Vatel : Buffet froid
Cinéma

Vatel : Buffet froid

On ne raconte pas l’histoire de François Vatel à l’école – les grands de ce monde auront pris toute la place – mais elle est néanmoins fascinante, surtout dans le dernier épisode.

On ne raconte pas l’histoire de François Vatel à l’école – les grands de ce monde auront pris toute la place – mais elle est néanmoins fascinante, surtout dans le dernier épisode. Intendant de Fouquet puis de Condé, il fut le maître des plaisirs de la table et des fêtes. Lors d’un dîner en présence du Roi-Soleil et de sa cour chez le prince de Condé à Chantilly, Vatel organisa trois jours de festivités fabuleuses, combinant les plaisirs de tous les sens. Le troisième jour, où devait être servi un banquet de poissons, la marée n’arriva pas, et Vatel se suicida. L’anecdote en dit autant sur le délire de perfection, et certainement de dépression d’un homme, que sur la tyrannie des puissants qui exigent l’impossible au quotidien. Roland Joffé s’est attaqué à cette tragédie avec un scénario simple mais avec un faste inouï. Vatel se regarde comme un hommage rendu à tous les corps de métiers du cinéma qui s’exercent souvent avec la maniaquerie de ce cuisinier hors pair. Ici, on voit leurs efforts: le faste et l’imagination se rejoignent pour la création des costumes, des décors et des plats. C’est somptueux. Et parfois le temps d’une scène est trop court pour en goûter toutes les beautés.

Mais le luxe n’ayant jamais caché la misère, Vatel reste un film étonnamment manichéen, voire ennuyeux. À force de cumuler les symboles (dont celui, répété, des sujets du roi vus comme des oiseaux en cage); à force de vouloir envelopper de dorures un trop grand nombre de maximes (la vie humaine ne vaut pas le gaspillage; tout se joue en coulisses; l’homme droit est maître partout, et patati et patata); et surtout, à force de s’étourdir d’une image de la France, qui, à cette période forte de l’Histoire, aimait plus le Beau que le Bien; Roland Joffé a dilué son récit. Il n’est pas le premier venu en mise en scène (The Mission, The Killing Fields), il est capable de très beaux envols, et les scènes de banquets sont impressionnantes. Mais on ne croit ni aux tourments de Vatel (un Gérard Depardieu paresseux, qui ne joue pas, caché derrière un autre personnage historique), ni au machiavélisme caricatural d’un marquis de Lauzin qui passe plus pour un roublard que pour un esprit brillant (Tim Roth), ni enfin à la puissance du Roi-Soleil, joué comme un vaniteux un peu Dali sur les bords, par un Julian Sands empêtré dans le velours et les brocarts. Seule Uma Thurman fait preuve de subtilité au milieu de ces personnages par trop massifs et unicellulaires. Sans nuances, on glisse sur des caractères clichés qui, aux couleurs de cette histoire en coulisses du pouvoir, auraient pu servir plus finement l’allégorie. Et puis un film où Depardieu parle anglais et où chante Arielle Dombasle ne peut être complètement satisfaisant…

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