Victime du système
Philippe Torreton incarne dans Présumé coupable, de Vincent Garenq, une victime de l’un des plus grands scandales judiciaires français.
En 2001, dans la banlieue d’Outreau, à la suite d’accusations d’enfants agressés par leurs parents et des proches, un jeune juge, croyant pouvoir éviter une seconde affaire Dutroux, fait écrouer une douzaine d’hommes et femmes innocents. Parmi les victimes du juge Burgaud (Raphaël Ferret), se trouvaient le huissier Alain Marécaux et sa femme (Philippe Torreton et Noémie Lvovsky).
"L’affaire a fait grand bruit, mais honnêtement, à l’époque, je ne m’y intéressais pas trop parce que je trouvais ça confus, compliqué, raconte Torreton lors d’un entretien à Paris. En plus, je n’ai pas une passion pour les faits divers. En lisant le scénario de Vincent Garenq puis le livre d’Alain Marécaux (Chronique de mon erreur judiciaire: une victime de l’affaire d’Outreau), j’ai été scandalisé, j’ai eu envie de crier à chaque page. Comment est-ce possible de dériver à ce point-là? Comment une justice peut-elle ne pas avoir besoin de la vérité pour avancer?"
Alors qu’aucune preuve tangible n’incriminait Marécaux et les autres accusés, plusieurs arrestations ont été empêchées lorsqu’un travailleur social s’est rendu compte que l’une des jeunes victimes s’amusait à accuser tous les adultes qu’elle croisait sur son chemin.
"C’est un jeu terrible, car il y a réellement eu viol d’enfants. Quatre enfants ont subi l’enfer de la part de leurs parents et du couple d’amis des parents. Même si la résilience existe, ce sera vachement dur pour eux, d’autant plus que le mensonge a existé et que leur statut de victimes a été écorné par le mensonge qu’ils ont eux-mêmes proféré."
À la manière de Michael Fassbender dans Hunger de Steve McQueen, Torreton s’est totalement investi dans le rôle de Marécaux – allant jusqu’à perdre 27 kilos. Désir de justice ou devoir de mémoire de la part de l’excellent acteur?
"C’est plein de choses mêlées. C’est d’abord une envie de hurler ça à la face du monde le temps d’un film, bien que c’est surtout le rôle de Vincent Garenq. Ma mission en tant qu’acteur, c’est d’être au plus près, au plus juste de cette douleur, de ce dépouillement, afin que les gens comprennent ce que ça fait d’être menotté, arrêté, séparé de sa femme et de ses enfants, de perdre sa mère, de vouloir se suicider tous les 15 jours, d’être incompris, pas entendu et, comme le titre le dit, d’être présumé coupable."
Du même souffle, l’acteur, souvent vu chez Tavernier (L.627, Ça commence aujourd’hui), avoue qu’on lui a parfois reproché de se donner aussi intensément et se défend ainsi: "Pour moi, c’est la version la plus aiguisée de ce que doit être mon métier. Quels que soient les films qu’on accepte, ils racontent des histoires humaines. Que ce soit dans le drame, la comédie, le mélo, le politique, on raconte l’humain, dans toute sa complexité, sa subjectivité. En racontant le singulier, on raconte le pluriel; raconter l’histoire d’un homme, c’est raconter l’histoire de tous les hommes. On se reconnaît tous dans une injustice. Si je devais donner une définition de mon métier, j’aurais envie de donner ce film."
Les frais du voyage à Paris ont été payés par Unifrance.
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Présumé coupable
Inspiré de la scandaleuse affaire d’Outreau, Présumé coupable relate comment, durant trois ans, un homme injustement accusé de pédophilie (Philippe Torreton) et son avocat (Wladimir Yordanoff) se sont heurtés à l’incompétence d’un jeune juge (Raphaël Ferret). Si la réalisation de Vincent Garenq (Comme les autres) se révèle modeste, voire téléfilmesque, et sa mise en scène, fonctionnelle et peu subtile, pour ne pas dire brutale et frontale, on peut saluer sa manière de résumer habilement ce sombre et complexe fait divers, et ce, bien qu’il n’adopte que le point de vue de la victime. Grâce au jeu puissant de Torreton, Présumé coupable s’avère un récit prenant qui nous anime d’un sentiment d’incompréhension, de révolte et de colère face à ce dérapage de la justice.
Vous auriez du vous renseigner un peu avant de publier ça aujourd’hui alors que 10 mois avec sursis sont requis contre des acquittés d’Outreau qui continuent à maltraiter leurs enfants.
Bonsoir,
J’aimerai vous faire part de mon ressenti en tant que français sur cette affaire qui a touché un grand nombre de mes compatriotes. Tout d’abord je préfère le terme de « pédocriminel » à celui de pédophile (question de sémantique). Celui qui aime véritablement les enfants (même d’un point de vue inapproprié, ne leur fera jamais de mal.
L’affaire d’Outreau a été vécue comme un traumatisme, ici, en France, mais sur le coup de l’émotion. Aujourd’hui ne reste que le nom d’une affaire.
Ceux-là mêmes qui criaient haro sur les « coupables » sont hélas les mêmes qui réclamaient justice contre le juge ! Nous avons accordé, face à nos peurs, tellement de crédibilité aux témoignages des enfants, que nous n’avons jamais imaginé qu’ils puissent être manipulés ! Cela fût hélas le cas. Des innocents ont payé le prix fort. Aujourd’hui nos Sociétés ont tellement de peurs irrationnelles à contenir, qu’on en vient à chercher des exutoires dans cet irrationnel. On se focalise sur la pédophilie des religieux, alors que cette abomination existe depuis que l’homme existe. Quand je lis les commentaires sur ces affaires, Dieu merci que la justice « populiste » ne s’exerce pas ! Je n’ai hélas pas la solution à ce problème. Mais je vis dans un pays qui ne conçoit plus la peine de mort comme une solution, comme si elle était le seul remède à tous les maux, justice des faibles d’esprit. La solution se trouve dans notre capacité à dépasser nos peurs, à comprendre. Eliminer un monstre, n’empêchera pas d’autres monstres hélas. Nos sociétés ont une mémoire à court terme et réagissent sur l’émotion que manipulent nos politiques en mal de suffrages. Nous ne cherchons hélas de solution que dans le court terme, préférant le répressif au curatif. En France aujourd’hui, Outreau n’est plus qu’un nom, vite oublié passée l’émotion instantanée. Ces films ne présentent qu’un parti pris, manipulés par une musique et des scénari propres à guider nos consciences, pour peu que nous n’ayons plus (ou pas) notre indépendance d’esprit. La pédophilie est un fléau (pas nouveau) que l’on ne combat pas à coup de populisme électoralo-politique !