Pina : Entrez dans la danse
Se voulant le premier film d’auteur en 3D, Pina, de Wim Wenders, s’avère un magnifique hommage à la regrettée chorégraphe, où les danseurs du Tanztheater Wuppertal revisitent son oeuvre avec émotion.
C’est en 1985 que Wim Wenders, qui ne s’était jamais intéressé à la danse, découvre Pina Bausch, grâce à sa compagne qui le force à aller voir l’un de ses spectacles. Secoué par l’univers et le langage de la chorégraphe, Wenders lui propose spontanément de faire un film ensemble. Un an plus tard, lors d’une deuxième rencontre, Bausch relance l’idée. Suivront quelque 20 ans durant lesquels Wenders cherchera comment transposer à l’écran l’oeuvre de Bausch. Le déclic se fait en 2007 en voyant U2 3D de Catherine Owens et Mark Pellington. Hélas, la danseuse s’éteint en 2009, quelques mois avant le tournage.
"Après la mort de Pina, j’ai complètement abandonné le projet, confiait le cinéaste au Festival international du film de Toronto. Selon moi, il n’y avait rien d’autre à faire. Le concept du film était de tourner avec Pina, de traiter de son allure, de sa façon de voir le monde, de ses yeux."
Après avoir élu un directeur artistique, l’ensemble Tanztheater Wuppertal commence à répéter les quatre pièces que Pina Bausch avait sélectionnées. Débutent les représentations en octobre 2009, soit au moment où aurait dû se tourner le documentaire: "Encore une fois, j’ai voulu tout arrêter, puis j’ai réalisé que ce film était important après en avoir caressé le rêve pendant si longtemps. Et Pina aurait voulu qu’on le fasse."
Pour Wim Wenders, poursuivre ce projet permettait aux danseurs de dire au revoir à celle qui avait été le centre de leur vie: "Le regard de Pina demeurait sur tous les danseurs, les jeunes danseurs avaient été entraînés par elle pour danser dans ces lieux. On les a alors filmés pendant quelques semaines. Puis on a fait une longue pause et j’ai commencé à monter les extraits. Je suis resté en contact avec les danseurs et, lentement, nous avons trouvé une façon de continuer le film, d’assimiler la méthode de Pina."
Le réalisateur poursuit: "Sa méthode consistait à poser des milliers de questions, personnelles et générales, auxquelles ils avaient le droit de répondre seulement par la danse, les gestes, leur corps. Pina leur demandait alors de répéter ces gestes de façon plus précise. Elle ne voulait pas que les danseurs jouent des rôles; elle voulait voir ce que les danseurs avaient à exprimer. Pour chaque pièce, elle a développé des centaines d’heures de matériel duquel elle a extrait de minuscules fragments pour former ses chorégraphies. Puisque les danseurs étaient habitués à être interrogés et à répondre avec leur propre langage, cette méthode est devenue la façon de faire le film."
Partie prématurément, Bausch n’a pu être immortalisée par la caméra de Wenders, qui a alors utilisé des images d’archives. Parmi celles-ci, Pina danse Café Müller pour l’une des dernières fois alors que se fait entendre le déchirant lamento de la reine Didon: "J’ai découvert Purcell dans Café Müller. C’est étonnant que cet opéra du 17e siècle sonne de façon si contemporaine et combien émouvantes demeurent les paroles encore aujourd’hui."
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Pina
Composé de témoignages des danseurs du Tanztheater Wuppertal et d’extraits de Café Müller, du Sacre du printemps, de Wollmond et de Kontakthof, tournés autant sur scène que dans des endroits extérieurs, Pina séduit par la façon qu’a Wim Wenders de mettre en lumière la singularité des mouvements chez Bausch. S’y retrouve magnifiée sa façon de déconstruire un geste en apparence anodin, lequel, multiplié et répété à une vitesse de plus en plus folle, prend une ampleur extraordinaire. Alors que les corps de tous âges se découpent dans l’espace grâce à la 3D, on s’étonne que l’emprunt au burlesque émeuve vu de si près. Ainsi, tandis que les danseurs forment une ronde, figure devenue la signature de Bausch, se dessinent sur leurs visages des sourires presque lugubres. Du coup, l’émotion l’emporte et l’on s’abandonne complètement à la beauté de la danse. Envoûtant.
Je connaissais Pina Bausch de réputation, mais je n’avais jamais vu une de ses chorégraphies. Le documentaire Pina m’a permis de constater que des chorégraphes québécois semblent s’inspirer du travail de Pina Bausch pour certains spectacles que j’ai eu l’occasion de voir et d’apprécier. Elle est décrite comme un bourreau de travail et ses interprètes disent progresser grâce à ses exigences. Quelle puissance se dégage du «Sacre du printemps» : j’avais l’impression d’assister à une explosion. Présenté en 3D, ce n’était pas ma première expérience de ce genre, car j’avais eu l’occasion de voir «Lord of the Dance» de Michael Flatley aussi en 3D.
Cette technologie semble faire des merveilles autant en danse moderne qu’en danse celtique. Cet art du mouvement semble magnifié par la caméra. Avec la présentation de Ora (José Navas-Robert Lepage) qui utilisait des caméras thermographiques (apparence spectrale des corps), nos artistes locaux ont fait la 1re partie de cette présentation qui s’est terminée avec les succès de Pina Bausch qui adore le sable, les roches, l’eau, etc… Ces 2 heures de visionnement, avec des lunettes 3D, m’ont plu, mais j’avais hâte que cela se termine. La salle était presque vide à cette représentation du samedi après-midi. J’ai hâte que la version DVD devienne disponible. Je recommande Pina aux amateurs de danse moderne, car cette femme est une grande perte pour l’art de la danse.
« La salle était presque vide à cette représentation du samedi après-midi ». écrivez-vous. Je présume que c’était au Quartier Latin. Si c’est le cas, rassurez-vous Normand, Ma conjointe et notre garçon était dans une autre salle en train d’assister à une projection de Tintin,, pendant que je visionnais Ora et Pina, et dans leur salle il y avait tout au plus 20 personnes. Alors, il faut croire que le soleil était plus invitant…
Toutefois, oui, il y a peu de gens qui assistent à des représentations de danse contemporaine. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes : Fabienne, Aline, Robert, Normand, les étudiantes en danse de l’Uqam, des gens du milieu, moi. Mais peut-être qu’en parler attisera la curiosité d’un autre public pour cet art parfois difficile d’accès, auquel pourtant il ne faut que s’abandonner.