BloguesHugo Prévost

Ouf

Ouf, c’est un peu le bruit de l’air qui quitte vos poumons après avoir reçu un coup de poing en plein plexus solaire. Vous vous retrouvez là, plié en deux, le souffle coupé, soudainement très conscient d’une certaine fragilité de l’être. Il est arrivé un peu la même chose, cette semaine, lorsqu’une série de fermetures, disparitions et autres barouds d’honneur a été annoncée dans le secteur québécois des médias. Voir Saguenay/Alma, Voir Mauricie, Hour Community, Nightlife Magazine, les sites de Rogers… la vague fait mal, et viens surtout estropier cette presse alternative, différente des grands médias traditionnels.

Bien entendu, ces médias n’étaient pas parfaits, loin de là. Prenons les sites Internet de Rogers, par exemple. On retrouve, dans le lot, Branchez-Vous!, Showbizz.net, Jouez.com et plusieurs autres. Beaucoup de bonnes et de mauvaises choses ont été dites sur ces sites web que l’on consulte souvent en passant, en y restant quelques minutes pour lire un texte, survoler une dépêche, ou encore se plonger dans une critique de spectacle, par exemple. Si certains parlaient d’ « usine à saucisses », surtout dans le cas de textes repiqués sans en indiquer la source, il n’en reste pas moins que des journalistes ont perdu leur emploi, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle dans notre petit milieu.

Peu importe si Rogers parle de « recentrer ses produits autour de ses principales marques et plateformes », j’ai bien l’impression qu’une certaine baisse de revenus publicitaires est en cause. Ou que les publicités sur ces sites ne rapportaient pas assez aux yeux du géant des télécommunications. La maison-mère BV Media, spécialisée dans le placement publicitaire, reste d’ailleurs bien en place. Rogers aurait-il dépensé 25 millions $ en 2010 pour se payer uniquement une boîte de pub? Si tel est le cas, c’est bien dommage.

L’ancien dirigeant de Branchez-Vous !, Patrick Pierra, a de son côté fait sourire, intentionnellement ou non, dans un texte publié sur le site Internet d’Infopresse. Déclarant que « les marques numériques n’ont pas la même longévité que les analogiques », M. Pierra explique que les sites fermés ne pouvaient pas se décliner en magazines ou en émissions de télévision. Amère ironie du sort, Branchez-Vous ! a pourtant commencé sous la forme d’un magazine papier, puis d’une émission de télé, avant de passer au web. Les temps changent…

Côté revenus publicitaires, toujours, je ne serais pas surpris si l’arrivée en scène du Huffington Post Québec n’est pas pour quelque chose dans cette disparition des huit sites de Rogers. Chaque entreprise occupait sensiblement le même créneau sur le web, et Rogers aura peut-être décidé de retirer ses billes pour se concentrer sur ses autres marques et plateformes, comme son magazine L’Actualité, qui profite d’une bonne visibilité sur Internet.

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Triste nouvelle aussi du côté du Voir, qui doit lui aussi plier l’échine devant le départ des publicitaires. Adieu, donc, à deux des éditions papier de cet hebdomadaire culturel, et à celle du Hour Community, pour sensiblement les mêmes raisons. Si le tout continuera à se retrouver sur le web, des gens perdent là aussi leur boulot, parfois en se retrouvant sans assurance-chômage, n’ayant été que des pigistes tout au long de leur carrière. On le constate, les temps sont durs pour le journalisme « alternatif », celui qui sort des sentiers battus. Surtout pour ce type de journalisme offert gratuitement sur papier ou sur Internet. Avec des revenus publicitaires dérisoires en ligne pour le Voir – cinq dollars des 1000 clics – l’hebdomadaire doit trouver les moyens d’assurer sa survie. D’autant plus que, bon sang, c’est exactement le genre de couverture indépendante et différente dont on ne devrait pas pouvoir se passer, que ce soit dans le milieu culturel ou ailleurs.

Si les médias traditionnels ont leur place, occuper l’espace journalistique périphérique ne devrait pas relever de l’ascension de l’Everest.

À quand une campagne de levée de fonds pour Voir et les autres publications du même genre ? Je serais prêt à mettre cinq dollars. Par 1000 clics.