BloguesDenis McCready

Esprit de banane

(Écrit sous la contrainte de la loi 78 qui restreint la liberté d’expression et la liberté d’association pourtant protégées par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec)

Dans un article paru le 31 mai 2012, le Conseil du patronat (CDP) demande l’arrêt des manifestations afin de ne pas nuire à l’activité économique de Montréal. L’article est ici : http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201205/31/01-4530449-larret-des-manifestations-demande.php

Prenez le temps de le lire, le langage est savoureux. Un bel exemple de putréfaction de la pensée humaine. Je soupçonne qu’un être humain doué de compassion et d’empathie risque de développer un virulent cancer à force d’écrire de pareilles inepties. J’espère que cette personne aura droit aux meilleurs soins de santé possibles le jour venu, puisque, comme la cigarette, les théories néolibérales sont une forme d’addiction qui peuvent mener à la mort mentale de l’usager, et à la mort réelle des autres humains autour.

Je savais que cet argument allait poindre à un moment donné; j’attendais de voir d’où il viendrait pour l’aborder. Que le CDP fasse une pareille déclaration est troublant mais pas surprenant. Ainsi, comme dans une république de banane du sud, un de ces endroits où les QuébécoisES se rendent pour se dorer la couenne* en hiver, on demande à la population de reporter son opposition à la restriction de leur liberté d’expression et de leur liberté d’association imposée par la loi 78  afin de ne pas nuire au tourisme au Québec.

J’ai des mots comme Cuba dans la tête, je pense aussi à la Chine des Olympiques, mais vous aurez certainement d’autres suggestions. Si on place la corporation au dessus des citoyens, on est dans le fascisme. Il y a longtemps que les corporations ont obtenu des tribunaux d’être considéré comme des personnes (voir l’excellent film THE CORPORATION) , mais comme le disent certains dissidents américains, j’accepterai que les corporations soient des « personnes » le jour où l’état du Texas en exécutera une.

Personnellement, il est hors de question de placer les intérêts économiques du tourisme de Montréal au dessus de la liberté d’expression et de la liberté d’association. Si nous cédons à ce genre de marchandage, nous venons tout simplement de prostituer nos droits contre de l’argent. En devenant ainsi des citoyens dont la liberté s’achète, nous devenons indignes de nos autres droits et nous déclarons ouvertement que nous sommes prêts à nous faire acheter. Il ne nous restera qu’un seul pouvoir : celui de marchander le prix. Dans un système néolibéral (voire fasciste), ce sont toujours les corporations qui gagnent dans ce genre de négociations puisqu’elles ont lieu dans l’univers et le registre corporatif.

Pierre Falardeau à dit : La liberté n’est pas une marque de yogourt. Avec la déclaration du CDP, cette phrase prend aujourd’hui une nouvelle dimension.