What Women Want : Le monde du silence
Cinéma

What Women Want : Le monde du silence

Certains films étonnent encore par leur esprit passéiste. À moins que ce ne soient les mentalités qui, décidément, n’évoluent pas vite… Qu’importe, ces deux idées se valent dans le cas de What Women Want. Elles sont même  cumulées.

Certains films étonnent encore par leur esprit passéiste. À moins que ce ne soient les mentalités qui, décidément, n’évoluent pas vite… Qu’importe, ces deux idées se valent dans le cas de What Women Want. Elles sont même cumulées. Scénariste spécialisée dans la chronique rose bonbon de l’American way of life (The Parent Trap, Father of The Bride I et II et Baby Boom), Nancy Meyers s’est attelée à la réalisation d’une comédie romantique, qu’elle a certainement voulue à la fois légère et charmante, comme les Adam’s Rib ou Women of the Year d’antan. Mais la nostalgie ne suffit pas. En gardant les stéréotypes bien au chaud, Meyers n’a pas réussi à écrire les fines tournures et les traits d’esprit nécessaires pour actualiser et rendre crédibles ses personnages, quelle que soit la magie de la situation. Dommage, l’idée de départ est plutôt marrante, et elle aurait pu générer des situations cocasses, de bons dialogues, une ironie, une peinture délicate; bref n’importe quoi d’intelligent et de drôle: Nick Marshall (Mel Gibson), créatif dans une boîte de pub de Chicago, et grand macho devant l’Éternel, est furieux que ce soit une femme, Darcy Maguire (Helen Hunt), qui devienne son boss. À la suite de sa colère, il a un accident curieux: il se met à entendre ce que pensent les femmes. Après le choc, il s’adoucit et comprend que ces dames sont aussi des animaux pensants à prendre en considération.

What Women Want suppose que les femmes sont manipulatrices, qu’elles ne disent jamais ce qu’elles pensent et que les hommes sont incapables de comprendre une femme, à moins d’être gais. Là-dessus, faut être champion pour jouer de finesse… La seule vraie drôlerie de ce film reste le silence radio dans la tête des deux secrétaires du beau Nick. Mais on n’évite pas l’employée oubliée qui pense au suicide; la serveuse de café qui ne veut pas souffrir; la fille de Nick qui veut passer à l’acte; et toutes ces dames croisées qui s’extasient ou qui l’injurient. Comme il est impossible de passer outre aux chansons de Frankie, à un refrain de Cole Porter, à un chapeau mou pour faire trois pas de danse, à un amoureux transi sous la pluie, et à une façon toujours aussi coincée de parler de fesses! Prononcer (ou penser dans le cas d’Helen Hunt) le mot "pénis" semble encore d’une extrême difficulté, et glorifier la virginité est toujours aussi porteur. À se demander comment ce peuple peut encore se reproduire…

Gibson vieillit, comme tout le monde; il se colle entre le Cary Grant de Charade et Spencer Tracy. Il est certes plus supportable dans la comédie que dans le sérieux, mais toujours aussi mauvais acteur (tout est dans le sourcil); tandis qu’Helen Hunt sonne plutôt juste en executive woman tendre à l’intérieur. Quand on fait de la précision balistique à la place d’un film, on se prive de légèreté. C’est rageant, parce que tout aurait pu fonctionner.

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