Pour l'Afrique
Cinéma

Pour l’Afrique

Avec Les États-Unis d’Afrique, Yanick Létourneau dresse le portrait de la génération hip-hop africaine par le truchement de Didier Awadi, l’une des plus grandes figures du  mouvement.

S’il s’intéresse depuis toujours aux questions sociales, politiques et identitaires, le documentariste québécois Yanick Létourneau a aussi un autre sujet de prédilection: le hip-hop. En ce sens, il n’est pas surprenant de devoir remonter aussi loin qu’en 2003, année où il a présenté Chronique urbaine, son premier long métrage, pour retrouver les traces de la genèse de son troisième projet documentaire, Les États-Unis d’Afrique.

"Cette année-là, se remémore le réalisateur, le festival Vues d’Afrique m’avait invité à aller présenter mon film au Burkina Faso, où se tenait simultanément le festival Waga Hip Hop. Je me souviens d’avoir été complètement soufflé par la performance de Didier Awadi, qui était l’une des têtes d’affiche du festival. Même si je n’étais pas africain, je comprenais parfaitement, grâce à la puissance et à la simplicité de ses textes, le regard qu’il posait sur le continent africain."

En tant qu’artiste militant, Didier Awadi se réclamait déjà des grands meneurs africains passés avant lui et qui, pour de multiples raisons, furent effacés de l’histoire. Son dernier projet musical, Présidents d’Afrique, dont nous suivons l’élaboration dans le film, s’intéresse d’ailleurs à ces grandes figures à travers une série de collaborations artistiques militantes.

"La plupart de ces grands héros, raconte Didier Awadi, on ne les étudie pas à l’école parce qu’ils ont été effacés de nos archives nationales par les gouvernements auxquels ils se sont opposés. Notre travail, en tant que passeurs de mémoire, c’est de les retrouver et de répandre leur souvenir afin que leur exemple ne soit jamais oublié."

"Il y a un immense combat à mener en Afrique, enchaîne Yanick Létourneau, mais on sait aussi qu’il y a des solutions. Par le passé, il y a des gens qui se sont levés, qui ont sacrifié leur vie et qui se sont battus pour défendre d’autres types de développement que les modèles actuels qui rapportent principalement aux dictateurs en place et aux intérêts étrangers qui pillent les ressources naturelles du continent. Quand j’ai découvert Didier Awadi, son amour pour la culture, pour la musique, pour l’art et pour le hip-hop qu’il mélangeait avec une perspective historique et politique, j’ai vite senti qu’il y avait quelque chose à explorer là-dedans. Le film est né de cette rencontre."

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Les États-Unis d’Afrique

Grâce à un travail de recherche de longue haleine et à la collaboration d’un sujet extrêmement riche en idées comme Didier Awadi, le cinéaste québécois Yanick Létourneau a réussi à composer, avec son troisième long métrage documentaire, un portrait fascinant de la jeunesse africaine et du mouvement hip-hop qui la soutient. Le travail de mémoire d’Awadi, lequel n’est pas sans rappeler celui du documentariste, se traduit de façon parfaitement cohérente à l’écran grâce au montage vif et précis de l’ensemble, à la proximité et à la résolution de la caméra, et à l’espace accordé à la parole, tantôt chantée, tantôt déclamée, tantôt livrée sans artifice, mais toujours avec le même objectif vibrant de conscientisation et d’ouverture. Un travail adroit, engagé et militant, qui interroge l’Afrique différemment afin d’offrir de nouvelles réponses qui méritent d’être entendues.