BloguesÉlise Desaulniers

Ça goûte le poulet

170 millions. C’est le nombre de poulets qui sont produits au Québec chaque année, essentiellement pour notre consommation domestique : pas étonnant, on en consomme 31 kg par personne. Produit de luxe jusqu’au milieu du siècle, le poulet est aujourd’hui devenu la viande la moins chère sur le marché. Mais si on réussit à produire du poulet pas cher, c’est au prix du bien-être des oiseaux et de notre santé. Que faire? On peut évidemment devenir végétariens. Mais pour ceux qui ne peuvent se passer de leur hot chicken ou de leur pad thaï au poulet,  le chroniqueur Mark Bittman du New York Times propose une solution qui me semble idéale.

Production à la chaine

Nos poulets « de grain » et « élevés en liberté » ont passé toute leur vie dans de grands entrepôts sans fenêtres et surpeuplés. Aucune loi ne contrôle la densité d’élevage et on estime qu’en moyenne, chaque oiseau dispose de moins d’un demi pied carré d’espace lorsqu’il arrive à maturité (la taille du tapis de votre souris d’ordinateur). Les contraintes commerciales sont telles que les éleveurs n’ont pas d’autre choix que de chercher à avoir le rendement le plus important. Et comme les oiseaux passent une quarantaine de jours sur une litière qui n’est jamais nettoyée, le taux d’ammoniaque augmente et l’air devient vite vicié. La densité est évidemment cause de nombreuses pathologies (brûlures, ampoules, dermites se propageant par contact, maladies respiratoires), de stress et d’une mortalité bien plus importante que lorsque les oiseaux sont moins entassés.

Du grain animal et des antibiotiques

La santé humaine en paie aussi le prix. Le poulet industriel est nourri de farines animales. Ce sont ces farines animales qui ont causé la propagation de la maladie de la vache folle il y a quelques années, mais on continue de les utiliser parce qu’elles coûtent beaucoup moins cher que les farines végétales : elles sont riches en protéines et permettent de recycler les résidus de boucherie et d’abattoir. Encore une fois, tout est question de rentabilité. La diète des poulets est également enrichie d’antibiotiques utilisés comme facteur de croissance et à titre préventif. L’usage non thérapeutique des antibiotiques est une source d’inquiétude importante parce qu’il est lié au développement de bactéries résistantes aux antibiotiques. Et comme si ce n’était pas assez, le poulet est également riche en gras saturés et en cholestérol, liés au développement de maladies cardiaques, de diabète et de cancers.

Du vrai poulet végétal

Il existe sur le marché une importante quantité de « faux » poulets. La plupart ont une liste d’ingrédients qui fait peur et les autres coûtent plus cher que le vrai poulet. Mais si on produisait du faux poulet à partir d’ingrédients sains, qu’il était aussi nutritif que le vrai, mais sans gras ni cholestérol et que ce « faux » poulet avait un goût et une texture ressemblant à s’y méprendre au vrai et qu’il était aussi abordable, n’aurait-on pas là une solution miracle permettant de sauver des millions de vies animales et probablement humaines? Ethan Brown, un végétalien du Maryland a peut-être trouvé la recette miracle. En collaboration avec des chercheurs de l’Université du Missouri, il a développé un « faux » poulet entièrement naturel, produit à partir de protéines de soya et de pois, d’amarante et de fibres de carottes dont la texture rappelle à s’y méprendre le vrai. Le journaliste Mark Bittman, critique culinaire, s’est même trompé à quelques reprises, prenant le vrai pour le faux (ou vice-versa). Évidemment, ce « faux » poulet ne pourra jamais remplacer celui qu’utilise Normand Laprise ou Marc-André Jetté (qui, de toutes façons, cuisinent du poulet « bien » traité), mais pourquoi pas celui qu’on met dans les croquettes et dans les burgers ? Combien de vies pourrait-on sauver en remplaçant tout le poulet qu’on ne goûte pas vraiment par du poulet végétal ?