Virginia : L’amour fou
Pour son second long-métrage, Virginia, Dustin Lance Black compose l’improbable récit d’une famille atypique du sud des États-Unis.
À l’image de son personnage principal, Virginia, du réalisateur Dustin Lance Black (scénariste de l’excellent Milk de Gus Van Sant), est un film schizophrénique et déjanté, où se côtoient puis s’entrechoquent un mélodrame familial éclaté et un récit initiatique aussi étrangement charmant qu’audacieux.
Parce qu’il multiplie les pistes et qu’il se sert du chaos engendré par la folie de ses protagonistes pour motiver sa diégèse, le film de Black risque justement d’en déstabiliser plusieurs, qui n’y verront peut-être – et cela serait dommage – qu’un inextricable fouillis narratif. Il y a pourtant bien plus à en tirer.
Dans une Virginia Beach reconstituée puis sublimée par le génie créatif de Laura Fox ((500) Days of Summer), architecte de plateau d’exception, Virginia (Jennifer Connelly), mère de famille monoparentale schizophrène, tente d’élever son fils Emmett (Harrison Gilbertson) comme une mère digne. Dans les faits, c’est plutôt ce dernier qui doit veiller sur elle et se montrer raisonnable face aux excentricités qui viennent, par sa faute, s’infiltrer puis envahir son quotidien.
L’équilibre précaire de leur univers familial se rompt une première fois lorsque Dick Tipton (Ed Harris), amant de longue date de Virginia, met un terme à leur relation en raison de ses aspirations politiques, et une seconde fois lorsqu’il interdit à Emmett de poursuivre une liaison avec sa fille Jessie (Emma Roberts), qu’il soupçonne d’être sa soeur. Entre le combat acharné d’Emmett pour vivre son amour et le sacrifice "pathético-comique" de Virginia pour le bonheur de son fils, une comédie dramatique aussi exceptionnelle qu’improbable apparaît devant nos yeux.
Loin, mais très loin des schémas traditionnels du genre, Virginia s’intéresse principalement à la thématique de l’amour, et s’exécute en flirtant continuellement avec le grotesque, le risible et l’absurde, mais sans jamais sombrer pleinement dans ces pièges de la caricature facile.
Grâce à son humour noir et à la justesse de ses ironies, Virginia conserve le charme suranné que proposaient déjà la direction artistique et le jeu sensible de ses interprètes, et capitalise finalement sur la poétique qui se cachait effectivement dans ce récit largement inspiré de l’enfance du réalisateur. Mais pour bien capter cela, encore faut-il accepter de jouer le jeu du film et savoir aller au-delà des apparences.