Planète yoga : De hippie à yogi
Pour Planète yoga, le cinéaste Carlos Ferrand a sillonné trois continents pour remonter le fil qui s’est tissé entre l’Orient et l’Occident à travers la technique hindoue millénaire.
"Je me suis fait prendre à mon propre jeu", avoue d’emblée Carlos Ferrand à qui rien ne destinait à réaliser un film sur le yoga, une pratique qui l’avait auparavant déçu. Pourtant, le projet porté par Radio-Canada lui a été offert tout naturellement, le réalisateur touche-à-tout ayant déjà abordé les thèmes de la spiritualité et de la quête personnelle dans des films précédents (Americano, Casa Loma, journal de bord).
"Tout projet commence avec ses propres préjugés", avance Ferrand dont le voyage prend racine en Inde pour ensuite sillonner l’Amérique et la France à la rencontre de passionnés de yoga actifs dans leur communauté. "De la méfiance, je suis passé au respect."
Parmi les rencontres marquantes, Ferrand cite sans hésiter celle avec Dr Bali, professeur de yoga de 87 ans prisé des Montréalais. "J’ai pris un cours personnel avec lui et j’étais accro. La méditation, c’est comme une sieste pour l’âme. C’est vraiment délicieux, c’est sensuel. C’est mieux qu’un joint", assure le réalisateur d’origine péruvienne établi à Montréal depuis 30 ans qui se qualifie lui-même de "vieux hippie".
Parmi les autres rencontres, de San Francisco à Paris, en passant le Grand Nord canadien, il y a le "maître occidental de sagesse orientale" Jeffrey Armstrong, la lumineuse Ysé Tardan-Masquelier, directrice de la première école française de yoga, la yogi nomade Kerry Lawson qui, avec son conjoint d’origine indienne, forme un couple qui symbolise la relation Orient-Occident…
Des vies marquées par une pratique essentiellement spirituelle en Orient et corporelle en Occident. "Ici, le yoga est une façon privée de répondre aux excès du capitalisme qui est en train de nous bouffer tout cru. Occupons Wall Street! Le capitalisme est en train de s’autodétruire. Le mouvement politique en fait la démonstration. Le yoga aussi."
Planète yoga relate également l’histoire du pionnier Swami Vishnu Devananda qui ouvrit la première école de yoga en Amérique du Nord sur le boulevard Saint-Laurent à Montréal et un des premiers ashrams nord-américains à Val-Morin. C’est aussi lui qui enseigna le yoga aux Beatles.
"J’ai vécu ces moments d’exaltation et d’excès, sourit le réalisateur. Les animations de fleurs du film sont d’ailleurs un clin d’oeil au flower power, au côté kitsch du Bollywood et à la vie, à la mort, puisque toutes les fleurs naissent et meurent. En Occident, on ne veut pas parler de la mort. Dans ma culture latino-américaine, elle fait partie de la vie. Le yoga nous enseigne à accepter la mort."
Pour le versant oriental de son voyage, Carlos Ferrand a surtout été marqué par la "spiritualité joyeuse" qui caractérise les Indiens. "Compte tenu de mes origines, je n’ai pas été dépaysé mais enchanté. Leur symbole n’est pas un homme crucifié en train de saigner à mort, mais des couleurs, du lait, des bijoux. C’est kitsch, c’est exutoire et célébratoire", atteste celui qui ponctue son film de cassures de noix de coco, geste reconnu pour porter chance en Inde. "D’où je viens, on parle de rituels pour mieux vivre. Je suis un sentimental, je crois en la bonne chance."
Planète yoga démarre en Inde, pays du Bollywood, du kitsch et du yoga. Un guru, Baba Ramdev, enseigne la pratique à des centaines de fidèles. Le voyage se transporte ensuite à Oakland en Californie où une femme noire lesbienne, Richelle Donigan, enseigne le yoga aux laissés pour compte. Le contraste entre la "spiritualité joyeuse" de l’Orient et la lutte au stress et au système de l’Occident frappe. Sans juger ni prêcher, Carlos Ferrand révèle comment deux cultures en quête d’équilibre se rejoignent par une philosophie et discipline orientale qui connaît la plus forte croissance au monde. Ce tour de la planète yoga en 87 minutes est porté par des intervenants éclairés qui témoignent d’une soif pour le mieux-vivre ensemble.