Action terroriste socialement acceptable (ATSA) : Place publique?
Je pense que

Action terroriste socialement acceptable (ATSA) : Place publique?

Annie Roy, de l’Action terroriste socialement acceptable (ATSA), nous adresse une réflexion sur la place Émilie-Gamelin, les sans-abri et le Quartier des spectacles…

Jusqu’au 27 novembre, l’ATSA persévère et présente Fin novembre, une installation vidéo participative et des rencontres solidaires et festives sur la place Émilie-Gamelin. Allez-y voir, autant sur les lieux mêmes que sur le site Internet de l’ATSA, une proposition artistique et solidaire qui s’imprègne de ce qu’on y a vécu mais aussi qui va de l’avant! Pourquoi Fin novembre? Parce que ce nom rappelle le rendez-vous de chaque fin novembre avec les événements État d’urgence sur cette même place, pendant 12 années.

Quelques chiffres pour illustrer ces événements. En 34 jours, État d’urgence (2004 à 2010) a pu offrir gratuitement plus de 32 200 repas, 65 nuitées à 250 personnes par nuit, et compter sur l’aide de 2238 bénévoles totalisant 8952 heures de travail. Et puis il y a eu les téléphones pour boucler le projet, pour trouver des commandites et des dons, appels qui représentent des heures de sensibilisation à cette cause de l’exclusion sociale et de la pauvreté, ainsi qu’une programmation inspirante et inspirée par des valeurs inclusives. Cet élan solidaire nous a également permis de présenter plusieurs centaines d’artistes qui ont déployé talent et solidarité, toutes disciplines confondues, dans une ambiance vibrante et engagée. Au bout de tous ces efforts, une belle visibilité pour une cause trop souvent négligée.

Notre festival était un geste d’espoir, de création, de civisme, d’humanité. Mais le quartier change… il se nomme maintenant le Quartier des spectacles. Beaucoup d’argent y a été investi, mais l’ATSA, elle, n’a pas su en trouver pour pérenniser l’État d’urgence! On peut penser que l’argent est plus rare pour ceux qui proposent autre chose que du formaté «tourisme culturel».

On ne semble pas en trouver non plus pour les sans-abri en manque de soins et pour contraindre les revendeurs de drogue qui se multiplient. Évidemment! Où est l’argent pour plus d’intervenants sociaux dans les rues, pour de la médiation sociale, pour un centre de dégrisement qui prendra encore combien de temps à s’implanter, alors que la situation est urgente? Tellement de temps que les résidents du quartier auront amplement le temps de produire nombre de pétitions pour appuyer une certaine volonté de nettoyage social, et comment leur en vouloir! Mais si les différents paliers de gouvernement s’en occupaient – et en premier lieu la Ville –, la «nuisance» serait tolérable et on pourrait cohabiter. Idem à Occupons Montréal, une autre occasion de constater que la Ville est inopérante dans la gestion de ses sans-abri, les gens d’Occupons Montréal étant contraints de le faire et de noyer leurs énergies et leur message. C’est fort probablement ce qui va les arrêter, la Ville compte là-dessus…

Bientôt, Warner Brothers viendra occuper davantage d’espace Place Dupuis, et veut «participer» à la programmation de la place Émilie-Gamelin… du Quartier des spectacles. Oh, l’attrait de l’investissement! Les artistes locaux qui veulent proposer une diversité événementielle à Montréal, des événements qui ne disent pas toujours que le monde est une grande fête et que la vie est donc belle et fine avec tout le monde, auront-ils leur place? Feront-ils le poids? Leur demandera-t-on en priorité et directement ce que sont leurs projets, leur donnera-t-on de vrais budgets, sécurisera-t-on leur parole ou c’est la Warner qui, avec ses gros bidous, viendra nous dire quel type d’art a droit de cité? Où s’en ira notre manière toute montréalaise de dire les choses? Le Quartier des spectacles défendra-t-il ses artistes locaux en leur faisant une place selon leur démarche ou établira-t-il son monopole de programmation selon son propre diktat?

On est en droit de s’inquiéter et de se poser ces questions. Est-il plus facile de travailler avec des firmes qui répondent à un appel d’offres balisé d’avance?

Tout en acceptant que la Ville ait mandaté le Partenariat du Quartier des spectacles pour «gérer» culturellement ce territoire, nous pensons qu’il est de son devoir de s’assurer de prioriser les organismes culturels qui œuvrent dans le quartier depuis longtemps, afin de soutenir le milieu artistique et la création et de protéger la diversité culturelle événementielle, en mettant entre autres de grosses balises à la Warner. Au nom de l’Art et de sa diversité, nous lui demandons de faire fleurir les démarches innovantes des créateurs d’ici en consolidant leur financement et en leur offrant des lieux de diffusion dans le cœur de la ville, comme la place Émilie-Gamelin.

Pour sa part, l’ATSA s’engage à continuer de produire une programmation critique du monde dans lequel on vit tout en étant pacifique, rassembleuse et festive, son but étant d’inviter le grand public à vivre une expérience culturelle engagée, toujours vers plus de justice sociale et de respect de l’environnement.

Bienvenue à Fin novembre qui vous donne peut-être aussi rendez-vous l’année prochaine!

 

-Annie Roy