Le Secret/Virginie Wagon : Le révélateur
Cinéma

Le Secret/Virginie Wagon : Le révélateur

Les Français sont assez forts pour concevoir des petits films passe-muraille, qui ne font aucun effet particulier, mais qui, parfois, laissent traîner dans le souvenir une ou deux images plutôt justes.

Les Français sont assez forts pour concevoir des petits films passe-muraille, qui ne font aucun effet particulier, mais qui, parfois, laissent traîner dans le souvenir une ou deux images plutôt justes. Plus que les mots ou les théories, ce sont les attitudes qui restent le plus souvent en mémoire. Dans le cas du premier long métrage de Virginie Wagon, Le Secret, on ne garde pas grand-chose de cette chronique sociale, tristement sentimentale. Mais on peut dire que la peinture a certaines nuances, qui collent parfois au spleen féminin. Marie (Anne Coesens) aime François (Michel Bompoil); ils ont un fils. Elle est représentante en encyclopédies. Tout va bien, mais elle n’est pas sûre de vouloir un deuxième enfant. Elle tombe un jour sur un client singulier, Bill (Tony Todd), un grand Black de New York, ex-danseur qui ne parle pas français. Et, bien sûr, elle s’en entiche.

Une héroïne maigrichonne qui se fout à poil, l’évidence de l’adultère encore et toujours, un désir égoïste, diffus et mélancolique dans les rues de la cité, quelques parties de jambes en l’air bien senties: avec ce film, on peut difficilement faire l’impasse sur les clichés franco-français. Et si on ajoute un Noir (américain) en bête de sexe… c’est le bouquet. "Je voulais une histoire qui s’inscrive au présent, explique la réalisatrice, rencontrée à Paris. Un personnage lisse et froid en quête d’identification, une femme qui étouffe dans son couple. Quand une porte est ouverte, il devient alors difficile de la refermer. Est-ce qu’on peut faire aujourd’hui l’économie de son désir? Que se passe-t-il après l’adultère?"

Depuis 10 ans, Virginie Wagon travaille en symbiose avec Éric Zonca, le réalisateur de La Vie rêvée des anges. Il est collaborateur artistique sur ce film, elle est assistante sur les siens. Une certaine justesse, sérieuse et délicate, se dégage de leurs deux approches artistiques. C’est réaliste, économique, précis et parfois gracieux. "Le Secret n’est pas un film qui plaît d’emblée, avance-t-elle, malgré le fait qu’en pré-visionnement en province, il ait suscité pas mal de débats psycho sur le couple. C’est une histoire de survie, sur ce qu’on sacrifie quand on décide de tout casser. En fait, les schémas du couple sont de plus en plus fissurés; et la femme, entre le boulot et les gamins, n’a plus besoin d’un homme s’il ne se passe plus rien en termes de désir." Mission accomplie: Le Secret s’attarde bien sur ce précepte du désir en tant que problème, grain de sable toujours gênant dans le train-train quotidien. Le film est assez réaliste pour permettre l’identification; assez d’actualité pour se retrouver dans le malaise de Marie ou dans la colère de son mari. D’ailleurs, la scène où il apprend qu’elle a un amant est une des meilleures, avec l’explosion de tristesse de l’un et le mutisme je-m’en-foutiste de l’autre. Sinon, la mise en scène on ne peut plus neutre, le jeu d’acteurs sans vagues, le choix d’un sujet si égocentré et si rabâché font du Secret un film uniforme et manufacturé. Uniforme, comme dans total look Prada…

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