Redevances sur les ressources naturelles au Québec : Pauvres de nos richesses
Je pense que

Redevances sur les ressources naturelles au Québec : Pauvres de nos richesses

Le réalisateur de La règle d’or, un documentaire montrant les conséquences de l’exploitation minière pour les habitants de Malartic, nous donne son point de vue sur une industrie de plus en plus contestée.

L’indignation a choisi son camp. Des voix s’élèvent chez les artistes, les écrivains, les chercheurs et penseurs, même les banquiers. Tous et toutes pointent du doigt l’aveuglement immoral d’un système économique fondé sur l’accumulation des richesses par un petit nombre de profitants. Pendant qu’on rêve en trois couleurs sur nos écrans géants, les minières planifient le pillage de notre sous-sol, le gaz de schiste crevasse les régions et le Plan Nord risque de mettre de côté, histoire de répéter l’histoire, les autochtones.

Redevances minables

Faudra-t-il attendre que les ponts s’écroulent pour que le gouvernement décide de réclamer notre juste part? Depuis John Locke, la terre appartient à celui qui l’utilise, qui en tire des fruits. Le problème, c’est que de l’or ou de l’uranium, ça ne pousse pas comme des pommes. Quand les trous peupleront nos paysages, il n’y aura que les déchets miniers pour les remplir.

Dans les régions minéralisables – mot latent pour dire «qui deviendront misérables» –, après la mine, point de salut. Les communautés locales, qui accueillent souvent avec trop de bienveillance les compagnies, se retrouvent sans aucun avenir quand ces dernières quittent le territoire dépouillé. Il me semble qu’avec quelques milliards en poche, il existe des moyens d’assurer un futur plus brillant aux enfants qui naissent dans le bruit et la poussière. Une ville comme Malartic devrait recevoir directement des redevances qui lui permettraient de bâtir dès maintenant des projets structurants. Elle serait ainsi en mesure d’organiser un renouveau et de retomber sur ses pattes après ce cinquième boom minier. Avec l’autonomie viennent la fierté et l’appartenance. Il faut agir dès maintenant pour éviter l’exode et le vide.

Gaz de chiffres et gaz de schiste

Partout où le profit se cache dans la terre, des conflits prennent racine. Quand ton voisin travaille pour la «compagnie» qui pollue la rivière où tes enfants se baignent, les partys barbecues sont rares. Les mégaprojets fissurent le tissu social de nos petites villes et de nos villages. La fracturation sera longue à cicatriser et elle perdurera bien longtemps après l’épuisement de la ressource. L’intimidation arrive tôt à la porte de ceux et celles qui osent mettre en doute certains aspects de la manne financière annoncée. Encore une fois, quand les néo-colonisateurs auront ramassé leurs cliques et distribué leurs claques, il ne restera que deux clans défaits pour constater les dégâts. Le retour de la convivialité doit devenir une priorité et reprendre les devants face au discours «survéhiculé» du niveau de vie à tout prix. À quoi ça sert, un ski-doo neuf quand tu peux plus éviter les méga-trous pis que t’es tout seul pour en profiter?

Plan normalisé

Toute grande révolution a d’abord un visage hideux. C’est Nietzsche qui a dit ça, je crois. Eh bien le Plan Nord doit vite être démasqué. Nous avons un territoire magnifique, presque magique et pur, qu’il nous faut mettre à l’abri des erreurs qui sont devenues des standards. Il appert que ce grand territoire nordique a été l’habitat de nos prédécesseurs amérindiens. Les visées impérialistes de notre gouvernement devraient s’arrêter là où nous aurons, une fois pour toutes, compris et admis la sagesse des pensées autochtones. Pourquoi ne pas saisir la chance d’établir un vrai dialogue? L’occasion d’innover et d’être un modèle en occupant véritablement un territoire au lieu de le spolier?

Nous sommes intoxiqués par le discours numérique. Le boom économique n’a qu’un temps. Celui d’une explosion dangereuse. À nos enfants, je souhaite tout leur temps.

– Nicolas Paquet, réalisateur du documentaire La règle d’or