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Charest, dégage ! (svp)

M. Jean J. Charest,

Vous êtes Premier ministre du Québec depuis le 14 avril 2003. Mais jamais nous nous sommes tant sentis abandonnés par un Premier ministre qu’aujourd’hui, devant cette grève étudiante que vous refusez même de nommer et surtout de régler, ce qui en a fait une crise sociale sous-traitée par les tribunaux et les administrations des Collèges et Universités. Les négos tardives qui viennent d’être lancées et qui incluent toutes les associations, y compris la CLASSE (pourquoi les avoir éjecté des négos il y a deux semaines, si on les réintègre sans conditions maintenant ?), ne semblent que servir à désamorcer le Conseil général de votre parti qui se tient cette fin de semaine (1).  Autre preuve que vous confondez sans cesse votre rôle de chef du Parti libéral (celui-là semble très bien assumé) avec celui de Premier ministre du Québec. Le fait que vous ayez été rémunéré de nombreuses années par votre parti à raison de 75 000$ par année en supplément de votre salaire de Premier ministre illustre à merveille que cette confusion des rôles vous habite depuis longtemps.

Mais après 12 semaines de grève, par votre négligence comme par votre entêtement calculé, vous avez laissé une situation pourrir dangereusement. Depuis plusieurs semaines déjà, des leaders étudiants élus tiennent sur la place publique, lorsqu’on veut bien les écouter, un discours rationnel, argumenté, soutenu, qui ratisse large et soulève d’excellentes questions quant aux priorités et modes de gestion de votre gouvernement. Par exemple : Pourquoi exiger plus de la part des étudiants et de leurs familles pendant que de nombreuses preuves sont faites de la mauvaise gestion des fonds publics et des universités, sans compter les nombreuses «affaires» qui plombent la légitimité même du gouverne et ment Charest ? Celui-ci ne répond à ce discours qu’en posant des conditions, en martelant des slogans («50 cents par jour»…) ou en matraquant les sympathisants pacifiques des étudiants.

M. Charest, votre gouvernement a depuis le début de cette crise, refusé de dialoguer rationnellement et de bonne foi avec le milieu de l’éducation. J’espère que vous êtes aujourd’hui en «mode solution» et non «opération de relation publique»… ET pire encore, votre gouvernement semble vouloir envoyer le message que les seuls arguments valables dans ce débat sont ceux véhiculés par de jeunes gens capables de se payer des services juridiques dispendieux pour «rentrer en classe»… Et dans quelles conditions?

Chaque jour depuis le 1er mai, le Collège de Maisonneuve où j’enseigne connaît un affrontement qui risque fort de devenir violent et pathétique dans le contexte où il est soumis à une injonction ordonnant la reprise des cours pour 16 étudiants. Je n’en veux pas vraiment aux étudiants «requérants», je les vois eux aussi comme des victimes de votre mauvaise foi. Pendant que vous vous déchargiez de vos responsabilités sur des milieux de travail et d’enseignement déjà précarisés par vos coupures budgétaires annoncées sans préavis entre 2010 et 2012, nous avons, au Collège de Maisonneuve, jusqu’ici évité le pire. Et ce grâce à la perspicacité de la Direction du Collège, de son personnel et de ses étudiants, qui ENSEMBLE ont été capables de maintenir une conversation, un dialogue, pour réduire les tensions, créer des espaces de réconciliation, résoudre des crises, éviter les trop grands débordements. Ces véritables exploits de la part de l’ensemble du personnel du Collège ont été réalisés dans le contexte d’une crise qui ne peut être résolue que par une négociation politique. C’est d’ailleurs ce que notre Conseil d’administration a affirmé lors de sa réunion du 30 avril dernier.

M. Charest, la crise actuelle ne se résoudra pas à coups d’injonction. Celles-ci ne répondent qu’à des exigences individuelles, qu’elles soient justifiées ou non ne nous intéresse pas ici. Il suffit juste de rappeler que ce ne sont pas tous nos étudiants qui pourront retourner en classe grâce à une injonction.

C’est dans cette optique d’absence de volonté sérieuse de résorber cette crise que les professeurs du Collège de Maisonneuve ont réclamé le 27 avril dernier, en assemblée générale, votre démission à titre de responsable de la Jeunesse au gouvernement et à titre de Premier ministre du Québec. Nous avons conclu que la même irresponsabilité et le même discrédit s’appliquait à votre ministre de l’Éducation, des Loisirs et des Sports, Line Beauchamp. C’est pourquoi nous l’enjoignions également à remettre sa démission.

Je me joints à eux personnellement.

Bien envoyé à vous, sans cordialité nécessaire,

Jean-Félix Chénier, professeur de science politique, Collège de Maisonneuve.

 

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(1) Une collègue m’a fait remarquer que les grandes centrales syndicales (CSN, CSQ, FTQ) qui ont des employés syndiqués dans les institutions touchées par la grève étudiante sont présentes aux négos en cours. Ce pourrait être un présage à une solution négociée. Les centrales syndicales ont l’habitude des négociations (donc des compromis à faire pour dénouer une impasse) et elles seront écoutées par les dirigeants et porte-parole des assos…  À suivre.