Hannibal : Rien qu'un petit morceau, alors…
Cinéma

Hannibal : Rien qu’un petit morceau, alors…

Dix ans après avoir fait les manchettes, Hannibal Lecter (Anthony Hopkins) mène une vie paisible à Florence, sous les traits d’un spécialiste en art. La seule de ses victimes à avoir survécu, un milliardaire atrocement défiguré (Gary Oldman), va se servir de l’agente du FBI Clarice Sterling (Julianne Moore) pour appâter le psychopathe, et exercer sa  vengeance.

Dix ans après avoir fait les manchettes, Hannibal Lecter (Anthony Hopkins) mène une vie paisible à Florence, sous les traits d’un spécialiste en art. La seule de ses victimes à avoir survécu, un milliardaire atrocement défiguré (Gary Oldman), va se servir de l’agente du FBI Clarice Sterling (Julianne Moore) pour appâter le psychopathe, et exercer sa vengeance.

En 1991, Le Silence des agneaux rafla de nombreux oscars, fit fortune au box-office, et introduisit Hannibal Lecter dans l’imaginaire des foules. Dix ans plus tard, le psychiatre cannibale est donc de retour, pour la troisième fois. En effet, en 1986, Brian Cox l’incarna dans Manhunter, un thriller tout à fait honorable, tiré de Red Dragon, dans lequel Thomas Harris créa ce personnage aussi raffiné que monstrueux. Pour Hannibal, de Ridley Scott, l’écrivain a adapté son livre avec David Mamet, et Steve Zaillian, scénariste de The Schindler’s List. Un trio prestigieux qui a bien rempli son mandat en relançant l’intrigue de Washington à Florence, en ajoutant le personnage démoniaque du milliardaire hideux, et en plaçant les deux principaux protagonistes dans la même situation de départ qu’au début du film précédent: Hannibal, monsieur chic et anonyme; et Clarice, de retour à la case zéro, victime des machinations d’un haut fonctionnaire du ministère de la Justice (Ray Liotta).

Après 10 ans de valses-hésitations, les défections de Jodie Foster et de Jonathan Demme, et 80 millions de dollars plus tard, les attentes étaient élevées, et, sans être complètement déçues, elles ne sont pas tout à fait comblées. Les membres de l’Académie ne s’étaient pas trompés en décernant un oscar d’interprétation à Hopkins et à Foster: ce qui faisait la force du Silence des agneaux, c’était le duel psychologique entre Clarice et Hannibal, incarnations vibrantes du Bien et du Mal, de la loi et de l’anarchie, de la civilisation et de la bestialité. Ici, il faut attendre presque deux heures pour que les deux ennemis soient réunis – superbe jeu du chat et de la souris dans la gare de Washington. Avant ça, on nous sert l’intégrité de Clarice contre la corruption des services publics, et un flic vénal (Giancarlo Giannini), qui ne fait pas le poids face au diabolique Lecter. Malgré tout, la partie florentine a belle allure, mettant à profit la beauté baroque et inquiétante de la ville. Passons sur la convention qui veut que des Italiens parlent anglais entre eux (léger accent pour les citadins, très prononcé pour les paysans!): Hollywood n’a jamais fait fort quant aux sous-titres…

Tout comme le firent Psycho et L’Exorciste auparavant, Le Silence des agneaux donna ses lettres de noblesse au film d’horreur; mais Ridley Scott n’est pas Hitchcock ou Friedkin, ni même Demme. Le réalisateur d’Alien et de Blade Runner est devenu celui de G.I. Jane et de Gladiator, un exécutant sans personnalité, qui réussit à rater une mise à mort pourtant prometteuse, et qui se contente de filmer des comédiens, par ailleurs excellents: Hopkins, savoureux en bête sanguinaire déguisée en homme du monde, et Julianne Moore, véritable Isabelle Huppert américaine, incandescente et glaciale.

Alors qu’il devrait troubler, en jouant sur des angoisses primaires telles que la répulsion et la fascination pour le Mal, Hannibal n’est qu’un thriller de luxe. C’est déjà pas si mal, mais la peur est une chose bien trop importante pour la laisser aux mains d’amateurs: il y a 10 ans, Le Silence des agneaux terrorisait les salles mais, après Seven, Summer of Sam et autres American Psycho, il faut autre chose que des effets spéciaux pour faire vraiment peur au monde.

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