15 ans de Kino: l'avenir est sauf
Cinéma

15 ans de Kino: l’avenir est sauf

À la veille d’un gala-anniversaire qui va clôturer au Rialto une année de célébrations, Kino souffle 15 bougies et réaffirme son parti-pris pour la création cinématographique spontanée et sans filet. Discussion avec la directrice Marie-Eve Lavoie et le cinéaste Ricardo Trogi, qui agit comme président d’honneur de l’événement.

Une génération complète de cinéastes y a fait ses premières armes, sans le sou mais dans la bonne humeur. Kino, qui rassemble des cinéastes désireux de tourner de courts films en quelques jours à partir de quelques contraintes, a aussi convié des réalisateurs chevronnés qui y sont passés pour profiter de son climat de permissivité et d’émulation. Les soirées de projection, qui rassemblaient au début une poignée de happy few, ont fini par être courues par des centaines de spectateurs. Le concept québécois a été imité partout dans le monde. Une sacrée belle histoire.

Mais en quinze ans, tout a changé: la production cinématographique est devenue quasi-accessible à toutes les bourses. Si les caméras numériques vendues aujourd’hui à prix raisonnable ont permis une augmentation du nombre de films tournés en marge de l’industrie et sans l’aide des institutions, il faut remercier Kino d’avoir montré il y a belle lurette qu’avec beaucoup de passion, de jus de bras et d’esprit d’équipe, tout est possible. L’organisme a certainement joué un rôle avant-gardiste dans la démocratisation et, aujourd’hui, son rôle est appelé à se transformer.

«Il est vrai que le contexte a changé, dit Marie-Ève Lavoie. Il y a bel et bien eu démocratisation des moyens de production. Mais ce qui n’a pas changé, c’est le besoin de se réunir et de faire des films avec un groupe de passionnés. Le constat qu’on fait cette année, c’est que KINO répond à ce besoin et doit continuer de le faire. Il se crée à KINO des réseaux incroyables. Et évidemment, il est toujours aussi nécessaire de disposer d’un endroit où faire des films rapidement et dans un climat de permissivité. C’est une alternative à un système de production cinématographique très lent, dans lequel la production est toujours retardée par l’attente du financement et par les étapes de pré-production.»

C’est bien dans cet état d’esprit – urgence, spontanéité, désinvolture – que Ricardo Trogi a tourné ses premiers courts métrages. Celui qui n’a jamais officiellement créé dans le giron de Kino n’en a pas moins embrassé les principes en début de carrière à Québec, alors qu’il créait des films en une seule soirée avec quelques amis comédiens (Pierre-François Legendre ou Tammy Verge, par exemple) et avec des collègues cinéastes (comme Jean-François Rivard et Francis Leclerc).

«Je me sens proche de Kino, dit-il, à cause de cette urgence de tourner qui caractérise le mouvement. Je n’envisage vraiment plus de travailler comme ça aujourd’hui, je suis trop vieux, mais ça continue de m’inspirer de regarder les autres. J’ai aussi tourné une dizaine de courts métrages à mes frais; c’étaient des films réalisés sans prétention, en dehors des institutions, dans un climat de liberté. C’est formidable, tout de même, d’arriver à créer sans être obligés d’attendre après le soutien public. C’est d’ailleurs de plus en plus simple de le faire. Bien davantage qu’à mon époque (alors qu’il fallait trouver des salles de montage et les envahir pendant la nuit).»

Ainsi, l’évolution de la technologie vers des équipements de plus en petits risque de transformer à nouveau Kino dans les prochaines années. En documentaire, on observe déjà une certaine tendance au film tourné avec téléphone portable. Marie-Eve Lavoie garde l’œil ouvert devant les nouvelles possibilités qui peuvent ainsi s’ouvrir. «La technologie nano n’est pas encore capable d’offrir une assez bonne qualité d’image. Mais je pense qu’effectivement ça s’en vient. À Kino, on a vu des cinéastes utiliser le iphone pour servir la narration de leur film, par exemple quand le récit raconte le voyage ou l’exil et que des images tournées avec un iphone reproduisent celles que les personnages auraient tournées eux-mêmes à travers le monde. Ça donne un effet un peu plus documentaire, une texture réaliste qui peut être recherchée par certains réalisateurs, mais la tendance ne s’implante pas encore puissamment, pour des raisons de limitation technologique. Il faudra toutefois surveiller ça.»

D’ailleurs plus proches d’un cinéma très narratif, qui raconte de bonnes histoires, les kinoïtes profitent surtout d’une absence de compétition qui permet à tous de s’exprimer sans filtre et sans se sentir jugés par quiconque. «On veut absolument rester fidèle à cet état d’esprit-là, explique Lavoie. Ça fait aussi en sorte que certains réalisateurs chevronnés reviennent dans notre giron à l’occasion pour expérimenter de nouveaux trucs, se ressourcer, se sentir à nouveau libre d’explorer sans retenue. Quand on a fait il y a quelques années un cabaret avec 4 contraintes artistiques, on a vu une quantité rare de films plus expérimentaux, qui ont permis aux cinéastes de sortir de leur zone de confort.»

C’est aussi dans cet esprit qu’ont été introduits il y a quelques années les soirées-cabaret, avec contraintes et thématiques imposées, «pour que les cinéastes repoussent leurs limites et pour qu’ils explorent des territoires qui leur sont moins familiers.» «Un Kino-Cabaret, c’est un véritable ressourcement: 300 personnes dans un même lieu y font des films en même temps, dans une adrénaline et un climat très excitant.»

La soirée de gala du 12 novembre, animée par Salomé Corbo, mettra en lumière quelques films créés cette année mais aussi l’un des vieux courts métrages de Ricardo Trogi et des prestations d’Emile Proulx-Cloutier ainsi que plusieurs invités spéciaux. Ça promet.

La Gala KINO 15e anniversaire
Mercredi 12 novembre à 18h au Rialto