Une séparation : Scènes de la vie familiale
Cinéma

Une séparation : Scènes de la vie familiale

Prodigieuse chronique familiale couronnée de l’Ours d’or à Berlin, Une séparation, d’Asghar Farhadi, dévoile l’Iran comme on ne l’avait jamais vu au cinéma.

Campé dans la classe moyenne iranienne, Une séparation séduit et surprend le spectateur dès la scène d’ouverture. Devant le juge, Simin (Leila Hatami) annonce qu’elle veut se séparer de Nader (Peyman Moadi) parce que celui-ci refuse de quitter l’Iran afin d’offrir à leur fille (Sarina Farhadi) une vie meilleure. Filmée frontalement, la scène n’est pas sans rappeler l’oeuvre d’un grand cinéaste suédois: "En voyant cette scène au montage, confie le réalisateur au bout du fil, je me suis rendu compte que j’avais été influencé par Scènes de la vie conjugale de Bergman."

Ce qui étonne et ravit également dans cette splendide chronique familiale, c’est le refus catégorique d’Asghar Farhadi d’avoir recours au montage parallèle, sa façon d’insuffler à ce drame prenant des accents de thriller et d’offrir à l’ensemble un aspect documentaire.

"Dans mes premiers films (La fête du feu, À propos d’Elly), j’ai tenté également de créer cette forme, c’est-à-dire un drame d’aspect réaliste. Parfois, la fiction est diamétralement opposée à la réalité. Dans mes films, je tente d’unir les deux façons de raconter une histoire afin que la réalité et la fiction ne s’opposent pas."

Après le départ de sa femme, Nader engage une aide-soignante, Razieh (Sareh Bayat), pour s’occuper de son père atteint de la maladie d’Alzheimer (Ali Asghar-Shahbazi), sans savoir que celle-ci n’a pas demandé la permission à son mari (Shahab Hosseini). À la suite d’une altercation entre eux, Razieh accuse Nader de lui avoir fait faire une fausse couche.

Alors que la caméra s’agite autour d’eux, les personnages deviennent prisonniers d’une situation quasi kafkaïenne: "Tous semblent tourner en rond. Ainsi, quand Nader met Razieh à la porte, plusieurs scènes plus tard, on discute de l’événement sous plusieurs angles. Dans À propos d’Elly, les personnages revenaient souvent sur le moment de la disparition d’Elly."

Au cours du procès, le spectateur arrivera difficilement à trouver qui dit vrai, Farhadi s’amusant brillamment avec les perceptions de celui-ci jusqu’à la finale: "Plusieurs petits détails apparaissent d’abord sans importance, puis ils perturberont le déroulement des événements. Le but, c’est que le spectateur ne demeure pas passif, qu’il désire en tout temps regarder en arrière, faire attention à chaque détail, noter tout ce qu’il voit comme s’il faisait sa propre enquête."

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Une séparation

Que les univers des Panahi, Majidi ou Kiarostami nous soient familiers ou non, Une séparation donne l’impression de découvrir l’Iran sous un jour nouveau grâce au remarquable souci d’authenticité d’Asghar Farhadi. Offrant des personnages d’une formidable complexité, qu’il dispose stratégiquement dans chaque lieu où se joue le drame, le cinéaste illustre avec finesse le pouls d’une société déchirée entre modernité et tradition, réalité et religion, émancipation et filiation. D’une prémisse mille fois empruntée, Farhadi parvient à faire d’Une séparation un récit d’une grande délicatesse où chacun est poussé dans ses derniers retranchements tandis qu’arrivent sans crier gare de nouveaux éléments perturbateurs. Au sein d’une distribution impeccable, la bouleversante Leila Hatami s’impose en femme fière et forte. Sans aucun doute le plus grand rival de Monsieur Lazhar dans la course aux Oscars…