Insurgence : Souvenirs d'un printemps agité
Cinéma

Insurgence : Souvenirs d’un printemps agité

Épopée, regroupement anonyme de cinéastes, a réalisé Insurgence, long métrage documentaire ayant une seule vedette: la grève étudiante de 2012. 

Sans commentaires, sans narration, sans intervention, sans reportages télévisuels de l’époque et sans réalisateurs ou monteurs attitrés officiellement au projet, le long métrage documentaire Insurgence réussit parfaitement sa première mission: faire de la grève étudiante du printemps 2012 le seul réel sujet du film. Il s’agit effectivement de l’objectif premier d’Épopée, groupe d’action en cinéma.

«Nous avons voulu rendre le plus fidèlement possible l’expérience collective de cette grève à travers notre regard et notre subjectivité. Au final, nous avons filmé et monté ce que nous avons vu», affirment les membres du collectif, contactés par courriel.

Qui sait comment le regroupement anonyme Épopée a mis la main sur autant de matériel filmé directement sur le terrain lors des nombreuses manifestations qui ont secoué le Québec lors de la grève étudiante? Une certaine qualité formelle nous laisse croire à un équipement régulier pour le(s) caméraman(s), ainsi qu’un esthétisme cohérent et quelque peu léché. Aussi, on peut féliciter l’assiduité militante du groupe, présent à plusieurs manifestations: au Palais des congrès, au centre-ville de Montréal, à Victoriaville… bref, si les étudiants y étaient, fort est à parier qu’Épopée y était aussi, caméra au poing.

Le résultat est assez marquant: pour tous ceux qui ont manifesté, il sera possible de revivre ces évènements (tantôt euphoriques, tantôt traumatisants), sans la ligne éditoriale des médias traditionnels qui accordent généralement de très brefs reportages avec mise en contexte sommaire. Pour les néophytes, ce sera l’expérience la plus immersive possible sans remonter dans le temps pour se faire jeter des bombes assourdissantes au visage en pleine manifestation. On se retrouve entre les cagoules improvisées de militants agressifs et les masques à gaz intimidants de policiers organisés. Bref, peu de visages découverts, autant du côté des policiers que des manifestants et des réalisateurs.

«L’anonymat n’est pas une fin en soi pour le groupe, plutôt une réponse par le retrait à la suridentification qu’exige le monde actuel. C’est aussi pour nous une méthode de travail, une zone d’opacité offensive, si on veut», expliquent-ils, justifiant la démarche anonyme. «À ceux qui nous demandent pourquoi nous n’agissons pas à visage découvert, nous répondons que chacun doit pouvoir, s’il le veut, et quelle qu’en soit la raison, se couvrir la tête ou le visage, que ce soit dans une manifestation, un hôpital, une garderie ou ailleurs». Constat qui a le mérite d’être clair, par les temps qui courent. Un documentaire sur la charte à paraître bientôt? Hélas non, le groupe souhaite plutôt approfondir davantage le sujet: «Notre prochain film est complémentaire à Insurgence et porte à nouveau le regard sur le mouvement. C’est une série d’entretiens réalisés à l’automne 2013 avec des personnes blessées et/ou criminalisées au cours de la grève. Cette fois, la parole est au centre du projet.»

Les 29 et 30 novembre, les 6, 7 et 8 décembre, à 19h, à la Salle J.A. de Sève de l’Université Concordia, en présence de l’équipe du film.