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Line Beauchamp, l’UNESCO et la gratuité scolaire.

Ce matin, Marie-France Bazzo a sorti un lapin de son chapeau à l’occasion d’une entrevue avec Line Beauchamp, Ex-ministre de l’Éducation qui vient d’être nommée représentante du Québec au sein de la Délégation permanente du Canada à l’UNESCO. On se souvient que l’ex-ministre s’est retrouvée au cœur du « printemps étudiant » en 2012, devant défendre l’augmentation des frais de scolarité proposés par le gouvernement.

Un lapin, donc. Et Line Beauchamp a eu l’air bien embarrassée.   On peut entendre ici l’extrait en question.

Et voilà, madame Beauchamp, alors qu’elle défendait l’augmentation des frais de scolarité pour les cycles supérieurs, irait œuvrer au sein d’une organisation prônant la gratuité scolaire. Qui plus est, elle semble complètement l’ignorer. L’ironie est assez jolie.

Bon, je comprends qu’il faut bien s’amuser et qu’il est bon de viraliser un peu sur le dos de Line Beauchamp. Allez, c’est de bonne guerre. Hop, on partage! Il n’y a rien comme un bon vent de médias sociaux pour se réchauffer en ce matin frisquet.

Mais mais mais…

Dans l’énoncé de position sur l’éducation après 2015 publié par l’UNESCO, les seules références à l’éducation gratuite concernent l’éducation de base.

« L’éducation de base devrait comprendre au moins 1 année d’éducation préprimaire et 9 années d’éducation gratuite, obligatoire et continue dans l’enseignement primaire et le premier cycle de l’enseignement secondaire »

Ensuite, pour les autres niveaux, postérieurs à l’éducation de base, l’UNESCO utilise la notion d’accès équitable et non celle de gratuité.

« Les progrès réalisés dans l’offre d’éducation de base et le besoin grandissant de compétences pertinentes et de possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ont fortement accru la demande d’accès à différentes formes et filières d’enseignement postérieur à l’éducation de base et d’enseignement supérieur. Assurer un accès équitable à un enseignement pertinent et diversifié à ces niveaux est un défi que tous les pays se doivent de relever. »

Ce sont les mêmes termes qui sont utilisés dans l’énoncé des objectifs du programme « Éducation pour tous » (EPT) dans le cadre d’action de Dakar (2000)

« Faire en sorte que d’ici 2015 tous les enfants, notamment les filles, les enfants en difficulté et ceux appartenant à des minorités ethniques, aient la possibilité d’accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit de qualité et de le suivre jusqu’à son terme. »

Il apparaît donc que pour ce qui concerne l’éducation post-secondaire, qui était au cœur des polémiques alors que Line Beauchamp était ministre, la position de l’UNESCO vise un « accès équitable » et non la gratuité.

À moins, bien sûr, qu’il puisse se trouver d’autres sources. Je suis loin d’être un expert ayant approfondi la littérature produite par l’UNESCO en ces matières.

Justement, un contact Facebook m’a proposé de considérer une autre source, soit le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté en 1966 et en vigueur depuis 1976.

On peut en effet lire dans ce pacte les énoncés suivants:

a) L’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous;

b) L’enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l’enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;

c) L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;

Or, ce pacte est chapeauté par le Haut Commissatiat aux Droits de l’Homme. Évidemment, à titre d’organisation Onusienne, l’UNESCO est en quelque sorte liée par ces énoncés et ces principes.

Mais il n’en demeure pas moins que dans dans ses publications récentes auxquelles je fais référence, l’UNESCO réserve la notion de gratuité à l’éducation de base et propose un « accès équitable » pour les autres niveaux.

Reste qu’on peut rigoler un peu, quand même… Car le fond du fond, c’est qu’une ex-ministre de l’éducation qui se lance d’un pas si guilleret vers l’UNESCO ne semblait connaître en rien ces références et ces énoncés.