BloguesGwenaëlle Reyt

Fromage maternel

Il ne sent presque rien. Il est blanc et mou, comme la plupart des fromages frais. Au goût, il est savoureux, très doux et légèrement sucré. Sa texture est fondante et à peine granuleuse. Finalement, ce fromage ressemble à beaucoup de fromages de chèvre, sauf que celui présenté par l’artiste Miriam Simun est composé de lait maternel.

Le 9 septembre dans le cadre du Sensorium, l’artiste new-yorkaise a présenté en première internationale son projet Human Cheese. «L’idée est de provoquer une discussion autour de la nourriture. De se questionner sur nos limites. De ce qui est acceptable ou non», explique-t-elle lors de sa présentation dans la serre de Concordia. Selon elle nous vivions dans un monde ou la biotechnologie influence comme jamais auparavant notre monde, tout comme notre alimentation. Elle nous permet de repenser les modes de production, mais aussi les manières d’exploiter les animaux et même les humains (banque de sperme, de sang, d’organes).

Le fromage est l’un des procédés biotechnologiques les plus anciens. Mais il est aussi le premier produit génétiquement modifié à être autorisé à la vente aux États-Unis en 1990. Il est donc un support idéal pour engager le débat, estime la femme qui s’intéresse au corps. « En proposant du fromage à base de lait maternel, je laisse le choix aux gens. En manger ou non », explique l’artiste qui veut soulever d’autres questions sur notre mode d’alimentation: qu’est-ce qu’une nourriture éthique, saine, locale ou naturelle?

Exposé dans une galerie à New York ce printemps, le projet Lady Cheese shop a été très médiatisé et dans l’ensemble les échos ont été positifs, même si certaines oppositions ont été très franches. «Ceux qui ne veulent pas manger mon fromage refusent, car ils disent que c’est du cannibalisme ou alors parce qu’ils ne savent pas ce que la femme a mangé avant de donner son lait», raconte-t-elle en poursuivant «je demande des analyses de sang et aussi ce qu’elles ont mangé pour voir comment cela influence le goût.»

Pour le moment, Miriam Simun a reçu le lait de trois femmes, deux de New York et une du Wisconsin qui lui a envoyé son lait via une banque de lait maternel. « Aux États-Unis, le lait maternel n’est pas encore réglementé et j’ai trouvé plusieurs personnes qui l’utilisaient en cuisine, mais ces gens ne veulent pas que cela s’ébruite. Cela reste tabou», souligne la femme qui n’a pas trouvé de fromager pour confectionner son fromage. « Je cherche toujours. Si un fromager est intéressé qu’il me contacte », annonce-t-elle. En attendant, c’est elle qui les fabrique. Le lait est stérilisé et mélangé à 50% avec du lait de chèvre ou de vache. Son objectif est d’en produire un uniquement composé de lait maternel. Et aussi un de lait maternel montréalais. Avis aux amatrices.

Une dégustation est offerte au public par Le Sensorium le samedi 10 septembre à 18h au café Kafein: 1429 Rue Bishop à Montréal