réputation de portraitiste sicilien, souvent fort touchant, parfois amer, mais rarement décapant (La Légende de 1900). C’est pourquoi l’on s’étonne de la charge de violence refoulée que couve son dernier film. L’idée de cette histoire l’a habité longtemps mais il attendait patiemment la divine beauté qui incarnerait le personnage-titre. Et puis il a rencontré Monica Bellucci. Exquise et d’une grâce désarmante, l’ex-mannequin se passe de présentations. Dans ce rôle qui lui sied comme un gant, elle incarne, avec un talent indéniable, le destin d’une veuve de guerre à la beauté inouïe qui fait contrepoids à la laideur infinie du fascisme.

À l’époque des chemises noires, la belle s’habille en blanc. Les jambes élancées, le sein lourd et la chevelure ondulée, elle traverse chaque jour avec candeur la place publique, semant émoi (pour ne pas dire hystérie) sur son passage. Les hommes bavent de désir tandis que leurs femmes se hérissent de jalousie. Toute cette rage qui culmine, n’est pas sans rappeler la haine et la mesquinerie qui s’acharnent sur Ingrid Bergman dans Stromboli de Rossellini. Mais alors que ce dernier se réclamait d’un naturalisme sans équivoque, Malèna de Tornatore regorge de fantasmes frénétiques et de ralentis lascifs. À la source de cette imagination fiévreuse, un adolescent voyeur (Giuseppe Sulfaro) et, du coup, témoin de la solitude de cette femme victime de la barbarie des hommes. Un tableau douloureux et fort émouvant sur l’intolérance.

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