BloguesRaison et laïcité

La laïcité comme principe rassembleur; une pétition à signer

Le Rassemblement pour la laïcité a été lancé cette semaine à Montréal pour donner une voix aux défenseurs de la laïcité ignorés par les médias dans l’actuel débat entourant un éventuel projet de loi sur la laïcité. Je ne vous cacherai pas que j’en suis l’un des organisateurs, n’en déplaise à Lysiane Gagnon.

La question la plus étonnante que m’ont posée plusieurs journalistes à l’issue de la conférence de presse: « pourquoi sortez-vous maintenant? », sous-entendu : pourquoi avoir attendu si longtemps? C’est quand même renversant de se faire poser une telle question!

Pendant plus de trois semaines, les médias ont ouvert leurs pages, leurs micros,  leurs caméras, leurs portes, à tout ce qui était « anti-charte » (lire « anti-laïcité »), sans que personne de ce camp n’ait eu à faire quoi que ce soit pour se faire entendre et sans qu’on offre la même visibilité à ceux, bien connus, qui réclament depuis toujours une loi sur la laïcité. On nous martèle que toutes les municipalités de l’Île de Montréal s’opposent à la charte, mais qui a entendu dire que la Fédération québécoise des municipalités est d’accord avec le projet et même pour remplacer le droit de retrait par une période de transition? On a fait du mur-à-mur avec la position de la Fédération autonome de l’enseignement qui s’oppose au projet, mais qui a entendu parler de la position du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec qui est d’accord avec l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique? On nous sert à répétition le cas des Souverainistes pour la laïcité « inclusive », mais quelle place a-t-on fait dans les médias au colloque « Une charte pour une nation » du groupe Génération nationale? On pourrait multiplier ces exemples.

Il a presque fallu forcer la porte des médias en créant ce rassemblement et en allant chercher des groupes, des personnalités de renom, des communautés culturelles pour qu’on nous accorde une mince place dans le débat. Voilà, chers collègues journalistes, pourquoi nous sortons « maintenant ».

Rassemblement pour la laïcité

Revenons au Rassemblement pour la laïcité. L’énoncé publié cette semaine et que tous peuvent signer sur le site laicitequebec.org  appuie les trois éléments fondamentaux du document d’orientations gouvernementales: affirmation législative de la laïcité de l’État; nécessité de la compatibilité des demandes d’accommodements religieux avec l’égalité des hommes et des femmes; interdiction du port de signes religieux ostentatoires de la part des employé-e-s de la fonction publique. Le Rassemblement demande par ailleurs de remplacer le droit de retrait accordé à certaines institutions comme les municipalités par une période de transition.

Par ailleurs, bien que la question du maintien du crucifix de l’Assemblée nationale ne soit pas un élément du document d’orientations, on ne peut ignorer le discours parallèle tenu par le gouvernement sur cette question. Par souci de cohérence et pour les mêmes motifs qui amènent le gouvernement à interdire le port de signes religieux ostentatoires, le Rassemblement demande de déplacer ce crucifix vers un autre lieu.

Plusieurs arguments appuient l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique. J’en ai traité ailleurs et je reviendrai avec un argumentaire plus élaboré dans un autre texte. L’un des principaux arguments est que le droit du public à être servi dans un environnement étatique neutre sur le plan religieux doit primer sur le droit de l’employé de manifester, pendant son travail, son appartenance religieuse. L’inverse qui, dans le système scolaire par exemple, commanderait de faire prévaloir le droit à l’affichage des croyances religieuses de l’enseignant sur le droit à la liberté de conscience et de religion de l’élève et des parents,  est une dérive des droits fondamentaux. Cela conduirait à reconfessionnaliser l’école que nous venons de déconfessionnalisser. La même logique s’applique à un État que nous voulons laïciser

Il faut aussi reconnaitre que la paix interreligieuse que nous avons connue jusqu’ici au Québec est largement due au fait que le tissu social accepte la séparation du religieux et du politique, bien qu’aucune loi ne formalise une telle disposition. C’est une belle démonstration de l’effet rassembleur que peut avoir la laïcité.  Mais voici qu’arrivent de nouveaux joueurs qui non seulement n’ont pas cette vision du rapport entre la religion et l’État mais qui la combattent. Il faut alors de nouvelles règles pour rendre la chose claire et tracer une limite à ne pas dépasser. Si ces nouveaux joueurs veulent vraiment s’intégrer, ils doivent accepter le principe de la laïcité de l’État qui ne porte aucun préjudice à leurs pratiques religieuses et qui assure la cohésion sociale.