Je viens de lire ce billet de Pascal Henrard, blogueur pour Urbania et il me rappelle un propos que je tenais sur la version vintage de mon propre blogue en décembre 2009. Propos malheureusement toujours actuel, que je me permets d’actualiser ici…
Il s’agit du problème à la fois éthique et politique engendré par les médias de masse qui publient, nomment, diffusent et alimentent la notoriété de tous ces tueurs et tireurs fous qui sévissent à intervalles réguliers et qui agissent en grande partie pour «devenir quelqu’un» ou exister médiatiquement dans cette société où l’anonymat semble une tragédie et où la mise en scène de notre propre individualité est devenue la norme, particulièrement sur le web à travers les médias sociaux…
Cette dérive de plusieurs médias qui jouent le jeu de ces tueurs et favorisent la création d’émules et de fans qui basculeront eux aussi dans la folie meurtrière parce que leur geste passe maintenant à l’histoire, ce qui donne un sens à leur folie, doit être remise en question. Pourquoi n’y a-t-il pas davantage de journalistes et de Directeurs de publications qui interviennent pour questionner le fait de rendre public le nom de ces tueurs, leurs photos, leurs vidéos ou sites web, ce qui finit par accomplir une large part de ce qu’ils souhaitent en accomplissant leur violence aveugle?!
De mon côté, à chaque commémoration du massacre de Polytechnique, je tiens à ce que l’on rappelle le nom des 14 filles tuées ce 6 décembre 1989. Il me semble en tout cas que les médias et la société devraient changer leur façon d’aborder des événements comme ceux-là…
Car à chaque fois qu’il y a une tuerie, les divers journaux et les réseaux de nouvelles mentionnent le nom du tueur de façon répétée, comme un leitmotiv agressant pour moi et pour les proches des victimes… Ce fût encore le cas cette année avec le démembreur de Montréal, où certains journalistes en ont fait l’événement médiatique de l’année! Ce qui a dû faire jubiler le crisse de malade qui ne cherchait que cette médiatisation de sa propre personne… J’ai constaté le même problème avec la tragédie de Dawson où le nom et les photos du tueur nous ont été bombardés pendant des jours, jusqu’à devenir quasiment pornographique.
Il me semble que nous devrions nous imposer une retenue saine et nous empêcher de diffuser le nom et les photos de ces tueurs. Car une des motivations de ces tueurs est de devenir, même malgré leur mort, des « vedettes médiatiques ». Ils entretiennent eux-mêmes une page web, se mettent en scène, recherchent une théâtralité dans leurs actes, et les médias participent et renforcent leurs ambitions macabres…
On devrait en conclure que la médiatisation (donner leur nom et publier leur photo) de ces fous pousse d’autres individus à commettre de tels actes. Bien sûr, il nous sera toujours difficile, voire impossible d’empêcher la diffusion de telles infos, mais un appel à la responsabilité sociale et au respect des victimes devrait nous inciter à faire en sorte que ces tueurs restent anonymes… Une bonne part de ce qu’ils recherchent – la gloire qui donne un sens à leurs actes – serait alors dévalorisée plutôt que maladivement entretenue…
Pour aller plus loin sur le sujet, il vous faut absolument lire ce billet brillant, qui touche aux sujets abordés dans mes cours. Remarquez que les auteurs ne nomment jamais le tireur de Newton…
http://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-de-philo/368208/apres-newtown-retour-a-hobbes
Il faut lire ce texte: http://www.ledevoir.com/culture/television/368666/radio-canada-va-commettre-une-erreur