Québécois à la conquête de Cannes : Chloé Robichaud, Marie-Ève Juste, Danny Lennon, Juan Andres Arango, Karim Hussain et Xavier Dolan
Cannes 2012

Québécois à la conquête de Cannes : Chloé Robichaud, Marie-Ève Juste, Danny Lennon, Juan Andres Arango, Karim Hussain et Xavier Dolan

Au 65e Festival de Cannes, on ne croisera pas que Xavier Dolan sur la Croisette.

Le nom de Chloé Robichaud ne court peut-être pas encore sur toutes les lèvres, mais la jeune réalisatrice de Cap-Rouge n’en est pas moins à sa troisième présence au Festival de Cannes. Ainsi, en 2010, son court métrage Moi non plus était le coup de coeur du Short Film Corner, et en 2011, Nature morte figurait dans la sélection de la SODEC. Cette année, Chef de meute, mettant en vedette Ève Duranceau, se retrouve parmi les 10 courts métrages concourant pour la Palme d’or. Mentionnons qu’ils étaient 4500 sur la ligne de départ…

« On m’a dit qu’on ne choisissait pas nécessairement des films parfaits, réalisés par des cinéastes établis, affirme celle dont cette sélection était au-delà de ses espérances. Ils choisissent des courts de cinéastes qu’ils veulent suivre. Ayant vu mes autres courts métrages, ils ont senti que j’étais prête avec celui-là. C’est un film qui repose beaucoup sur le scénario, sur le jeu des comédiens, sur ma façon de faire avec peu, et c’est peut-être ça qui les a charmés. »

À la Quinzaine des réalisateurs, une autre court métragiste tentera de faire sa marque, Marie-Ève Juste, que l’on connaît pour Canicule qu’elle a réalisé avec Félix Dufour-Laperrière. Cette fois, c’est en solo qu’elle signe Avec Jeff à moto: « J’ai été dubitative pendant quelques jours, se souvient celle qui partage sa vie entre le cinéma et la médecine, jusqu’à ce que ce soit annoncé sur le site Internet. C’était beaucoup trop grand pour moi. C’est magnifique! Je me suis beaucoup demandé ce qu’on avait trouvé à mon film. Ce qui les a touchés, c’est qu’au début, il y a un extrait d’un poème de Tania Langlais évoquant la transparence des filles. Le film est un portrait d’une jeune femme qui doit décider entre les responsabilités et le rêve de s’évader; tout au long, elle est filmée de façon un peu éthérée. »

Ces deux présences à Cannes témoignent de la bonne santé du court au Québec. Et s’il y en a un qui y voit de très près, c’est bien Danny Lennon, qui cette année devra partager son temps entre le jury des courts métrages de la Semaine de la critique et le contingent d’une cinquantaine de personnes de Talent tout court, dont il s’occupe. Lancé par Téléfilm Canada, ce programme comprend 25 courts métrages québécois et canadiens, dont Le futur proche de Sophie Goyette, Ne pas reculer de Dominique Laurence et Tout va mieux de Robin Aubert, qui seront projetés au Marché du film dans deux salles aménagées par Phi Group.

« Ça démontre à quel point on est dynamique depuis une douzaine d’années et qu’on fait du bon stock. En plus, on est sympathique! lance Lennon. Depuis deux ans, j’aide Téléfilm pour Talent tout court; ils ont compris qu’ils ne pouvaient pas aider le court, mais ils ont décidé d’aider les jeunes talents à prendre du galon, à rencontrer des gens, et à se préparer éventuellement à faire un long. Je trouve ça intelligent. »

Au Québec, on le connaît comme réalisateur de La belle bête, mais ailleurs, Karim Hussain est avant tout directeur photo. Les festivaliers pourront d’ailleurs découvrir ce talent dans Antiviral de Brandon Cronenberg à Un certain regard: « Ce film traite de la célébrité et de l’obsession jusqu’au point où les fans achètent les maladies de leurs célébrités favorites. On a décidé d’opter pour un style assez radical. Plusieurs savent que j’utilise normalement beaucoup de couleurs, mais dans ce film, les couleurs sont très désaturées, il y a énormément de blanc. Il y a un aspect très clinique qui rappelle l’univers que l’on connaît très bien du père de Brandon, David. Il est son propre cinéaste, avec son propre style, mais c’est un Cronenberg. On voit très bien le lien de parenté. »

Québécois d’origine colombienne, Juan Andres Arango avoue être très fier de présenter La playa, sur la minorité afro-colombienne de Bogota, à Un certain regard: « Ce qui m’a motivé à écrire ce scénario, c’est que cette minorité, qui compose 20% de la population colombienne, est peu présente au cinéma. Le film parle d’exil, de racisme et de guerre. Pour un premier film, c’est magnifique d’être sélectionné à Un certain regard. Et si le film crée une polémique, ça ne me dérange pas du tout! »

Parlant de polémique, Xavier Dolan n’a pas caché sa déception en apprenant que Laurence Anyways ne se retrouvait pas en compétition officielle, ce qui ne signifie pourtant pas qu’il ira à Cannes à contrecoeur: « Je ne pense pas du tout qu’Un certain regard soit une sous-catégorie. Je trouve ça assez offensant puisque de grands films y ont été sélectionnés. À la conférence de presse, Thierry Frémaux a dit qu’on lui reprocherait dans 10 ans de toujours me mettre en compétition. Ce que je pense surtout, c’est qu’on lui reprochera de le faire alors que je ne le mériterai pas parce que je serai devenu un habitué du festival. »