Depuis le début du débat sur le projet de laïcité du ministre Drainville, les opposants à ce projet — Charles Taylor, Thomas Mulcair, Justin Trudeau, André Pratte, Adil Charkaoui et l’imam pro-charia Salam Elmenyawi en tête — ont claironné haut et fort que ce projet et ceux qui l’appuient étaient racistes et xénophobes.
N’en déplaise à tous les angéliques des rapports sociaux qui croient, comme Jacques Parizeau, qu’une société peut toujours fonctionner harmonieusement sur la base du consensus même lorsque des valeurs contradictoires entrent en conflit, nous percevons toujours nos semblables en fonction d’un classement du type « nous » et « les autres ». Même Charles Taylor procède ainsi. Cette tendance est ancrée dans nos mécanismes cognitifs et constituait un avantage dans un lointain passé ancestral où l’Homo sapiens devait établir rapidement à qui il avait affaire. Ce quasi réflexe dans la perception de l’autre permettait de déterminer par des signes perceptibles si l’étranger rencontré était un allié possible ou un éventuel ennemi. Autrement dit, s’il faisait partie de mon groupe ou non.
L’être humain n’est pas un être désincarné et il transporte avec lui son passé évolutif; l’inclinaison envers la catégorisation est devenue un trait d’espèce. Dans les sociétés actuelles, ce biais est susceptible d’entrainer des comportements racistes et xénophobes. Dès lors que l’on en reconnaît la réalité et le danger, la question à poser est de savoir comment prévenir les dérapages racistes. J’estime que la laïcité fait partie des mesures politiques permettant une meilleure cohabitation des différences dans une société pluraliste et voici pourquoi.
Le mécanisme en cause
Il n’est pas possible d’exposer ici en détail le mécanisme à la base de la catégorisation sociale. J’aborde le sujet dans l’ouvrage collectif publié récemment Pour une reconnaissance de la laïcité au Québec (Presse de l’Université Laval, 2013) dans le chapitre « Multiculturalisme, essentialisme et laïcité ». Voici succinctement ce que nous disent les recherches expérimentales récentes sur le sujet :
– la catégorisation « nous et les autres » s’observe dans toutes les cultures et dans toutes les classes sociales et montre que nous attribuons une « essence » aux choses et aux personnes en fonction de leur apparence. Les immigrants perçoivent donc eux aussi leur société d’accueil à travers ce prisme;
– les repères de la catégorisation sociale peuvent être biologiques, comme l’apparence physique (couleur de la peau, morphologie du visage, etc.), ou culturels comme les vêtements et les mœurs (idéologie politique, religion, etc.);
– cette habileté permet d’établir des liaisons sociales forte et de consolider l’appartenance à un groupe;
– les marqueurs de coopération et d’alliance sont encodés aussi fortement que ceux du sexe comme représentation fondamentale d’une personne, ce qui n’est pas le cas pour les marqueurs biologiques comme la « race »;
– le fossé entre « nous » et « les autres » peut aisément être comblé lorsque des possibilités d’alliance sociale forte sont perçues;
– les marqueurs de valeurs morales ou de croyances religieuses génèrent plus de rejet que ceux de l’appartenance ethnique (1);
– les individus les mieux intentionnés à l’égard des « autres » ne font pas exception et perçoivent leurs semblables à travers ce même mécanisme.
Ces constats reposent sur plusieurs dizaines de travaux en psychologie cognitive et en psychologie sociale réalisés notamment aux États-Unis, en Angleterre, en France et en Allemagne. Il s’agit pour la plupart de mises en situation et de tests de laboratoire et non de simples entrevues qualitatives comme on le fait habituellement dans les sciences sociales. Les participants sont habituellement des étudiants universitaires, donc des personnes plus scolarisée, plus libérales et moins enclines aux préjugés que l’ensemble de la population. Les résultats de ces travaux ne seraient pas différents même si tous les répondants étaient des Gérard Bouchard ou des Françoise David.
La laïcité comme protection
Les conclusions que l’on peut en tirer sont que l’appartenance ethnique n’est pas un obstacle à la cohésion sociale lorsque l’on perçoit que l’autre partage un minimum de valeurs communes sur lesquels une coopération sociale est possible. Cette perception est plus difficile, voire impossible, lorsque l’autre s’affiche radicalement en rupture d’avec les valeurs communes au sein du groupe social. L’identité religieuse fortement exprimée par des signes ostentatoires marque ainsi une barrière entre les sous-groupes sociaux et apparait comme un obstacle majeur à la construction d’un projet de société rassembleur.
N’est-ce pas ce que l’on observe actuellement au Québec? Qui peut vraiment affirmer de façon sérieuse que le Québec est une société raciste? Y a-t-il au Québec des conflits entre Blancs et Haïtiens? Entre Québécois de souche et italo-Québécois? Des conflits avec les Latinos, les Asiatiques, les Hindous? L’élément conflictuel actuel n’est pas lié à l’ethnie mais à la religion et à une forme particulièrement exclusiviste de religion, c’est-à-dire l’intégrisme islamiste, un projet politique à tendance fasciste qui se drape de religieux.
Ce que les études de laboratoires montrent, c’est qu’il serait vain de penser que le biais de catégorisation à l’oeuvre dans cette réaction politiquement saine disparaîtra de lui-même par simple contact interculturel comme le croient les multiculturalistes (dans lesquels je range les intercutluralistes). La déconstruction de la xénophobie demande des interventions dynamiques et un contexte social approprié. Elle s’avère impossible lorsque l’ « autre » refuse le mode de vie de la société d’accueil et délimite son territoire par des signes établissant une frontière entre « eux » et les « autres » afin de se protéger du mixage social.
Devant cette réalité, le multiculturalisme et son corolaire qui est la « laïcité ouverte », qui tendent à renforcer les identités culturelles et religieuses et la tendance à l’ethnocentrisme, apparait comme un projet bien naïf pour assurer la cohésion sociale. L’échec lamentable de cette approche en Europe en témoigne. En alimentant les particularismes de chaque sous-groupe, le multiculturalisme crée les conditions propices à l’ « essentialisation » de l’autre, c’est-à-dire à une perception qui nous le montre comme fondamentalement différent de soi.
Je tiens à être très clair: je ne suis pas en train de défendre les dérives racistes mais à essayer de comprendre sur quoi elles prennent racine. Toute forme de xénophobie, quelle soit religieuse ou raciale, est à combattre. Mais un État a le devoir de prendre des mesures qui assurent la cohésion de ses services et de ses institutions. La laïcité est insuffisante pour contrer la xénophobie mais elle est nécessaire à cet objectif et est même essentielle au respect de la liberté de conscience de tous les usagers des services publics. Quelle image de cohésion et de respect renverrait un État dont chaque employé afficherait son appartenance religieuse, parfois même en contradiction avec les valeurs humanistes universelles que cherche à promouvoir cet État?
L’alliance qui permet l’intégration de tous dans une même société ne peut se faire que dans le contexte de la laïcité qui devient le fer de lance des valeurs humanistes et des principes sous-jacents aux droits fondamentaux.
La proscription de signes religieux ostentatoires de la part des employés de l’État devient ainsi une mesure saine permettant d’éviter des réactions primaires de catégorisation porteuses de xénophobie. Cette mesure est en fait une disposition antiraciste essentielle au maintien des acquis démocratiques de la modernité dont font partie la liberté de conscience et l’égalité de tous les citoyens quels que soient leur sexe, leur religion et leur appartenance ethnique.
Associer la laïcité à la xénophobie comme le font de façon démagogique et réactionnaire les Charles Taylor, Thomas Mulcair, Justin Trudeau, André Pratte, Adil Charkaoui et Salam Elmenyawi ne fait qu’illustrer leur petitesse d’esprit.
1. Cet point n’est pas traité dans le chapitre mentionné; il est tiré d’études que je n’avais pas en main à ce moment, notamment K. Unkelbach et al. Social Psychology and Personality Science, 2010, 1 (4).
Nous devons avoir un état neutre, comme l’oxygène.
L’oxygène est neutre et il est également disponible pour tout le monde. Le soleil est neutre et elle brille pour tout le monde, indépendamment de leur foi ou leur religion.
Les plantes sont neutres et sont disponibles pour tout le monde indépendamment de leur foi.
Les animaux sont neutres et sont gratuits pour tous, indépendamment de leur religion
La Terre et l’univers sont pour toute l’humanité et aucune religion ne peut mettre son symbole religieux sur la terre ou le ciel.
L’État doit être neutre pour tous comme l’oxygène, la terre, le soleil et l’univers.
Les contribuables ne devraient pas être obligés de « voir » d’énormes symboles religieux dans un bureau ou un bâtiment payés par l’Etat.
Parce que «voir» d’énormes symboles religieux est équivalent à prosélytisme, équivalent à d’être prêché parce que « une image vaut mille mots». Ces énormes symboles religieux parlent plus que des milliers de mots sur la croyance personnelle d’une personne.
Les enfants dans de garderies (payé par les contribuables) ne devraient pas être subliminale endoctrinés par ceux en position d’autorité. Ils ne doivent pas être victimes de « prosélytisme indirect » par leurs soignants, lisez plus ici « Pourquoi le peuple philippins du Québec doivent soutenir la Charte des valeurs » à Filipina nannies caregivers blog http://filipina-nannies-caregivers.blogspot.ca/2013/05/why-filipinos-support-quebec-charter-of.html
L’état doit être séparé de toute religion et tous les serviteurs de l’État ne devraient pas manifester leur religion dans les travaux parce qu’ils sont payés et salarié par l’État.
Il a fallu plusieurs siècles pour parvenir à » la liberté de l’oppression de la religion».
Il a fallu beaucoup de batailles d’être libéré de la religion. Il a fallu plusieurs décennies pour finalement atteindre la «séparation entre l’Église et l’État», lire la suite ici comment la religion accabler la population http://popecrimes.blogspot.ca/2013/01/boycott-oratory-of-saint-joseph-candles.html .
Justin Trudeau est un gros zéro et très ignorant pour comparer le Québec à l’époque de Martin Luther King. Quelle honte! Nous espérons que Justin Trudeau ne deviendra jamais premier ministre du Canada.
Il y a la «liberté de pensée» et la liberté de religion au Québec. Mais les contribuables devraient pouvoir respirer l’air frais dans un état neutre.
J’espère que les Montréalais en particulier tous les maires et les politiciens vont se réveiller et soutenir la Charte des valeurs…avant que nous sommes colonisés par une autre religion… après nous nous sommes débarrassés et fermé avec succès 95 pour cent des églises catholiques !
M. Baril,
Le ministre Drainville prend les gens pour des imbéciles. Voici ce qu’il disait à RDI:
«On veut régler le problème avant qu’il ne survienne» dit en conclusion min @BDrainvillePQ à Michel Viens au RDI à la défense de son projet.
https://twitter.com/MPepin_RC
Il y a quelques cas isolés qui sont fortement médiatisés et il faut légiférer tout de suite avec une loi. Ridicule. Le ministre n’a pas fait ses devoirs. Je m’excuse mais les cas d’accommodements ne sont pas chiffrés de manière empiriques par des chercheurs sérieux. Le caractère idéologique de son gouvernement minoritaire est manifeste. Vous êtes la courroie de transmission qui va faire éclater ce parti. J’ai hâte de voir la suite…
La Charte n’est pas raciste ou xénophobe, mais des propos intolérants se manifeste bel et bien sur les musulmanes qui portent le hijab comme Janette Bertrand (qui a peur de se faire soigner par des femmes en hijab) et Denise Filiatreault (« toutes des folles » !)…
Je reste prudent pour la suite des choses, mais les paroles avec beaucoup d’émotions, c’est pas bon.
Je rêve un peu mais j’ai hâte que la pâte de dentifrice rentre dans le tube. Et vous ?
Denise Filiatreault s’est excusée pour ses propos. Je n’ai entendu personne en faire autant dans le camp de ceux qui nous accusent de racisme et de xénophobie.
Je regrette m’Pierre Brassard mais personne n’a réussi à remettre la pâte à dent dans le tube.
Nous n’avons pas débattu du sujet depuis des semaines pour faire ce que les libéraux pas de couilles ont fait le mettre sur la tablette.
Ont est dedans faut le finir et le régler une fois pour toute.
Ayez un peu de courage et réfléchissez un peu mais ne vous sauvez pas des sujets sérieux.
M.Brassard,lire un texte n’est pas une activité suffisante, encore fait-il le comprendre. Je vous suggère une relecture lente et attentive et pour terminer, faire un résumé du texte qui le respecte intégralement. Tout cela pour opérer une disternciation entre la pensé de l’auteur et la vôtre.
Bonne lecture.
Un État neutre ne doit jamais cibler une communauté en particulier, la charte a été dressé contre la communauté musulmane et n’a pas chercher à consolider la laïcité…c’est pourquoi elle a foncé contre un mur juridique qui va l’écarter.
Ceux qui pensent qui vont être colonisés par la religion musulmane, doivent se rappeler que nous sommes dans une société démocratique, basée sur des valeurs universelles intériorisés par les musulmans et les non musulmans, il ne faut pas croire certaine médias et des journalistes comme Martineau qui souffre d’une carence intellectuelle grave.
Avec des Pierre Paradis (qui doit croire au paradis) qui ne voient rien venir, dans10 ans, ce va être beau à Montréal si on ne fixe pas des balises minimales.
On verra la réalisation que souhaite cette musulmane qui a agressé une de souche lui disant que nos petits-enfants auront à apprendre le Coran (La Presse 19 octobre p.3).
Bravo Daniel, lâche pas la patate. Heureusement, ll n’y a pas que des Pierre Paradis au Québec
Personne n’a d’objection avec la partie « balise des accommodements ». Cette partie pourrait avoir été adoptée il y a longtemps si Charest (après Bouchard-Taylor) ou Marois (il y a 3 mois) l’avaient désiré.
Le projet Drainville, la manière dont il a été amené (par une fuite volontaire au Journal de Montréal 3 semaines avant sa sortie officielle) et les déclarations et insinuations subtiles de Drainville et Marois pour jeter de l’huile sur le feu (au lieu de tenter de calmer les débats) prouvent que son but est de faire de la « wedge politics ».
Parce que ce gouvernement veut aller en élection le plus vite possible (comme tous les gouvernements minoritaires dans notre merveilleux système parlementaire anglais, il rêve d’avoir les « deux mains sur le volant »).
Que les circonstances sont idéales (PLQ en difficulté avec l’UPAC, CAQ en décomposition).
Qu’il ne peut pas se permettre d’attendre au printemps (il devra admettre que, malgré les tripotages comptables et les coupures sauvages, le déficit-zéro ne sera pas atteint).
Et que le gouvernement Marois n’a rien d’autre que ce projet, absolument rien dans son « oeuvre » pour gagner des votes.
Je crois qu’il y a confusion entre deux Pierre…
Je suis fondamentalement contre cette charte.
Malgré vos biais idéologiques (vous vous présentez vous-même comme un militant laïque) et votre adhésion à un paradigme épistémologique empirique (vous encenser les méthodes cognitivistes et rabaisser les méthodes qualitatives). Je trouve votre article excellent, vraiment rigoureux et fertile en réflexions. Ce genre d’exercice fait vraiment avancer le débat, et la qualité de votre réflexion est un phénomène rarissime dans le débat actuel. J’aimerais qu’il ai plus de gens comme vous parmi les intellectuels québécois. Car à défaut d’avoir unanimité ou consensus il pourrait y avoir au moins une saine dialectique !
Merci, sincèrement.
Je ne rabaisse pas la méthode qualitative qui a son utilité et ses mérites. Mais pour savoir comment fonctionne l’intellect, il faut recourir aux sciences cognitives, en ensemble d’outils sous-utilisé et méconnu dans les sciences humaines au Québec.
« Mécanisme cognitif » est utilisé dans ce texte au sens de mécanisme neurologique.
Ce que je désigne par « recherche empirique » (http://explorable.com/fr/la-recherche-empirique) serait mieux rendu par recherche expérimentale et je corrige mon texte de cette façon. Merci de ces remarques.