Life Without Death : Crise existentielle
Cinéma

Life Without Death : Crise existentielle

S’il y a une chose dont on soit sûr dans la vie, c’est bien la mort. Le réalisateur Frank Cole en a fait une obsession: il faut passer sa vie à faire reculer la  mort.

S’il y a une chose dont on soit sûr dans la vie, c’est bien la mort. Le réalisateur Frank Cole en a fait une obsession: il faut passer sa vie à faire reculer la mort. Un butoir qu’il a cependant atteint il y a quelques mois, à moins de 50 ans. Ce canadien a eu le temps de faire quatre films (A Documentary, The Mountenays, A Life et Life Without Death), d’établir un record Guinness et de trouver un style. Life Without Death, présenté au plus récent FCMM, est un fascinant long métrage documentaire; le point d’orgue d’un artiste angoissé.

Deux sujets semblent avoir bouleversé sa vie: la maladie de son grand-père, et sa découverte du Sahara. Choqué par la mort de son aïeul, Cole entreprend de traverser le désert du Sahara, en solitaire et à dos de chameau, depuis l’Atlantique jusqu’à la mer Rouge (d’où le record Guinness). 7 100 km à travers la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan pour se prouver qu’on peut affronter la mort, et qu’on peut la défier. Pendant 83 minutes, Cole se filme avec une Bolex. Il filme ses préparatifs spartiates à Ottawa, les huit chameaux qu’il va épuiser les uns après les autres, sa décrépitude physique, ses guides nomades, touaregs ou marabouts, et la peur des guerres chroniques qui secouent les pays parcourus. Mais cette épopée n’a rien à voir avec celle d’un Indiana Jones. Life Without Death est une aventure minimaliste, des photos de Raymond Depardon à peine animées, magnifiquement secondées par la musique de Richard Horowitz (The Sheltering Sky, Three Seasons, Any Given Sunday). Ce film produit par Francis Miquet (associé de Peter Wintonick) est le point culminant d’une crise existentielle.

Doublement impressionnant: en allant aux confins de la survie, Cole réalise une oeuvre d’art. Son film est aussi original que l’aventure humaine est extrême. Alternance de plans fixes, proches ou éloignés, qui se confondent; sa silhouette coincée dans un coin de l’espace; son regard fixe de martyr; des arbres secs; des squelettes; la lenteur d’un chameau; l’impassibilité d’un guide; des dunes couleur étain: êtres vivants ou chose inerte, Cole filme tout comme un exemple de ce qui est et qui va disparaître. Y compris lui. Sa froideur d’approche est celle des grands lucides qui frisent la folie. Reste en mémoire la force de la confrontation entre la vie et la mort; un rapport de force rarement atteint avec une caméra et du talent.

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