Tout ou presque a été dit sur le projet de laïcité de l’État (malheureusement encore appelé « charte des valeurs québécoises »). Voici les principaux arguments entendus de la part de ceux qui militent contre ce projet avec quelques réponses à leur opposer.
1. Ce sont les institutions qui doivent être laïques, pas les individus. Ne pas porter de signes religieux ostentatoires n’a pas pour effet de « laïciser » l’individu ni de faire de lui un mécréant ou un apostat: il demeure ce qu’il est. Mais toute entreprise est légitimée d’exiger un code vestimentaire. Parfois, ce code va jusqu’au port d’un costume destiné à soutenir l’image de marque que veut projeter l’entreprise. Le vêtement religieux est un discours qu’on ne peut ignorer. Si l’État se veut religieusement neutre, il est normal que la tenue vestimentaire de ses employés reflète cette neutralité. L’addition de toutes les religions ne se traduit pas en bout de ligne par neutralité mais par multiconfessionnalité. Un État laïque qui accepte le port de signes religieux ostentatoires, c’est comme un établissement non fumeur qui accepte que ses employés fument au travail.
2. L’interdiction de porter des signes religieux brime la liberté de religion. Cet argument est un dérapage démagogique qui laisse croire que le projet de laïcité va interdire la pratique de certaines religions. Il n’est question que d’interdire les signes ostentatoires pour les employés des services publics et parapublics. Aucune religion n’oblige le port de signes ou de vêtements religieux. Que ce soit chez les chrétiens, les juifs, les sikhs ou les musulmans, la très vaste majorité des croyants pratiquants ne porte pas de signes distinctifs. Ceux et celles qui en portent affirment d’ailleurs le faire par libre choix; si c’est un libre choix, ce n’est pas une obligation.
2.1 Selon Gérard Bouchard, seulement 10 à 20% des musulmanes au Québec porteraient le hidjab (L’interculturalisme, p. 216). Chez les sikhs, seul ceux qui choisissent le baptême et la « vie pure » choisissent de porter le turban et le kirpan. Ce choix de vie est volontaire. Au Québec, seulement 10 à 15% des sikhs optent pour ce mode de vie. Même au Pendjab, dans le nord de l’Inde, seulement 30% des sikhs choisissent le baptême et ses contraintes.
2.2 Les obligations d’un musulman sont: la profession de foi, la prière quotidienne, le jeûne du ramadan, l’aumône et, dans la mesure du possible, le pèlerinage à La Mecque. Si on considère le port du hidjab comme une obligation, il faudra être logique et accepter les prières sur les lieux de travail.
2.3 Les porteurs de signes religieux allèguent, selon les circonstances, que cela fait partie de leurs pratiques religieuses. Dans ce cas, considérons le comme une pratique religieuse: la pratique de rituels religieux n’a pas a place dans les services publics.
2.4 La Cour européenne des droits de l’homme considère que l’interdiction de signes religieux de la part des employés de l’État est une exigence légitime et acceptable commandée par la laïcité de l’État. De tels interdits ont cours en France, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, aux États-Unis, en Turquie, au Kosovo (L’actualité, 15 octobre 2013). Et si on fouillait un peu plus, on en trouverait d’autres.
2.5 Les porteurs de signes ou vêtements religieux contraignants s’excluent de nombreux emplois où le port d’un casque est nécessaire et celui de la barbe non permis. Un sikh qui décide de ne plus se raser ne pourra pas être chirurgien ni pompier. Même autoexclusion des sports où le port d’un casque ou la coupe de cheveux est nécessaire (hockey, natation, etc.).
2.6 Travailler pour l’État n’est pas un droit et cela comporte des exigences comme pour tout autre emploi.
2.7 Le discours sur le droit individuel à la liberté de religion analyse la laïcité avec la lunette microcosmique d’une approche individualiste alors qu’il s’agit d’un projet de société engageant l’ensemble des rapports de l’État avec les citoyens. Ces rapports nécessitent la gestion de droits qui entrent parfois en conflit. Dans le cas qui nous intéresse, c’est le droit du public à un environnement de services publics neutre qui doit primer sur le droit de l’employé de manifester sa religion au travail.
3. Le projet est copié sur la France et va trop loin. Le projet actuel propose un compromis sur le port de signes religieux en n’interdisant que les signes ostentatoires. En France, la loi va plus loin et c’est tout signe religieux visible (ostensible) qui est interdit de la part des employés de l’État et non seulement les signes jugés ostentatoires. La notion de signes ostentatoires n’est appliquée qu’aux élèves qui ne sont pas visés par le projet du Québec qui est donc plus réservé.
4. L’interdiction de signes religieux ostentatoires ferme la porte de la fonction publique à certaines religions. Faux. Cela ferme la porte à ceux et celles qui choisissent une vie intensivement religieuse. Voir 2.1.
5. Interdire le port de signes religieux crée des inégalités en excluant certaines religions. Faux. C’est le dernier argument de Charles Taylor qui véhicule le même dérapage que l’affirmation No 2. C’est plutôt l’inverse qu’il faut voir: l’acceptation des signes religieux crée de l’inégalité puisque ce ne sont que les sous-groupes religieux misant sur ces signes identitaires ostentatoires qui profitent de ce privilège. Les autres croyants et incroyants se voient relégués au rang d’employés sans identité distinctive. Il s’en suivra une surenchère de signes religieux comme cela est déjà observable dans certains milieux.
6. L’État doit refléter la société sur le plan religieux. Je ne sais pas d’où vient une telle théorie de l’État que m’a servie Michel C. Auger. Cela voudrait dire que l’État devrait établir des quotas d’embauche en fonction du taux de catholiques, de musulmans, d’athées, etc., dans la population. Parmi les musulmans, juifs et sikhs, un deuxième quota devrait tenir compte du nombre de ces croyants qui portent des signes religieux. Une fois le quota atteint, on leur ferme la porte. Une telle mécanique serait discriminatoire et le résultat serait probablement une présence moindre de musulmanes voilées dans les institutions publiques. L’État n’a pas à tenir compte de l’appartenance religieuse dans l’embauche.
7. L’interdiction ne devrait viser que les personnes en autorité comme les policiers et les gardiens de prison. C’est la position du rapport Bouchard-Taylor reprise cette semaine par Jacques Parizeau. Cet argument réduit la laïcité à un principe d’autorité policière alors qu’il s’agit d’un mode de gestion de l’État. Restreindre l’interdiction aux seules personnes en autorité ou aux seules personnes en contact avec le public crée des inégalités de traitement selon les postes.
7.1 Par ailleurs, l’argument de l’autorité vaut aussi pour les éducatrices en CPE et les enseignants et enseignantes qui non seulement ont un ascendant et une autorité morale sur l’enfant mais représentent pour lui un modèle. Le signe religieux ne vient jamais seul mais est accompagné d’un mode de vie et de valeurs conformes aux croyances affichées. Si les écoles ont été déconfessionnalisées, ce n’est pas pour les reconfessionnaliser par des attitudes et des discours vestimentaires de la part des enseignants et des enseignantes.
8. Interdire les signes religieux freine l’intégration des nouveaux arrivants. C’est une affirmation gratuite qui n’est étayée par aucune étude. La logique nous dicte plutôt l’inverse. Ceux et celles qui choisissent une vie intensivement religieuse en plaçant la religion au-dessus de tout choisissent de se marginaliser dans de nombreux domaines de la vie sociale: loisirs, sports, relations amicales et familiales, carrière, etc. L’intégration est plus que l’emploi; on peut avoir un très bon emploi et ne pas être socialement intégré.
Les signes religieux ostentatoires créent une frontière entre ceux qui les portent et le reste de la société. Chez les jeunes musulmanes, le port du voile a pour fonction de dire aux non musulmans: cette fillette n’est pas pour vous.
9. Le port de signes religieux fait partie de l’identité profonde. Soit. C’est l’un des arguments préférés de Charles Taylor. Mais l’identité construite sur des références religieuses n’est pas plus profonde, ni plus authentique, ni plus sincère que l’identité sans référence religieuse et n’a pas à être plus fondamentale en droit. Le contraire serait indéfendable philosophiquement et psychologiquement. Ceux et celles qui disent ne pouvoir se défaire de leurs vêtements religieux sans se faire violence jouent la victimisation et nous prennent pour des imbéciles. Ont-ils une double identité, une en public et l’autre en privé? Nous faisons tous des choix de vie et de carrière en fonction de notre identité et le choix que ces personnes ont à faire n’est pas plus déchirant que les décisions que chacun a pendre dans la vie, quel qu’en soit le motif.
10. Qu’est-ce que ça peut bien faire qu’une employée de la SAAQ porte un hidjab ou qu’un médecin porte une kippa? Ce n’est pas la bonne question à poser. La bonne question est: en quoi cela est-il nécessaire à son travail? Cet argument est le même que celui tenu par ceux qui veulent maintenir les prières municipales: en quoi est-ce que ça dérange? Ça dérange en ceci que l’usager n’a pas à se faire servir un discours religieux ou à se retrouver dans un environnement confessionnalisé par des vêtements ou autres signes lorsqu’il se rend à un service de l’État. Une prière dans une assemblée municipale, ce n’est pas très conforme à l’obligation de la neutralité religieuse des municipalités, quoi qu’en ait dit la Cour d’appel. Même chose dans une école ou dans un hôpital.
11. Le projet du gouvernement ne couvre pas tous les aspects de la laïcité; c’est de la catho-laïcité. C’est l’argument de Patrick Lagacé et c’est en partie vrai. Mais devrait-on refuser ce qui est sur la table sous prétexte que ce n’est pas un repas complet? Plusieurs aspects, et non les moindres, sont laissés en plan par l’actuel projet. Qu’on pense aux prières dans les assemblées municipales et au maintien du crucifix à l’Assemblée nationale. La laïcité est un projet d’envergure qui ne peut tout prendre en considération dans une seule et même opération. Mais le pilier de base, qui est l’affirmation de la laïcité dans une loi, doit être adopté à tout prix. Sinon, on peut « faire une croix » sur tout le reste.
12. Il n’y a pas de crise! Donc continuons comme l’a fait le gouvernement libéral de Jean Charest et ne faisons rien. La laïcité n’est pas une solution d’urgence à une crise: c’est un projet structurant pour l’avenir immédiat et à long terme. Même si le projet actuel ne vise pas à bloquer l’intégrisme qui traverse plusieurs religions, il a le mérite de tracer une ligne claire à ne pas franchir dans les affaires de l’État. Le message a des répercussions qui vont au-delà du seul secteur public et parapublic.
Si nous avons vécu au Québec une paix interreligieuse, c’est parce que le tissu social accepte la séparation du religieux et du politique. De nouveaux joueurs s’amènent avec une approche qui non seulement ne comporte pas ce principe mais le rejette. Il importe alors de mettre les règles claires. Imaginons ce que serait le Québec aujourd’hui s’il n’y avait pas eu le courant de laïcisation et de modernisation de la Révolution tranquille! Imaginons ce que sera notre société dans 50 ans si nous n’osons pas aujourd’hui affirmer le caractère laïque de l’État…
13. L’interdiction des signes religieux ira à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. C’est possible et la clause dérogatoire est là pour assurer un certain équilibre entre le pouvoir politique et celui des tribunaux. Il n’y a pas de honte à l’utiliser. Même Jean Chrétien a vanté les mérites de cette disposition. On ne peut pas laisser cinq à neuf juges de la Cour suprême du Canada, tout philosophes soient-il, le soin de décider d’un projet de société pour l’ensemble du Québec.
Merci et Bravo Monsieur Baril pour cet excellent texte.
Merci pour cet excellent texte, un bonheur à lire.Je signe.
Estelle
Bravo,ce texte est clair, facile à comprendre et j’espère que nos deux
anciens premiers ministres se donnent la peine de le lire.Peut-être que ?
Encore bravo Monsieur Baril.
J’ai changé d’idée tellement de fois, cette façon de voir les choses me convient dorénavant et j’ai signé la pétition.
Merci monsieur Baril de mettre les mots sur nos sentiments de gêne, de malaise et d’injustice! Car face à cet affichage de convictions religieuses, de valeurs religieuses qui relèguent les athées, les pratiquants d’une autre religion et les femmes au rang d’humains de deuxième ordre, on ne peut rien opposer. Aucun signe sinon celui d’une autre religion. Les points 5 et 10 expriment parfaitement mes malaises face à cette promotion non désirée.
Je signe la pétition.
Merci M. Baril.
Nous somme en démocratie et je respecte votre point de vue, mais je doute fort qu’une large majorité pense comme vous au Québec.
Je note que vous représentez au sein de la formation politique du Parti Québécois un poid idéologique plus important que …SPQ-Libre. Ce qui me fait dire que votre point de vue oriente passablement cette formation politique de centre-gauche.
Si vous aimez notre première ministre, je vous souhaite bonne chance dans vos tractations avec elle, si jamais vous communiquez avec elle discrètement…
Bonne élection référendaire M. Baril !
Je ne signerai pas votre pétition.
Je ne suis d’aucun parti politique et sur la question de la souveraineté je suis un « athée politique ». Allez voir quels sont les groupes à la base du Rassemblement pour la laïcité et vous y trouverez le SPQ-libre.
Je crois que tous ceux qui s’intéresse a mieux connaître 1- cette culture et les gens qui choisissent de porter le voile 2- notre propre culture et ses « defauts » (qu’on ne voit pas a prime a bord car nous les avons integrés et normalisés dans nos vies) ne peuvent pas adhérer à la charte telle que proposé pour plusieurs raisons. Jacques Langirand a d’ailleurs abordé ce sujet avec sagesse et avec un recul intéressant sur notre propre culture très occidentalisée. Mais plusieurs québécois préfèrent rester avec sa certitude que son monde est meilleur, justes et équitable.
M. Baril,
lisez ce que votre ami, le ministre Bernard Drainville dit en entrevue.
Est-il cohérent avec votre vison de la laïcité ? J’en doute.
———–
(…)
« Le Gouvernement du Parti Québécois pense qu’un signe porté discrètement, qui n’envoie pas un message religieux, est acceptable. Ce qui est problématique à nos yeux, c’est un signe qui envoie, à celui ou à celle qui le voit, un message religieux. »
(…)
– See more at: http://cjnews.com/canada/une-entrevue-avec-le-ministre-bernard-drainville#sthash.MiiMLn3Q.dpuf
C’est exactement ce que je précise au point 3 et ailleurs: le projet vise à interdire les signes religieux « ostentatoires » et non les signes discrets comme c’est le cas en France. Je pense que la position française est plus cohérente et logique. Mais je pense aussi que, dans le contexte actuel au Québec, la proposition du ministre Drainville est un compromis acceptable.
Est-ce que ça va couvrir les tatouages apparents et les imprimés sur les vêtements…religieux ?
Si un employé de l’état québécois arrive avec un tatouage d’une croix « ostentatoire » sur un bras ou sur son vêtement ? Il va arriver quoi, vu que ce n’est pas un « objet » ?
Et le béret blanc créditiste des Apôtres de St-Michel…défendu ?
Et le CH de notre religion « canadienne », défendu aussi ?
Votre exemple des Bérets blancs est un bon exemple. Personne n’accepterait de se faire servir par un employé qui arborerait un tel symbole du fondamentalisme catholique. On lui dirait d’aller faire sa propagande ailleurs. Aucun directeur de service, que ce soit dans le privé ou le public, accepterait que ses proposés au service à la clientèle travaillent avec un teeshirt ou un bandeau portant l’inscription : « Dieu n’existe pas; libérez-vous de la religion ». C’est pourtant un discours analogue que nous servent les vêtements religieux.
A tous ceux et celles qui se sentes ostracisés par l’acharnement despotique a vous privés de vos droit fondamentaux de travaillé et vivres en paix ici pourquoi pas allé faire un séjour dans le pays de vos ancêtres juste pour votre bien être pour retrouvés votre sérénité si l’exercise vous semble trop dispendieux allé en Ontario près de Brandon un village complet est prêt a vous acceuillir car si tu est laïc ou catho bien tu est interdit d’accès ah le multiculturalisme quel belle réussite d’intégration.Question y a t’il des endroits similaires ici ou il est interdit d’avoir des contacts avec la majorité.
Vous avez bien raison, M. Murray. Je planifie de retourner en France ou en Norvège, justement. Parce qu’ici, j’ai l’impression que si on est pas d’accord, il faut qu’on s’en aille. Eh bien je pars. Ça en fera une de moins avec une opinion qui diverge de la vôtre.
Argumentaire d’une grande clarté et qui fait bien le tour de la question. Mon souhait le plus cher serait de voir adopter une charte de la laïcité qui inclurait tous les points mentionnés en plus des balises nécessaires dont on a relativement peu parler, la tenue vestimentaire ayant monopolisée le débat. Mais j’ai la conviction qu’il n’en sera rien pour deux raisons fondamentales: 1. Les croyants sont des gens irrationnels prêts à défendre leurs opinions non fondées jusqu’au bout et jusqu’à la violence même. Les musulmans nous en offrent des exemples quotidiennement partout dans le monde. 2. Les enjeux politiques sont trop grands pour qu’un parti politique, minoritaire de surcroît, se fasse harakiri sur cette question. Les deux anciens premiers ministres ont écouté leur « instinct politique » qui leur a dit que le PQ fonce dans un mur s’il maintient sa position et, se mettant en mode survie, ils ont proposé des atténuations pour que le PQ ne soit pas accusé d’un autre recul. C’est peut être cela la « realpolitik ».
Attention de ne pas assimiler tous les musulmans aux intégristes islamistes qui sévissent un peu partout dans le monde.
Vous avez raison: il ne faut pas faire cet amalgame. Néanmoins, j’estime que c’est une VIOLENCE faite aux femmes que de les reléguer à l’arrière des mosquées, de leur interdire de prier si elles ont leurs règles (car elles sont « impures »), de les obliger, quoi qu’on en dise, à porter le voile (depuis 1979, c’est de plus en plus la règle dans les pays musulmans, une correspondante d’origine égyptienne le constatait dans Le Devoir ce matin). Et la liste est longue. La charia infériorise la femme de très nombreuses façons. Vous le savez aussi bien que moi. Alors, cette violence n’est pas toujours sanglante ni toujours meurtrière, je le reconnais, mais c’est une violence tout de même et elle n’est pas propre aux seuls musulmans. Elle est propre à toutes les religions, toutes misogynes. Sur ce point, les Femens n’ont pas tort.
Il est certain qu’il n’y a pas de « saintes » dans l’église catholique…
Ou plutôt il s’y trouve des saintes, donc l’église aime à les persécuter…
Ou encore, l’église préfère faire des femmes des saintes…
Tandis que chez les musulmans…
Merci pour ce texte que je garderai en favori dans mes discussions sur la charte.
J’espère que le PQ tiendra bon et n’édulcorera pas son projet de loi. Vous illustrez à merveille pourquoi cela est nécessaire.
Votre article est excellent, M. Baril, dans la mesure où il remet clairement les pendules à l’heure. En fait, c’est l’un des plus sensés et intelligents que j’aie lus sur la question. Les arguments que vous présentez aux points 1, 2, 5 et 9, notamment, démantèlent le discours démagogique d’une certaine musulmane voilée qui était récemment invitée à une émission de télé bien connue… Je conserve votre texte dans mes archives à titre de référence…
Etant donné qu’on fait souvent référence au voile et que les femmes musulmanes se sentent visées par la charte,j’aimerais savoir ce qui pousse les jeunes filles à porter le voile la première fois,est-ce par choix ou par obligation.Subissent t’elles des pressions parentales ou autre?Je me sentirais prisonnière enrubannée comme elles le sont.Ont nous à déjà obligées de porter quelque chose sur la tête pour aller à l’église,un foulard ou un chapeau ,l’enlever n’a pas été difficile,au contraire Ce n’est pas ce qui est important pour etre en accord avec sa religion.
Pourquoi ces femmes portent elles le voiles? Par obligation? Par choix? C’est un peu des deux à différents degré selon le milieu de vie de ces musulmanes. Certaines le font par contre definitivement pas besoin de s’encrer a sa « spiritualité » ou a ses racines culturelles. pour les autres femmes, je pourrais faire un parallèle avec notre culture « occidentalisée ». La première fois que la femmes se maquille, s’empile jambes, porte des talons haut, est-ce qu’elle le fait par choix? Pourquoi une femme ferait naturellement ces choix? Nous ne nous posons pas ces questions car ces « rituels » sont acceptés et normalisés dans notre société.
Le «bon peuple» se perd dans les définitions et utilise un vocabulaire qui paraît raciste. Pourquoi alors ne lit-on jamais «ces pratiquants fascistes» plutôt qu’intégriste qui rime si bien avec intégrité ou qu’islamistes qui semble définir tous ceux qui pratiquent l’Islam? Histoire de faire mieux voir la distinction…
Un des problèmes avec cette charte, c’est qu’elle prend pour acquis qu’il n’y a que ceux qui pratiquent une religion qui ne « seraient » pas neutres, et qui doivent être « encadrés ». Alors qu’on sait très bien que ce n’est pas vrai.
Clair ! et très objectif ! Bien dit !
Monsieur Baril,
Retirer le crucifix de l’assemblée nationale ne me parait pas être un « détail » à régler ultérieurement comme vous semblez le suggérer.
La commission Bouchard-Taylor l’avait d’ailleurs recommandé et je pense personnellement que c’est un préalable indispensable à toute rédaction de charte qui régisse la vie en société québécoise, d’ailleurs dite « d’accueil »
Je suis d’accord. Et c’est pourquoi l’énoncé du Rassemblement pour la laïcité (lien à la fin de mon texte) demande de retirer ce crucifix. Ce que je dis c’est que ce n ‘est pas parce que le projet ne règle pas ce cas qu’il ne faut pas l’appuyer. Le document d’orientation ne dit rien sur le sujet: le discours sur le crucifix est un discours ministériel parallèle au projet de « charte ».
Je n’ai pas envie d’entrer dans les détails, mais (de mon point de vue) cet argumentaire repose sur un biais en faveur de la culture et du patrimoine catholique. Mais ce qui m’agace le plus, c’est ce vilain mensonge qui prétend que quiconque se positionne contre la charte est conséquemment contre la laïcité. Comme athée ascendant libéral (au sens philosophique, rien à voir avec le PLQ), j’ai la conviction que c’est par la connaissance et le dialogue que les religions doivent être combattues, non pas par la coercition de l’État et la marginalisation des croyants (et en particulier de ceux qui ont une religion « étrangère »). Je n’en suis pas moins laïc.
Éduquer plutôt que réprimer, c’est aussi ce que je défendais il y a 15 ans, avec des arabes et musulmans progressistes qui ont tous changé d’idée devant l’impossibilité de bloquer l’intégrisme par ce seul moyen. Et qui fera cette éducation? Surement pas l’école avec le cours d’Éthique et culture religieuse qui est une incitation à développer une identité religieuse et qui ne présente au recul critique face aux religions. Surement pas non plus les philosophes et sociologues post-modernistes du relativisme culturel. Le moyen d’intervention des politiciens, c’est d’adopter des lois.
Je comprends, mais je ne suis pas de cet avis. Une charte de la laïcité devrait assurer la neutralité religieuse de l’État et sa séparation des ingérences cléricales. Contrer l’intégrisme est tout à fait pertinent, mais aussi un tout autre sujet. Et si c’est vraiment contre l’intégrisme religieux que l’on s’oppose, la première cible évidente n’est pas les femmes d’une minorité parmi une minorité musulmane, mais bien les intégristes évangélistes qui gouvernent le Canada. Plus largement, je vous suggère de googler sur les liens entre d’une part l’émancipation intellectuelle et économique et, d’autre part, la croyance religieuse: vous y trouverez des résultats contraires à ce que vous avancez. Nous nous rejoignons ainsi sur le fait que le cours d’ECR devrait être revu.
Je sui d’accord avec vos arguments. Je signe.
bravo pour ce texte d’une RARE INTELLIGENCE !!!
avez-vous un compte twitter ? J’aimerais vous suivre…
merci encore.
Le Rassemblement pour la laïcité possède une page Facebook. Vous pouvez aussi laisser vos coordonnées sur le site de la Coalition laïcité Québec ou celui du Mouvement laïque québécois.
Bravo pour ce texte simple et posé. Cela détruit plusieurs sophismes et affirmations gratuites que nous servent les idéologues religieux… et les marchands de religion !
Je me limiterai à une analyse juridique de votre texte.
Le point 2 est clairement faux en droit. Je vous renvoi à Big M. Drug Mart 1985 de la Cour Suprême du Canada, bonne lecture.
Le point 13 est faux en droit également. Vous mélangez l’effet de l’article 1 (qui fait partie de l’analyse de la validitié de l’atteinte) et la clause dérogatoire de l’article 33.
La clause dérogatoire, pour garder sa validité et son effet, doit être expressément énoncée dans une loi qui doit être renouvellée à chaque 5 ans (maximum) par l’assemblée législative, donc au moins après chaque élection…
L’article 1 pour sa part permet au gouvernement de restreindre un droit fondamental si cela se justifie dans le cadre d’une société libre et démocratique. Le poid du fardeau est sur les épaules du gouvernement et si la discrimination est démontrée (une des deux voies possibles de contestation) il est rarissime qu’elle est justifiée par l’article 1.
Donc, bravo pour la collection des arguments de l’opinion pro-charte et je ne m’aventure pas à argumenter là dessus puisque de toute façon, votre échec est juridique et au fond, c’est un peu ce qui compte vraiment non?
De nombreux jugements ayant une incidence sur le port de signes religieux ont été rendus depuis 1985. Je vous réfère au texte de Me Julie Latour qui en fait l’analyse dans « Assurer la protection législative de la laïcité » publié dans l’ouvrage collectif qui vient tout juste de paraitre, Pour une reconnaissance de la laïcité au Québec (Baril et Lamonde, codirecteurs).
Il y aussi eu de nombreux jugements de la Cour européenne des droits de l’homme qui ont entériné des dispositions encore plus restrictives que celle proposée par le projet de Bernard Dranville.
M. Favreault
Comme analyse, c’est aussi limitée digne d’un mauvais élève de secondaire V. Se satisfaire de nous renvoyer à un arrêt de la cour Suprême, c’est court comme analyse. Quant au point 13, pouvez-vous nous dire comment il serait faux en droit de se servir d’un article dérogatoire permis par la Charte ? Vous vous contentez de nous donner une brève explication des articles 1 et 33 de la charte canadienne. Vous ne publierez pas dans les Cahiers de droit avec un tel commentaire.
Mon analyse est aussi longue que vos raccourcis sophistiques, c’est tout ce que votre texte mérite de ma part.
Il est flagrant dans votre texte que vous ne comprenez pas les mécaniques et concepts juridiques à l’œuvre. Je ne me sens pas obligé de vous faire un exposé pour vous expliquer, vous n’aviez qu’à faire vos recherches avant de publier.
On verra en Cour suprême ce qu’un Henri Brun qui semble peu convaincu lui-même fera et on verra bien qui publiera dans les Cahiers de Droit.
@ Samuel Favreault
Je peux très bien me passer de vos explications, si elles sont comme vos analyses, elles seront assez minces.
M. Baril,
Ce qui est ostentatoire dans les propos des pourfendeurs et autres détracteurs de la charte, c’est l’anarchie et les abus vers lesquels l’absence de balises mène. Depuis le début des débats, j’ai passé en revue les points de presse des partis fédéraux ; point de signes religieux ostentatoires chez le personnel politique des uns et des autres. On se serait attendu de la part des Mulcair,Trudeau, Harper et ses ministres, à une employée voilée, mais non rien du tout. Tous des cordonniers mal chaussés ! Y aura-t-il en filigrane l’ombre d’un code vestimentaire neutre ?
Si le texte a été relu, il l’a été rapidement. Il y a encore beaucoup de fautes de français ostentatoires. Pour avoir entendu des témoignages pertinents sur ce sujet, j’ai constaté certaines inepties concernant les pratiques des diverses religions. J’excuse M. Baril, il n’est surtout pas un spécialiste des religions et de leurs pratiques. Sauf qu’il s’appuie sur des inepties. Je ne mentionne que ce dernier commentaire: « Il est nécessaire pour l’État d’intervenir pour se protéger des intégristes qui seraient tentés de défier nos lois. Toutefois, il est clair que l’intégrisme n’est pas réservé qu’aux croyants. En voulant nettoyer l’espace publique de toute apparence de religion, M. Baril je vous considère parmi les intégristes non-religieux, une menace pour le respect des droits individuels, d’ailleurs reconnus par la communauté mondiale.»
Vaut mieux entendre ça qu’être sourd…
Pour moi c’est le texte le plus clair sur le sujet que j’ai pu consulter à date. Mon opinion s’est éclaircie et de beaucoup. Merci.
M. Baril,
Que répondez-vous aux commentaires du professeur Romani?
http://voir.ca/marc-andre-cyr/2013/10/08/vincent-romani-par-dela-l%E2%80%99epee-et-la-croix-partie-i/
Merci!
Sur quel point? Il en aborde au moins une dizaine. Je n’ai pas l’intention d’en faire le tour. Il faudrait deux fois plus d’espace pour débroussailler le tout. J’aborde l’universalité des valeurs républicaines sous un angle anthropologique dans mon article du collectif Pour une reconnaissance de la laïcité au Québec. D’autres auteurs du collectif, notamment Djemila Benhabib et le philosophe Henri Pena-Ruiz, le font aussi. Plusieurs autres points sont traités dans l’actuel blogue.
Sur les points concernant la dernière question:
« Le PQ met de l’avant la question de la « laïcité » et de l’ « égalité homme-femme » afin de justifier sa charte. Que pensez-vous de ces arguments? »
Plus particulièrement son analyse qui se termine par ce commentaire:
« Si l’on fait l’impasse sur les féministes islamiques, sur les femmes musulmanes qui luttent pour leurs droits à l’intérieurs du paradigme islamique, sur l’individualisation croissante des pratiques religieuses, sur la diversité des possibilités de se vivre musulman-ne, sur les homosexuel-le-s musulman-ne-s qui luttent aussi pour leur reconnaissance à l’intérieur de l’islam, bref, si l’on exclue commodément tout ce qui, dans le monde musulman, contrevient à nos stéréotypes négatifs, on construit un ennemi parfait aussi inexistant qu’inexact. »
Le fait qu’il utilise l’expression « féministes islamiques » est problématique et étonnant de la part d’un expert du monde arabe. Je veux bien reconnaître qu’il existe des féministes musulmanes, mais « féministe islamique » est une oxymore, l’islamisme étant un projet politique qui instrumentalise l’islam de façon intégriste et anti-féminisme.
Le fait d’interdire les signes politico-religieux ostentatoires n’a pas pour effet de nier qu’il existe une diversité de façon de vivre l’islam. Bien au contraire, cette interdiction repose en partie sur le fait que rien dans l’islam n’oblige de tels signes et que la vaste majorité des musulmans et musulmanes n’en portent pas.
L’interdit n’a pas non plus pour effet d’empêcher les musulman-nes progressistes de continuer de militer pour leur reconnaissance au sein de leur communauté.
Selon Le Petit Robert « Islamique »: Qui appartient, qui a rapport à l’islam.
C’est probablement le sens qu’il faut donner à « islamiques » dans l’expression « féministes islamiques ».
Qu’est ce qu’un gestionnaire devra faire lorsqu’une employée portant le foulard lui dira « Il ne s’agit pas d’un signe religieux, comme vous le savez, aucune religion n’oblige la femme à porter le foulard. Il s’agit simplement d’un signe culturel pour moi »?
Si c’est culturel ce n’est pas religieux et il faut considérer l’accessoire en question comme tout autre couvre-chef qui n’a pas sa place au travail (casquette, chapeau, etc.). On ne peut invoquer en même temps l’argument de la culture et celui de l’obligation religieuse; comme on le voit, les défenseurs des signes religieux parlent des deux côtés de la bouche.
Ce que je tente d’illustrer c’est la problématique qui pourrait survenir dans le cas où une personne allègue qu’elle porte un foulard ou un turban pour des motifs culturels ou autres (mais pas religieux). Vous répondez :
« il faut considérer l’accessoire en question comme tout autre couvre-chef qui n’a pas sa place au travail (casquette, chapeau, etc.) »
Vous vous basez sur quoi pour prétendre qu’un fonctionnaire ne peut porter une casquette ou un chapeau? J’ai déjà vu des fonctionnaires portant des casquettes et il ne semble pas y avoir rien qui les empêche de le faire.
Avez-vous vous compris le sens de l’expression « féministes islamiques » maintenant? Est-ce toujours un oxymore?
Formellement parlant, « féministe islamique » veut effectivement dire « féministe musulmane ». Mais le sens des mots évolue selon les contextes et dans le contexte actuel l’adjectif « islamique » est souvent employé au sens de « islamiste » et c’est pourquoi il vaut mieux utiliser l’adjectif « musulman » lorsqu’ on ne parle pas de l’intégrisme islamiste.
Porter une casquette au travail, surtout lorsqu’on fait affaire avec le public, est une impolitesse que les employeurs ne devraient pas accepter. Mais on ne pourra jamais limiter la valeur du hidjab à un accessoire culturel puisqu’on nous sert en même temps le discours de l’obligation divine et qu’on ne peut ignorer les milliers de femmes tuées pour le seul motif qu’elles refusaient de le porter.
L’adjectif « islamique » est utilisé de la manière que vous décrivez sur le blogue de Richard Martineau mais dans les milieux universitaires c’est une autre chose. L’emploi qu’en fait le professeur Romani est tout à fait correct et vous devriez simplement admettre votre erreur.
Oui, je suis d’accord pour le port de la casquette par un employé de l’État qui fait affaire avec le public mais qu’en est-il pour ceux qui ne travaillent pas avec le public? Plusieurs employés de l’État ne font jamais affaire avec le public. Si ceux-ci invoquent des raisons culturelles ou personnelles pour porter un couvre-chef quelconque, en vertu de quelle loi ou règlement un gestionnaire peut demander à son employé d’enlever ledit couvre-chef?
Dans cette entrevue à l’émission Médium large du 30 octobre Wassyla Tamzali, avocate algérienne et ex-directrice des programmes des droits des femmes à l’UNESCO, me donne raison sur le premier sens que j’ai donné à l’expression « féminisme islamique ». Cette expression est pour elle un oxymore. C’est à la minute 38,30 de l’émission ou à la minute 1,50 de de l’entrevue.
@ Simon
« Si ceux-ci invoquent des raisons culturelles ou personnelles pour porter un couvre-chef quelconque, en vertu de quelle loi ou règlement un gestionnaire peut demander à son employé d’enlever ledit couvre-chef? » En vertu de son contrat de travail et du droit de gérance que possède tout employeur en matière de discipline.
@ Marc Sauvageau
Ce n’est pas aussi simple que ça. Oui, un employeur a un droit de gérance quant à l’apparence de ses employés mais les tribunaux vont souvent établir des distinctions. Par exemple, il y a une énorme différence entre un manutentionnaire ayant une tenue vestimentaire négligée et un avocat salarié qui rencontre des clients.
Ceci étant dit, le gestionnaire ne sera pas nécessairement tenu d’interdire le port du couvre-chef car cela relève de son « droit de gérance ». C’est donc à sa discrétion.
Le litige qui oppose les partisans de la laïcité ouverte à une laïcité sans concession tourne autour de la question : qu’est-ce qui est le plus fondamental, la liberté des personnes ou l’apparence de laïcité de l’État?
Je crois que votre argumentaire ne passera pas le test des cours canadiennes puisque les juristes de notre pays sont très imbriqués par l’humanisme et une éthique de compassion. Sans rentrer dans les détails, disons que l’humanisme remonte au Siècle des lumières et au principe affirmé par Kant que « l’homme est une fin en soi », et non un moyen, ce qui entraîne son corollaire, la compassion en opposition à une morale religieuse catégorique et prescriptive peu importe les circonstances. Cet ensemble de valeurs a connu son apogée avec la Déclaration universelle des droits de la personne qui défend la liberté de penser contre les excès de la majorité et les diktats des religions, des États, des idéologies, des patriotismes et autres causes qui assimilent l’homme à un moyen. Bien qu’il n’y ait pas de hiérarchie entre les valeurs fondamentales comme l’égalité hommes femmes et la liberté de conscience, ces valeurs sont considérées comme supérieures à la laïcité puisque celle-ci n’est pas incluse dans la déclaration. La liberté de penser inclut la liberté de manifester sa religion et ses prescriptions.
La laïcité de l’État au Québec est un fait et elle n’est pas menacée. Pour altérer nos libertés, il faut de bons arguments. Celui qui est avancé pour exclure de l’espace civique les personnes portant des signes ostentatoires est celui que la neutralité de l’État est affectée par l’apparence d’appartenance à une religion de ses employés. Peut-être que c’est vrai, mais ce n’est pas suffisant pour altérer un droit fondamental. Si une personne est honnête et compétente, le port des signes religieux que lui impose sa religion, même si cela n’est pas pratiqué par tous ses coreligionnaires, n’est pas suffisant pour la congédier. Faire du prosélytisme ouvertement, ou même indirectement par son attitude, pourrait être une cause de congédiement, mais je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’individus dans le monde qui se sont convertis à l’islam à la vue d’un voile. C’est une question de compassion pour cette personne et de la préséance de sa liberté sur le besoin de l’État de protéger son apparence,
Que la substance soit menacée par l’apparence, il faut le démontrer; qu’une puéricultrice portant un voile envoie le message que l’État est au service d’une religion m’apparaît grandement exagéré, il y a des limites à avoir peur. C’est très marginal et cela ne justifie pas l’altération des droits fondamentaux, qui ne sont pas des petits droits qui doivent se soumettre aux priorités de la majorité, mais bien un rempart historique contre la barbarie. Vous avez l’obligation de la preuve.
Finalement, dans un autre ordre d’idées, entre vous et moi, la tolérance est une force beaucoup plus grande que toutes les formes d’imposition et d’interdiction et c’est celle qui dans le long terme gagnera les cœurs.
M. Gagnon. J’endosse votre argumentaire. J’ajoute que s’il y avait menace, je suis confiant que nos lois nous défendraient. Nul besoin de modifier la charte des droits et libertés. Après avoir retiré l’enseignement religieux des écoles, le gouvernement et certains antireligieux, m’apparaissent frileux face aux nouveaux signes religieux. Ils semblent poussés et paralysés par une peur.
@ Daniel Gagnon
Si vous croyez que de congédier une femme portant le voile n’est pas une cause suffisante, c’est pourtant ce qu’a fait la Suisse et « qu’une puéricultrice portant un voile envoie le message que l’État est au service d’une religion m’apparaît grandement exagéré, il y a des limites à avoir peur. », je vous invite à lire ceci :
« La Cour admet qu’il est bien difficile d’apprécier l’impact qu’un signe extérieur fort tel que le port du foulard peut avoir sur la liberté de conscience et de religion d’enfants en bas âge. En effet, la requérante a enseigné dans une classe d’enfants entre quatre et huit ans et donc d’élèves se trouvant dans un âge où ils se posent beaucoup de questions tout en étant plus facilement influençables que d’autres élèves se trouvant dans un âge plus avancé. Comment dès lors pourrait-on dans ces circonstances dénier de prime abord tout effet prosélytique que peut avoir le port du foulard dès lors qu’il semble être imposé aux femmes par une prescription coranique qui, comme le constate le Tribunal fédéral, est difficilement conciliable avec le principe d’égalité des sexes. Aussi, semble-t-il difficile de concilier le port du foulard islamique avec le message de tolérance, de respect d’autrui et surtout d’égalité et de non-discrimination que dans une démocratie tout enseignant doit transmettre à ses élèves. » DAHLAB contre la SUISSE, cour Européenne des droits de l’homme.
@ M. Sauvageau. Je suis d’accord qu’il y a des limites à avoir peur. Ne pensez-vous pas qu’un congédiement en raison d’un foulard serait abusif? Nos lois et réglements actuels ne nous protègent-ils pas des abus? Répondre aux questionnements n’est-il pas mieux que d’éloigner de nos yeux ces signes religieux? De suscroît lorsque le questionnement vient d’un enfant qui débute dans son apprentissage? Je pense qu’il y a un apprentissage à vivre avec les différences. Que ces différences soient dues au sexe à la race ou à la religion. Issue d’un tissu homogène sur l’aspect de la religion, le peuple québécois a de la difficulté à composer avec ce qui leur est différent. Des explications sont souvent de mise. Nul besoin de recourir à un amendement à la charte des droits et libertés.
Monsieur Sauvageau, vous avancez un argument substantiel. Il est très important de prendre en considération cette décision de la Cour européenne des droits de l’homme. Et vous savez sans doute que le principe de base en rhétorique veut que lorsqu’on accepte de discuter, c’est qu’on accepte de changer d’avis face à de nouveaux faits ou face à un argument imparable. Bref, mon idée n’est pas coulée dans le ciment, mais je crois qu’elle prévaudra dans les cours canadiennes. Je connaissais déjà ce jugement et voici ce que j’en pense.
Il faut d’abord signaler qu’elle survient dans un pays de tradition laïque qu’est la Suisse, comme c’est le cas de la France et de la Turquie. Dans la cause en question, la dame s’est convertie à l’islam et a commencé à porter un voile à son travail alors que l’interdiction était déjà en vigueur. Nous sommes différents. Nous avons ici une tradition d’ouverture propre à l’Amérique du Nord qui se définit comme tolérante et accueillante aux croyants persécutés de la vieille Europe. En ce qui nous concerne, la charte québécoise va s’attaquer à des droits acquis, et c’est là que la question de la compassion entre en ligne de compte et sera, à mon avis, prépondérante.
Reste la question de l’effet prosélytique du port du foulard. La Cour européenne admet qu’il n’y en pas eu, mais statue qu’il pourrait y en avoir. Je crois que nos cours vont exiger une preuve plus substantielle, qu’elles ne se contenteront pas d’une simple présomption.
@ Daniel Gagnon
Monsieur Gagnon, les lois n’ont pas de sentiments et je vous souligne que les droits acquis n’existent pas en droit, sauf dans un cas, celui du droit acquis en matière d’habitation.
Quant au prosélytisme, je suis en désaccord avec vous, la cour Européenne affirme bien le caractère prosélytique du foulard lorsqu’elle déclare « Comment dès lors pourrait-on dans ces circonstances dénier de prime abord tout effet prosélytique que peut avoir le port du foulard. ». En d’autres mots elle dit : comment pourrait-on refuser d’admettre comme vrai l’effet prosélytique du foulard. Il faut interpréter cela dans l’affirmatif et conclure à l’emprise qu’a le foulard.
Monsieur Sauvageau,
Les lois n’ont pas de sentiments, mais les cours en ont. Les émotions balisent nos choix et sont à l’origine de nos valeurs. La compassion est à la base de l’éthique moderne. La morale catégorique de l’Église, son droit canonique doctrinal, l’infaillibilité papale ont été remplacés par l’éthique, le système juridique et les décisions sans appel de la Cour suprême, une réalité beaucoup plus souple. C’est l’évolution à l’œuvre.
Je comprends de la décision de la Cour européenne la même chose que vous. Je dis simplement que c’est un a priori qui fera l’objet d’un examen plus concret par les cours canadiennes, bref il faudra des preuves. On en revient à Kant ☺
@ Daniel Gagnon
Pensez-vous que les juges envoient les drogués en prison par compassion, parce que ceux-ci ont commis des délits pour se payer leur drogue ? Allons donc !
Il n’est pas nécessaire de faire une preuve pour savoir si un objet ou un vêtement est prosélytique. D’ailleurs dans l’affaire, DAHLAB contre la SUISSE, les juges ont conclu au prosélytisme sans qu’on en fasse une preuve directe.
@ M. Gagnon
Je ne crois pas me tromper en pensant que vous avez fait des études poussées en droit. Je saisi très bien la nuance. Souvent le juge tient compte de facteurs qui vont au-delà du tissu présenté en preuve. Exemple: Dans un jugement, le juge relève souvent l’intention dans le geste. Le geste lui-même peut être un facteur de jugement, mais jamais le seul. Contrairement à certaines personnes, je comprends que le droit n’est jamais totalement blanc ou totalement noir.
Monsieur Couillard,
Non, je ne suis pas en droit, j’ai juste beaucoup réfléchi sur l’éthique et les droits de la personne et même envisagé un doctorat en philosophie sur la question. J’y ai renoncé, mais j’ai produit une nouvelle résumant la thèse que je voulais développer. Vous la trouverez sur Internet, il s’agit de : «Rencontre avec l’absolu Au petit néant du coin». En voici un extrait, elle met en scène un doctorant en philosophie qui ouvre le débat lors d’un café philosophique :
« Pourquoi la Révolution française a-t-elle mal tourné ? Pourquoi cette révolution qui nous a donné la première Déclaration des droits de l’homme, qui reposait sur les idéaux du Siècle des lumières, qui devait remplacer l’absolutisme royal et l’obscurantisme clérical, qui devait libérer l’homme, pourquoi a-t-elle été remplacée par un autre absolutisme encore plus sanguinaire?
Pourquoi la révolution russe a-t-elle mal tourné? Pourquoi cette révolution, qui devait mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme et mettre fin à l’aliénation du travailleur, a-t-elle engendré le régime totalitaire le plus aliénant de l’histoire ?
Pourquoi le marxisme qui devait nous débarrasser de la religion, cet opium du peuple, est-il devenu une autre religion aux méthodes comparables à l’inquisition, la période la plus sombre de l’histoire des religions, remplaçant Dieu par l’Histoire, le Diable par le capitalisme, les prophètes par Marx, le clergé par le parti communiste et la Bible par le Capital ? Pourquoi ? »
« Pourquoi ? Je vais vous le dire, pourquoi ! Écoutez bien ! Parce que, alors qu’on annonçait que l’on voulait libérer l’Homme, on oubliait l’HOMME !
Chaque fois qu’on a oublié l’HOMME, que l’on plaçait avant lui, au-dessus de lui, sa foi, sa nation, son idéologie, sa cause, son ambition : on a torturé, violé, tué, massacré. »
« Alors, n’oubliez jamais l’HOMME !
Je place donc les droits de l’homme au plus haut niveau de l’échelle des valeurs. J’en fais même une valeur universelle, une constante, un absolu.
Je m’oppose au relativisme. À cette tendance de voir nos valeurs comme relatives à une époque, à un lieu, à une religion. Autres temps, autres mœurs : c’est vrai ! Nos valeurs changent constamment selon les transformations technologiques, les bouleversements sociologiques et l’évolution de la société. Par exemple, la quasi-disparition de la pratique religieuse et l’avènement du féminisme ces trente dernières années ont bouleversé dramatiquement nos schèmes de pensées. Dans ces circonstances, faire valoir ses valeurs apparaît inadéquat, puisque nos valeurs sont changeantes et relatives.
De plus, l’occident se culpabilise encore de sa période colonisatrice et évangélisatrice, cette époque pas si lointaine, où, fort de ses certitudes absolues, on n’hésitait pas à imposer par les armes sa foi et ses valeurs. Convictions qui ont entraîné l’acculturation et la domination barbare de nombreux peuples. On veut éviter de refaire les mêmes erreurs. Finalement, le 20e siècle aura été le siècle des dogmes : dogmes nazis, dogmes communistes, dogmes intégristes. Les détenteurs de la vérité ont toujours manifesté de l’intolérance. Cela fait que, maintenant, avec raison, on craint comme la peste ceux qui affichent des certitudes morales.
Toutefois, le relativisme des valeurs représente un danger. Lorsque tout est relatif à tout, il n’y a aucune base d’ancrage. L’édifice roule sur lui-même, il est impossible de construire une cohérence et c’est une maison donc toutes les portes sont ouvertes, avec les dangers que cela comporte. Pour éviter cela, il faut une base immuable qui servira de référence pour articuler l’ordre des choses. Ainsi, la théorie de la relativité d’Einstein n’est pas totalement relative, sinon le monde dans lequel nous vivons serait impossible. Dans la théorie d’Einstein, il y a un absolu, une limite en fait : c’est la vitesse de la lumière qui est impossible à dépasser.
Dans la morale moderne, vous aurez deviné que je prétends qu’il y a un absolu indépassable et universel, et que ce sont les droits de l’homme. C’est la règle universelle qui doit nous guider dans la conduite de nos affaires internes et externes, et que nous devons, sans crainte, non imposer, mais constamment défendre.
Donc, nous ne devons jamais oublier l’HOMME sans quoi la barbarie nous guette. J’irais plus loin, tous les problèmes que nous vivons actuellement, que ce soit au point de vue économique ou social, sur le plan local ou international, sont dus au fait que nous oublions l’HOMME.
Merci pour le texte. J’irai même consulté le site internet. C’est donc la philosophie. J’aime bien dans le texte que la réponse aux questions se trouve à l’intérieur de l’homme. N’est-ce pas là qu’on l’avait caché le trésor? Vous comprenez que je fait allusion à la légende d’un trésor caché et introuvable. On l’avait si bien caché. Il était à l’intérieur de chacun.
Coudonc, j’ai tu rêvé ou on n’a vraiment interdit les sapibs de Noël dans les lieux publics?… Y a tu juste moi ou me semble c’est pas compliqué à comprendre… Je pense je vais arrêter ça là…
Ce sujet revient dans l’actualité à chaque année, mais personne chez les militants laïques n’a jamais demandé un telle interdiction. Un directeur de service du complexe Guy-Favreau (centre de services fédéraux à Montréal) a déjà émis un mémo demandant aux employés de ne pas décorer leurs bureaux, mais il a dû se rétracter. Les sapins de Noël n’ont rien de religieux et sont liés à l’aspect « carnavalesque » de Noël (les Saturnales chez les Romains) et non au caractère chrétien ajouté à cette fête au 4e siècle de notre ère.
Bravo !! …c’est un très beau texte. Je suis tout à fait d’accord avec tout ce qui est écrit
Merci de commenter si clairement et intelligemment les différents arguments soulevés par les [anti-laïcité].
J’ai eu, au cours de ma carrière, à me soumettre à un code vestimentaire et j’avais à choisir entre travailler pour cet employeur ou pas. J’ai choisi l’emploi!
Très bon article M. Baril. Le projet de Mme Marois est peut-être pas 100% parfait, mais c’est drôlement mieux que de rien faire (comme le PLQ qui a, comme on pouvait s’en douter, tabletté de rapport qui traitait de ça). J’aimerais ajouter que les partis au fédéral sont tous hypocrites et essaient de courtiser les Néo-Québécois (et les Néo-Canadiens aussi) en se prononçant contre la charte. Le gouvernement de M. Harper est le plus hypocrite de tous. Pourquoi me direz-vous? J’ai fait une petite recherche non exhaustive sur Internet sur divers sites anglophones et sa base électoraliste dans l’Ouest canadien est LARGEMENT en faveur d’une telle initiative. Quant au parti de ce cher M. Mulcair (qui est juif et je ne crois pas me tromper en disant que les juifs sont les deuxième groupe se sentant le plus concerné, après les musulmans, par cette charte), il aurait dû se garder une petit gêne dans ce débat de société. Le fait de vouloir se faire du capital politique sur le dos des religions, ça risque fort de lui faire perdre les prochaines élections. De toute façon, beaucoup de Québécois avaient votés pour « Jack » et non pour le parti lui-même. Bye bye M. Mulcair. Vous allez voir aux prochaines élections que de mordre la main de ceux qui vous ont élu va vous coûter les prochaines élections et votre parti va redevenir ce qu’il était… Un parti sans véritable pouvoir à Ottawa… Pour ceux et celles qui se posent la question, oui, j’étais un de ceux qui a voté pour « Jack » aux dernières élections. Je ne sais pas, honnêtement pour qui je vais voter aux prochaines élections, mais vous pouvez être sûr que ce ne sera pas ni pour le parti conservateur, ni pour NPD… Peut-être pour le bloc… (bien qu’il soit pas très en forme en ce moment). Je ne me considère pas séparatiste (mais peut-être un peu nationaliste et c’est pas la même chose. Être nationaliste n’implique pas de se séparer du Canada). Le bloc, finalement, est le parti fédéral qui me représente le plus du niveau idéologique (même si je sais qu’il n’avait pas de vrais pouvoirs à Ottawa, même avant les dernières élections…)
Merci infiniment, vos arguments ne peuvent être plus justes!
« ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots à la bouche arrivent aisément » Boileau . Votre argumentaire est d’une pertinence rare. merci.