A Dangerous Method : Elle s’appelait Sabina
Dans A Dangerous Method, David Cronenberg fait revivre Freud et Jung, ainsi que l’une des premières femmes psychanalystes.
C’est après avoir lu A Most Dangerous Method de John Kerr que Chistopher Hampton s’est pris de passion pour Sabina Spielrein, psychanalyste ayant analysé Piaget et inspiré à Freud la notion de pulsion de mort. Afin d’en savoir davantage sur celle qui se démarqua en psychologie de l’enfance, le scénariste se rendit à Zurich pour lire les écrits de Carl Gustav Jung, dont elle fut la patiente puis la maîtresse.
La pièce qu’il en tira, The Talking Cure, adaptée ici avec un académisme impersonnel par David Cronenberg, s’intéresse à la liaison entre Spielrein (Keira Knightley, risible et artificielle) et Jung (Michael Fassbender, nuancé). Et c’est sans doute là que réside le grand problème de A Dangerous Method. Dès l’apparition de Knightley, feignant l’hystérie en se tortillant et grimaçant de façon embarrassante, on peine à croire que celle-ci incarne une femme brillante qui deviendra le grand amour de Jung.
Heureusement, le récit se concentre aussi sur l’amitié et la rivalité entre Jung et Freud, qu’incarne avec panache Viggo Mortensen. Bien qu’à travers leurs longs entretiens, les origines théâtrales de A Dangerous Method se fassent lourdement sentir, les dialogues de Hampton s’avèrent passionnants, relevant efficacement les contradictions de Freud, obsédé par sa théorie sexuelle, et de Jung, attiré par la mythologie et la religion.
Tandis qu’on se réjouit de la brève apparition de Vincent Cassel en Otto Gross, psychanalyste décadent, on se désespère de ne pas retrouver dans cet élégant et bavard film à costumes la présence de Cronenberg derrière la caméra.
Ce dimanche aurait pu être l’un des jours les plus exceptionnels de toute mon insignifiante petite existence. Celui d’une totale remise en question de mes théories à deux balles, de mon jugement à l’emporte-pièce et de mes certitudes immatures. Oui, aujourd’hui aurait pu faire de moi un être nouveau ouvert à une introspection salutaire qui aurait envoyé voler en éclats mes convictions les plus indéboulonnables, et peut-être serais-je même allée jusqu’à penser qu’il n’est finalement pas impossible que Dieu existe, même si je suis absolument convaincue du contraire depuis déjà bien avant ma naissance.
Car aujourd’hui, j’ai fait une chose qui m’a demandé une force et un courage que je ne me soupçonnais pas d’avoir. Je suis capable de presque tout, rien ne me fait peur. Dévaliser une banque, escalader jusqu’en haut à mains nues la statue de la Liberté pour nourrir des pigeons. Presque tout sauf une chose… Aller voir un film de David Cronenberg. Cronenberg et moi, c’est une longue histoire de désamour frisant la haine qui remonte à très loin. Aux années 80. Je l’ai découvert par son adaptation de La mouche, histoire fascinante qui a bercé mon enfance de petite fille en perpétuelle quête de sensations euphorisantes. Cette mouche, j’avais d’abord fait sa connaissance en piquant dans une librairie un recueil de nouvelles compilées par Alfred Hitchcock dans lequel se trouvait celle de George Langelaan. Puis, toujours haute comme trois pommes, en voyant à la télévision une rediffusion de l’adaptation que Kurt Neumann en fit en 1958. Quand, dans les années 80 donc, j’ai eu vent du remake de Cronenberg, je me suis précipitée au cinéma, et en suis ressortie furieuse devant le massacre lamentablement gore hollywoodien que le cinéaste canadien avait eu l’irrespect de produire en dénaturant au passage le récit original. Ce jour-là, j’ai acquis un début de conviction que Cronenberg est un malade mental à l’esprit si bestialement tourmenté que si Freud l’avait eu comme patient, la complexité de son cas désespéré l’aurait tellement dérouté qu’il en aurait abandonné la psychanalyse pour préférer aller enseigner les mathématiques à des gamins de maternelle. Ce qui aurait dramatiquement changé le sort de l’humanité. Et la tentative de visionnement de Crash et d’eXistenZ bien des années plus tard (films que je ne suis pas parvenue à regarder jusqu’au bout) a achevé de me convaincre que Cronenberg est vraiment un psychopathe irrécupérable.
Mais aujourd’hui, donc… Je lis par hasard un article concernant un film actuellement à l’affiche dans lequel il est question de la relation conflictuelle qu’entretenaient, justement, Freud et Jung. Oh, me dis-je, chouette ! Jusqu’à ce que je lise que ledit film est réalisé par ma bête noire, le psychopathe… Toutefois, en poursuivant ma lecture malgré tout, je tombe sur cette petite phrase magique qui fout à terre mon aversion chronique pour les délires cinématographiques du dingue : « Cette œuvre est à mettre totalement à part dans la filmographie de Cronenberg ». Ah !, que je me pense alors, serait-il possible qu’en ce dimanche 15 janvier, je puisse réviser mes préjugés tenaces et pardonner à David ses errances névrotiques du passé ? Est-il concevable qu’il puisse y avoir UN film de lui qui me ferait accepter d’admettre que, malgré ma certitude absolue de ne jamais me planter dans mon jugement, je me doive de faire preuve d’un soupçon d’humilité et de reconnaître que ça fait des décennies que je suis à côté de la plaque ?
Je suis donc allée trouver la réponse à cette insidieuse question en allant voir le film au cinéma. Je m’attendais à ce que, fidèle à sa nature perverse, Cronenberg nous y montre un Carl Jung décapitant Freud et manger ses intestins à la petite cuillère, mais non. Hélas d’ailleurs… C’eut finalement été plus divertissant que cette histoire d’amour soporifique qu’il filme avec autant d’inspiration qu’un canard qui tente de nous convaincre qu’il jubile en faisant des ronds dans l’eau. D’abord, Cronenberg mériterait un Oscar dans la catégorie du pire choix d’actrice pour tenir le rôle de Sabina Spielrein, une patiente hystérique de Jung qui deviendra elle-même psychiatre et avec qui il aura une relation tumultueuse. Keira Knightley est si peu crédible et tellement agaçante dans les scènes où son personnage disjoncte qu’on a une furieuse envie de lui plonger la tête dans une baignoire et de ne pas la relâcher avant le soubresaut final. La chimie entre les deux amoureux est totalement absente, à tel point que lorsqu’il se passe des choses aussi peu orthodoxes que catholiques entre eux, on n’en a strictement rien à foutre et on en vient à se dire que Mickey et Minnie, dans les vieux dessins animés de Walt Disney, possédaient bien davantage la magie de faire naître en nous des sensations érotiques. Quant à la relation entre Freud et Jung, elle nous semble ici bien anecdotique…
Bref, le nouveau film de Cronenberg est effectivement à mettre à part dans sa filmographie. Dans la case chiantissime. Et donc, le miracle n’aura pas eu lieu. David et moi, c’est fini pour de bon. Je sais maintenant que mon jugement est infaillible, en aucun cas à remettre en question. Et je peux aussi affirmer haut et fort qu’il est inutile de continuer à tenter de percer ce mystère qui perdure depuis des millénaires. Dieu n’existe vraiment pas.
C’est un film sur la psychanalyse, donc il ne faut pas s’attendre à de l’action, mais plutôt à une analyse psychologique des personnages. L’action se passe il y a environ 100 ans dans une Allemagne qui est encore en paix, mais qui est entre 2 guerres. Les personnages principaux semblent tous affectés par des problèmes de comportements moraux ou psychologiques. On insiste beaucoup sur la religion juive et la race aryenne, mais sans faire mention du nazisme à venir. Les fraüleins semblent avoir la libido au maximum alors que les épouses promettent des bébés masculins à leur conjoint. J’ignore si cette histoire est vraie ou partiellement fictive, mais elle me semblait difficile à croire en fonction de nos pratiques modernes: une patiente deviendra assistante, maîtresse, étudiante et finalement une sommité. Bien filmé, ce film nous montre ces professionnels faire des travaux de recherche en psychiatrie. Ils sont membres de l’élite de la société mondaine à cette époque.
Le reste sur mon blogue.