BloguesLe blogue de Frédéric Bérard

La discrimination Lisée

Certains me disent d’en revenir. Je les comprends. Qu’on ne tire pas sur les ambulances. Que le PQ est mort, notamment chez les jeunes et communautés culturelles, du fait de cette Charte. Et que c’est tant pis pour eux. Ils ont peut-être raison. J’en sais rien. Ce que je sais, par contre, c’est que le PQ lui-même veut faire oublier ce triste épisode. On tenterait à moins.

Ce que je sais aussi, c’est que les principaux artisans de la manœuvre sont encore dans l’arène. Pire, ils sont en lice pour d’abord devenir chef de leur parti et ensuite, potentiellement, premier ministre. Pour l’ambulance, ainsi donc, on repassera. Drainville, Lisée, Cloutier, Ouellette. Ce que pense PKP de la Charte des valeurs ? On a une bonne idée. Quand il aura d’autres chats à fouetter, serait bien qu’il se prononce clair et net là-dessus. On parle quand même de la pierre d’assise de la dernière campagne électorale de son parti.

Au fait, à les écouter aujourd’hui, on remarque qu’aucun des ministres de l’époque n’était apparemment en faveur de ladite charte. Drainville lui-même, au moment où a été révélé l’absence d’avis juridique, avait initialement refusé les demandes d’entrevue au motif que « la charte, c’est fini, on n’en parle plus ». Hilala.

Ce qui m’amène à Jean-François Lisée. Grosse semaine pour lui. À 2% d’appui dans un sondage sur les intentions de votes à la chefferie, il se devait de bouger. Ce qu’il fit. D’abord, en pointant le conflit d’intérêt potentiel ou présumé de PKP. L’éléphant dans la pièce (je parle du conflit). Ensuite, en prenant ses distances du projet de Charte.

Selon Radio-Canada, qui aurait sous la main des extraits de son prochain bouquin, l’absence de clause de droits acquis rendait, aux yeux de Lisée, parfaitement inacceptable. Dixit ce dernier : « Je n’aurais pas voté pour cette loi. Je ne me serais pas abstenu. J’aurais voté contre ». Voilà qui est intéressant.

Toujours selon RC : « Favorable à l’instauration d’une charte, Jean-François Lisée souhaitait que les employés actuels puissent continuer à porter leurs symboles, mais que ce soit interdit aux nouveaux employés. »

Et Pauline Marois là-dedans ? « Elle aurait alors le choix : me virer du conseil des ministres et ouvrir une crise politique qui allait miner la crédibilité de la charte, ou modifier la charte pour éviter la crise, puis me punir par la suite ».

Un peu facile à dire, après-coup, je dirais. D’aucuns pourraient prétendre au courage rétroactif. Mais passons.

Qu’est-ce qu’une clause de droits acquis, au fait ? S’agit d’une clause qui assure à un individu le respect de droits anciens malgré l’adoption d’une loi nouvelle. Dans le présent cas, ceci aurait permis aux employés visés par la Charte d’éviter le congédiement. Ceci équivaudrait, selon Lisée à se tirer dans le pied avec une mitraillette d’un point de vue électoral. Fort bien.

Sauf que le reportage de RC occulte un point majeur, soit le corollaire de ce qui précède. Qui dit clause de droits acquis dit aussi, dans ce cas précis, discrimination à l’embauche.

Si congédier pour cause de port de signe religieux est effectivement sans fondement et abject, pourquoi en serait-il autrement de refuser une candidature sur ces mêmes motifs ? Quelle différence ? Fondamentalement moins grave de se voir refuser un job pour des motifs religieux que de perdre ce dernier ?

Paraît même que Pauline Marois aurait souhaité utiliser ladite clause des droits acquis, défendue donc par Lisée, à titre d’arme de négociation avec la CAQ.

Ce à quoi Lisée…s’opposait : « il serait d’ailleurs politiquement débilitant de laisser à un tiers parti le crédit d’avoir introduit la mesure la plus humaine du projet: le respect des personnes employées de l’État ».

En bref, simple considérations partisanes, ici. Pur calcul électoral. Aucune conviction. De la stratégie pour de la stratégie. Pas surpris. Laissons Drainville comme seul porte-étendard de la Charte honnie.

Lisée, humaniste.

Qui aurait démissionné pour protéger les employés de l’État. Sauf si c’est la CAQ et non le PQ qui en tire profit politiquement.

Qui aurait démissionné pour empêcher la discrimination. Sauf si celle-ci est commise à l’embauche.

Le même pro-inclusif qui, ô anti-discrimination, fut père du projet de loi sur la citoyenneté québécoise.

Celle qui visait à interdire à tout Québécois au français jugé insuffisant de se porter candidat aux élections scolaires ou municipales. De présenter une pétition à l’Assemblée nationale. De contribuer à un parti politique.

Un humaniste. De conviction.

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