A Year in the Death of Jack Richards : Passé trouble
Cinéma

A Year in the Death of Jack Richards : Passé trouble

Dans A Year in the Death of Jack Richards, de Benjamin P. Paquette, Vlasta Vrana incarne un homme qui a tout perdu. Entrevue avec le réalisateur et l’acteur.

Vingt ans après la disparition de sa fille, la fin de son mariage et un séjour dans un hôpital psychiatrique, Jack Richards (Vlasta Vrana) demeure profondément troublé par l’effondrement de son ancienne vie. En désespoir de cause, il se fait engager comme concierge d’un immeuble qui, croit-il, abrite une secte qui le traitera en roi pendant un an avant de le sacrifier lors d’une fête rituelle. Entre-temps, il rencontre une femme (Micheline Lanctôt) qui, miracle, semble le comprendre.

Film très dense et donnant lieu à diverses interprétations, A Year in the Death of Jack Richards est une oeuvre casse-tête où les limites entre la réalité, les souvenirs et les fantasmes sont constamment brouillées. Benjamin P. Paquette offre au spectateur un exercice de style très poussé, avec de magnifiques images aux teintes cyan ou sépia et un climat sonore angoissant. Outre le brio technique, c’est toutefois l’interprétation prenante de Vrana qui donne au film toute sa force: "Tout ce que je fais derrière la caméra crée une distanciation, à l’opposé de ce que fait Vlasta, explique le jeune réalisateur. À l’étape du casting, je demandais constamment aux gens qui étaient les meilleurs acteurs anglophones à Montréal, et le nom de Vlasta revenait toujours."

Désiriez-vous consciemment laisser les choses plus ouvertes? Car même si on ne revoit pas le film immédiatement comme vous l’espériez, on continue d’y penser et de se le rejouer dans sa tête pendant les heures qui suivent.

B.P.: "Les pièces se mettent en place davantage dans votre esprit que pendant que vous le regardez. Vous avez effectivement besoin d’une certaine distance du film pour réaliser qu’il y a beaucoup de parallèles et de coïncidences qu’on ne remarque pas nécessairement au départ, autant dans la façon dont il est fait que dans le contenu."

Vlasta Vrana: "Et le film qu’il a fait est différent du film dans lequel j’ai joué!"

B.P.: "Ce n’était pas nécessaire de tout lui expliquer, il n’avait pas besoin de cette information pour faire son travail d’acteur."

V.V.: "À partir du scénario que j’avais, j’ai fait mes choix et j’étais satisfait d’aller avec ça, peu importe le cadre qu’il voulait mettre autour. Je ne savais pas comment ça allait se terminer, ce qui était un défi… Mais vous savez, j’ai découvert, au cours des nombreux siècles où j’ai été acteur, que la meilleure façon d’interpréter un personnage est de garder ça simple."

B.P.: "En fait, ceux qui avaient le plus d’expérience sur le plateau étaient ceux qui se questionnaient le moins. Comme Micheline Lanctôt, qui n’a jamais posé de questions."

V.V.: "Elle ne te parlait pas du tout!"

B.P.: "Pas vraiment! Mais elle n’en avait pas besoin."

Elle vous a enseigné à l’université, n’est-ce pas?

B.P.: "Oui, je lui ai demandé d’être dans le film et puis j’ai appris qu’elle allait être mon professeur! J’aimais beaucoup Micheline Lanctôt comme cinéaste, et je la connaissais aussi comme actrice, bien sûr. Je m’entends bien avec elle, ce qui n’est pas le cas de tout le monde parce qu’elle est très forte. Mais c’est ce que je recherchais pour le rôle."

Ça vous a pris presque dix ans pour terminer le film, qu’est-ce qui a été si long?

B.P.: "Ça avait surtout à voir avec l’argent et le fait que personne ne voulait me faire confiance. Un producteur a dit qu’il voulait faire le film, mais il ne voulait pas d’acteurs plus âgés, il n’aimait pas mon idée des tons sépia, il voulait plus de nudité, que ce soit moins ambigu et qu’il y ait de la violence à la fin. Bref, il ne voulait pas faire mon film! J’ai finalement pu le faire avec dix fois moins de budget. J’avais assez d’argent pour le tournage, mais pas pour la postproduction, qui s’est étirée sur plusieurs années."

V.V.: "Il m’a appelé l’an passé pour faire la promo. Je n’avais pas eu de nouvelles de lui depuis six ans! Je me disais: hum, est-ce que je peux voir le film d’abord? Finalement, j’étais bien content du résultat. Je ne pouvais pas croire qu’il avait réussi à en venir à bout. Ça démontre toute sa persistance."

C.V.

Alors qu’il poursuit ses études à l’Université Concordia (où il a terminé une maîtrise en production cinématographique et entamera bientôt un doctorat en communication), B.P. Paquette a déjà une filmographie plus que respectable derrière lui. Il réalise des courts métrages depuis l’enfance et a aussi trois longs métrages amateurs à son actif, Maxwell’s Silver Hammer (1993), A Descent Into Darkness (1993) et Raining Angels (1997). Financé par la SODEC, l’ONF et Ourson Films, la maison de production fondée par Paquette, A Year in the Death of Jack Richards est son premier film professionnel. Il devrait être suivi des deux autres parties d’une trilogie thématique, The Woman of Ahhs et The Anonymous Rudy S., ainsi que par un projet de comédie noire mettant en vedette Tom Green.

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