Tout va bien, on s'en va / Claude Mouriéras : Famille, je vous hais!
Cinéma

Tout va bien, on s’en va / Claude Mouriéras : Famille, je vous hais!

"La famille, c’est le lieu d’un amour important, mais aussi celui d’un jeu de massacre. La notion d’héritage même est contradictoire: vous essayez de transmettre des valeurs à vos enfants, mais eux vont mettre beaucoup de temps à s’en débarrasser." À travers ces notions séculaires, le réalisateur français Claude Mouriéras a imaginé une drôle de famille dans Tout va bien, on s’en va.

"La famille, c’est le lieu d’un amour important, mais aussi celui d’un jeu de massacre. La notion d’héritage même est contradictoire: vous essayez de transmettre des valeurs à vos enfants, mais eux vont mettre beaucoup de temps à s’en débarrasser." À travers ces notions séculaires, le réalisateur français Claude Mouriéras a imaginé une drôle de famille dans Tout va bien, on s’en va: trois soeurs habitant Lyon semblent avoir trouvé leur mous vivendi. Laure (Miou-Miou), l’aînée, mère d’une petite Marion, s’occupe de l’école de tango familiale; Béatrice (Sandrine Kiberlain) fait de l’argent et le distribue; et Claire (Natacha Régnier), la cadette, bohème et pianiste de talent, fait souvent crier les grandes. Et comme dans beaucoup de familles, chacune se sent indispensable au bonheur des deux autres. Tout roule, jusqu’à ce que le père (Michel Piccoli) débarque, après 15 ans d’absence. Le jeu des conventions s’écroule, et c’est chacune pour soi devant cet homme à qui l’on ne pardonne pas.

Avec Dis-moi que je rêve, Mouriéras avait déjà mis son nez dans les démêlés familiaux. Et les acteurs étaient inconnus. Là, il a choisi de grandes pointures: "C’était un peu de la provocation de ma part, explique le réalisateur. Tout le monde sait que Kiberlain, Régnier et Miou-Miou ne sont pas soeurs, il fallait donc trouver le point de leur sororité. Qu’est-ce qui fait qu’on va y croire? Le parti pris était celui de la différence. Parce que dans une famille, il n’y a pas 36 solutions de survie: il faut se distinguer." Mouriéras, qui a écrit le scénario et qui dit "avoir protégé l’écriture du rapport aux acteurs" (comprendre: pas de casting en tête), a habilement tissé les fils invisibles des liens du sang, gommant les différences physiques et rendant ce cocon tout à fait crédible. Et les trois filles conjuguent leurs talents, multipliant sans cesse facettes et points de vue. Il y a bien sûr un avant et un après le père: point pivot qui fait basculer la comédie dans le drame, et qui laisse ces femmes démunies, sans repères, jusque surprises dans leurs propres réactions. Piccoli, l’oeil qui s’allume par à-coups, est impeccable en vieil emmerdeur antipathique, enfermé dans ses certitudes. Dans son monde, mais toujours aussi inquiétant. "Piccoli intervient souvent dans ses films en gueulant, raconte Mouriéras. Là, je voulais qu’il envahisse l’espace par le silence."

Par contre, là où Dis-moi que je rêve était rêveur et baroque, avec une simplicité frisant la poésie, Tout va bien, on s’en va est une tranche de vie lyonnaise tout ce qu’il y a de plus réaliste (et le seul élément de fantaisie, un vendeur de chaussures maladroit, tombe à plat). " C’est vrai, le style est plus arrêté, dit Mouriéras, qui est aussi documentariste. Mais je travaille comme d’habitude: je pars de réflexions et de personnages, et j’arrive au réalisme par le détour de la fiction." Est-ce justement ce style arrêté qui coince l’émotion? Cette partition à trois temps, sur une grille déséquilibrée mais très travaillée, pèse lourd, comme si elle imposait un rythme théâtral. Ça refroidit un peu l’atmosphère. Retenons quatre talents de haut niveau, et le même humanisme que dans Dis moi que je rêve: malgré les apparences, il n’y a ni Dieu ni Diable, juste du banalement humain.

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