Le Prince du Pacifique : Paradis perdu
Cinéma

Le Prince du Pacifique : Paradis perdu

On est en 1918. En Europe, les canons crachent leurs dernières salves, mais la guerre sévit toujours. Débarque alors le héros naïf, celui qui considère les insulaires comme de fervents serviteurs de Marianne: capitaine de Morsac…

Il était une fois la Polynésie française. Bien installé dans la colonie verdoyante, le commandant Lefebvre, un militaire désaxé (François Berléand), fait régner la terreur sur ses ouailles primitives. Excessif, il réprime sauvagement toute impression de dissidence. On est en 1918. En Europe, les canons crachent leurs dernières salves, mais la guerre sévit toujours. Débarque alors le héros naïf, celui qui considère les insulaires comme de fervents serviteurs de Marianne: capitaine de Morsac (Thierry Lhermitte, visage sec, épaules carrées et tête pointue) est, comme on dit, un peu niais, malgré sa rectitude militaire. Il pense sincèrement convaincre une poignée d’indigènes barbouillés d’aller se battre pour la patrie française. Comme seul volontaire, il ne trouvera qu’un compatriote bagnard (Patrick Timsit) qui deviendra vite son compagnon d’infortune.

Notre cher intrépide ne l’aura pas facile. Pas plus que le spectateur confronté à un exotisme primaire et sans nuances qui ne carbure qu’aux clichés. Très vite on est agacé par le trait grossier de la mise en scène et par les personnages caricaturés. Tout est poussé à l’extrême comme dans une bande dessinée: d’un côté des militaires français, chauvins et condescendants; et de l’autre, des autochtones, légèrement vêtus, grommelant des propos inintelligibles et exécutant à l’occasion quelques chorégraphies endiablées.

Entre les deux, une Française aigrie et convertie aux us du coin (Marie Trintignant) et son fils métis (le fameux prince du Pacifique) se font les défenseurs des coutumes indigènes. Ils s’époumoneront d’ailleurs tout au long du film à ressasser une légende locale censée faire la promotion de l’autonomie de leur peuple… Beau programme que celui de divertir tout en prêchant pour la démocratie, mais Alain Corneau exécute la chose avec si peu de talent et d’imagination qu’il annule toute possibilité d’émerveillement.

La déception est d’autant plus grande que celui qui signe ici une réalisation pauvre, où des plans scolaires se succèdent sans maîtrise de forme ni de propos, nous avait à l’époque offert le remarquable Tous les matins du monde. On comprend cependant dès le départ que la volonté de Corneau, le prince du polar, est de faire du Prince du Pacifique une sorte de comédie d’aventures à la Indiana Jones, où ça saute et où ça pétarade pour le plus grand plaisir du spectateur juvénile.

Pour la comédie, on repassera. Les tentatives de traits d’humour dans les dialogues s’écrasent à plat à tout coup. Pour ce qui est des aventures, elles n’offrent rien d’ingénieux, sinon un spectacle ringard et prévisible où les rebondissements et la romance semblent toujours forcés. Il serait d’ailleurs impardonnable de passer sous silence la trame sonore poussive signée Deep Forest, qui accomplit bien son rôle de vecteur kitsch. Imaginez un peu des courses poursuites sur musique techno-dance…

En matière de films exotiques au parfum colonial, Corneau s’était déjà commis par le passé avec Fort Saganne. Cette fois, Lhermitte tient en grande partie les rênes. En plus de tenir le rôle principal (qu’il joue avec une fadeur peu commune), il coproduit et fait partie de l’équipe des sept derrière le scénario. Pas de quoi être fier.

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