La Parenthèse enchantée : Un monde sans pitié
Cinéma

La Parenthèse enchantée : Un monde sans pitié

Dans un autre de ses bons mots, Françoise Giroud avait utilisé la jolie expression de "parenthèse enchantée" en voulant décrire cette période faste où le sexe avait la belle vie, indépendant des soucis de fécondité et de maladie. C’était entre l’apparition de la pilule et les premiers méfaits du sida, à peu près entre 1967 et 1981. Le réalisateur français Michel Spinosa, qui voulait faire un film sur la quête du plaisir, ne pouvait choisir meilleure époque.

Dans un autre de ses bons mots, Françoise Giroud avait utilisé la jolie expression de "parenthèse enchantée" en voulant décrire cette période faste où le sexe avait la belle vie, indépendant des soucis de fécondité et de maladie. C’était entre l’apparition de la pilule et les premiers méfaits du sida, à peu près entre 1967 et 1981. Le réalisateur français Michel Spinosa, qui voulait faire un film sur la quête du plaisir, ne pouvait choisir meilleure époque. Cheveux afro, perles de bois, batik, libération en tout genre sur fond de tapisserie orange et brune: les années 70 restent très tendance. Fort heureusement, le cinéaste ne tombe pas dans le panneau et reste collé à ses personnages, plutôt attachants, et à son histoire, intemporelle. Et aigre-douce: au bord de la Méditerranée durant l’été 1969 (qui fut, comme chacun sait, une année érotique), Paul (Roschdy Zem) et Vincent (Vincent Elbaz), deux copains d’enfance, rencontrent Alice (Clotilde Courau), Marie (Géraldine Pailhas) et Ève (Karin Viard). Les couples se forment, mais pas dans le bon ordre: Paul épouse Ève, mais le sexe ne fonctionne pas. Ève le trompe avec Vincent. Vincent a épousé Marie, mais il aime Alice, qui elle, militante acharnée, se bat loin de lui pour la libération de la femme. Clair, non? À ce niveau, ce n’est plus du chassé-croisé, ça frise la partouze. Le scénario est très compliqué pour pas grand-chose, mais les acteurs, parmi les plus vifs de leur génération, réussissent à sortir cette historiette de l’imbroglio. La vue d’ensemble est à la fois crédible, drôle, sombre et cruelle.

Elbaz et Zem personnifient sans se forcer deux grands veaux mous, des Vittelloni tombés malencontreusement dans le mariage, avec la dégaine appropriée, celle de Julien Clerc quand il chantait Ce n’est rien. Pailhas est fraîche et assurée, elle est celle dont les névroses restent en retrait. C’est Karin Viard qui, encore une fois, impose la justesse de son jeu, paniquée par ce rôle trop vite reçu de femme d’intérieur. Courau, enfin, fonceuse mais encore enfant, a l’énergie voulue de la fémino dynamo. Un rôle qui lui va comme un gant, a-t-elle lors d’une entrevue à Paris: "J’ai un certain idéalisme, une envie de partager, et je suis toujours en train de m’interroger sur le monde de demain." En s’appuyant sur son attitude franche, Spinosa lui a proposé la Jane Fonda de Klute comme modèle.

Tout commence en conte de fées étrange, le soir dans une grotte, par un secret partagé, une mise en appétit que l’auteur a voulu entre Le Songe d’une nuit d’été et Les Demoiselles de Rochefort. On débute avec des personnages vierges, et intelligemment, on passe de la maladresse physique au malaise de société. Sans être aussi mordant, il y a un peu d’Ice Storm dans cette vision de la sexualité, contraignante dans sa liberté. Rappelons que seulement 6 % des Françaises prenaient la pilule en 1970. Et c’est là l’élément le plus réussi du film: la sexualité comme un nirvana à atteindre, quelle que soit la maturité des participants. Pour Spinosa, cette fameuse parenthèse enchantée a engendré le caprice, puis la désillusion des plaisirs vite et mal assouvis. Un moment qu’il filme de façon brouillonne et trop lâche, mais avec tendresse et sans pécher par excès de clichés. Ça sonne très nostalgique? Ça l’est fichtrement…

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