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Cannes c’était comment?

Voilà quelques jours que je suis revenu, non sans fatigue, du prestigieux Festival de Cannes, Côte d’Azur, France, à Nice tu tournes à droite, c’est pas trop loin ensuite. J’y étais entre autres pour y présenter le court métrage ¡ El Presidente ! dans le cadre de la sélection Not short on Talent organisée par Téléfilm Canada, un film que j’ai tourné au Nicaragua avec la talentueuse Elisabeth Olga Tremblay. Bref, cette sélection relève d’une initiative exceptionnelle pilotée par Danielle Bélanger du dit organisme fédéral, ainsi que par Prends ça court!.

Le projet vise à promouvoir le talent canadien, par la projection de 44 films, séparés en cinq programmes, dans le cadre de l’immense marché du film du célèbre festival. Exceptionnelle pour plusieurs raisons, mais notamment parce que cette initiative a permis à plus de 72 réalisateurs, producteurs, acteurs, monteurs et autres professionnels du milieu cinématographique reliés à ces productions, de voyager à leur frais, mais d’être accrédités et encadrés, afin de vivre une grande expérience de cinéma, de faire des rencontres, de tisser des liens, de se mettre en valeur et d’approfondir une multitude de facettes moins connues de notre fabuleux domaine, les festivals de films. Ces festivals sont des plates-formes essentielles de lancement, de visibilité, de ventes, de rayonnement et d’affaires. Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas le faire sur le tapis rouge.

De retour dans la vraie vie, loin de cette Mecque du noeud papillon, loin du Palais du festival, de la grande salle Lumière, emblème de la croisette, loin des pavillons internationaux et de leurs tentes ornées de drapeaux, des partys glamour au débit de champagne indécent, loin de la folie qu’engendre les vedettes, les grands et les idoles professionnels, loin de Steven et de Nicole, on demande incessamment aux survivants de ce périple: « mais Cannes c’était comment? ». Et bien Cannes, c’est impressionnant, c’est magique, c’est immense, c’est glam, c’est big, c’est star, c’est des films, des films marquants et de moins bons films, c’est de la politique, c’est un jury, c’est des prix, c’est de la haute finance, c’est de la pub, c’est des meetings prévus, imprévus, c’est les Weinstein et Soderberg, c’est les Kechiche et Koreeda, bien évidemment, c’est tout ça. Et ce ça, il fait augmenter la cadence. Cannes c’est courir, courir, courir au palais, courir au bureau des accréditations, courir chercher son tox, courir faire un appel, courir chercher ses billets, courir chercher à manger, aux toilettes, courir.

Cannes c’est aussi chercher, un WIFI qui fonctionne, une salle de cinéma, la bonne, non pas celle-là, l’autre, chercher ses cartes d’affaires, ses DVDs, ses souliers propres, chercher quelqu’un, quelque part, chercher la sortie du marché, chercher une invitation pour une fête, c’est chercher son sommeil. Cannes, c’est mettre son cadran à 7h51 pour réserver nerveusement son billet en ligne à 8h00 tapant, en violentant le bouton «refresh» parce qu’il n’en restera plus à 8h01. C’est échanger un billet des Cohen contre deux Farhadi, c’est donner son billet pour Payne parce qu’on n’en peut plus pour aujourd’hui, c’est prêter son accréditation pour permettre à un ami d’entrer au palais.

Et pour la délégation de Not short on talent, ce fût aussi une chance unique. Une chance de vivre la promotion de son film, sa propre promotion, faire l’objet d’un article, donner une entrevue, recevoir la critique de ses pairs, critiquer à son tour, se faire applaudir, applaudir, faire rire, faire réfléchir et faire pleurer. C’est se mesurer aux autres, en tant que cinéastes, aux yeux de la planète entière. C’est être confronté à ce qui se fait de mieux et de moins bien, du Maroc au Mali, en passant par l’Inde et les États-Unis.

Ce fut aussi pour eux l’occasion de rencontrer la directrice générale de Téléfilm Canada, Carole Brabant qui pris le soin de discuter avec eux un à un, parler de cinéma, de financement, de talent et d’avenir, prendre le pouls. Ce fut aussi se faire ouvrir le chemin par les locomotives qu’ont été Pilote et Robichaud cette année, avec les bombes que sont Le Démantèlement et Sarah préfère la course. Conférences, conférences de presse, discussions, ateliers, panels, 5 à 7 (lire réseautage), et pourquoi pas, l’amitié, une grande célébration, et tout ça, sur le bord de la méditerranée.

C’est Stéphane Moukarzel qui brasse des affaires avec la délégation du Kenya!? C’est Michaël Lalancette et son Toasteur «- pardon, vous avez dit Le Toasteuuuur, – non, c’est Toasterrrrrr qu’on dit – ah bon d’accord». C’est voir à l’oeuvre le FICFA, le FNC, le TIFF, Fantasia dans toute cette mer de festivals. Nos distributeurs, nos producteurs, exploitants de salles, qui courent, qui cherchent, qui trouvent, qui signent, qui vendent ou qui achètent.

Inévitablement, certains membres de la délégation seront de retour, un jour, avec un film, court ou long, à la Quinzaine, à la Critique, en compétition, ou pas. Ils auront peut-être rêvé de ce moment depuis cette édition. Ils font déjà rayonner notre cinéma, ils le feront demain. En attendant, il ne reste qu’à faire des films, ici et maintenant.

Maxence Bradley
Réalisateur – Producteur