Système électoral québécois : La paix sociale par la proportionnelle
Tandis que le taux de participation a été de plus en plus bas au cours des dernières années et qu’une grande partie des citoyens démontrent actuellement le mécontentement à l’égard du gouvernement en place, un collectif formé de 3 auteurs et de autres 34 signataires issus de différents milieux nous ont fait parvenir ce texte dans lequel ils proposent au Premier ministre québécois d’organiser un comité dont la mission serait notamment de rédiger un projet de loi de réforme du mode de scrutin actuel.
À la veille d’élections provinciales que le Premier ministre Charest pourrait fort bien déclencher en août, force est de constater que si la classe politique sait encore polariser les débats sociaux, elle semble impuissante à redonner confiance aux citoyens et aux citoyennes en leurs institutions démocratiques. D’élections en élections, le taux de participation est en chute libre à un point tel qu’au dernier suffrage, le nombre d’électeurs et d’électrices s’étant abstenu de voter (2,45M) était pratiquement égal à celui des votes libéraux (1,36M) et péquistes (1,14M) réunis.
Nous croyons que l’établissement d’un mode de scrutin proportionnel ainsi qu’une réforme plus large de l’ensemble des institutions démocratiques redonneraient aux citoyens et citoyennes l’impression que leur vote n’est pas vain, surtout lorsqu’il s’agit d’appuyer des partis qui ont peu de chance de gouverner à court terme.
L’avantage intrinsèque de la proportionnelle, c’est la possibilité pour les électeurs de voter selon leurs convictions profondes sans être aux prises avec des considérations stratégiques qui ne font que reconduire le système du bipartisme. La proportionnelle permet alors à d’autres partis d’entrer dans le débat politique et de mieux refléter la diversité et le pluralisme des opinions. L’obligation de forger des alliances pour former et maintenir des gouvernements conduit les différentes formations politiques à trouver les compromis nécessaires pour les prises de décision. L’écoute y est généralement plus présente et l’élaboration de politiques publiques plus mesurées a plus de chances de l’emporter.
Dans la conjoncture actuelle, où le gouvernement semble de plus en plus isolé dans son désir de museler les étudiant-e-s avec une loi spéciale, jugée anti-démocratique par plusieurs, nous sommes en droit de nous demander si ce conflit aurait autant dégénéré face à un gouvernement de coalition. Nous croyons que non. Mais nous devons composer avec un système qui fabrique des « monarques élus » qui peuvent indéfiniment faire la sourde oreille aux revendications populaires. Avec l’appui d’à peine 24% des électeurs inscrits, le sentiment général de disproportion du pouvoir du Parti libéral par rapport à son appui réel dans la population prend tout son sens et explique en bonne partie le cynisme grandissant de la population face à la chose politique. Ceci explique aussi que de nombreux étudiant-e-s remettent en question la légitimité du gouvernement quand celui-ci refuse de reconnaître la légitimité du résultat des votes de grève. Nous craignons les dérives que cette situation peut entraîner.
Nous déplorons grandement le fait que le Parti Québécois, à son congrès de mai 2011, ait rayé de son programme la proportionnelle qui y était inscrite depuis sa fondation. Même chose du côté de l’Action Démocratique du Québec qui, en se fondant à la Coalition Avenir Québec, a mis cette option de côté. Au Parti libéral, dès 2003, l’ex-ministre Jacques Dupuis avait commencé à plancher sur un avant-projet de loi pour une proportionnelle, mais par un manque de volonté manifeste, l’avant-projet de loi a été mis de côté. Aujourd’hui, des partis représentés à l’Assemblée nationale, seuls Québec solidaire et Option nationale défendent le mode de scrutin proportionnel.
Nous croyons donc que le contexte de crise sociale pré-électorale est un moment privilégié pour ramener ce débat sur l’échiquier politique. Cette solution ne réglera pas la crise étudiante. Mais elle pourrait donner à tous les citoyens et citoyennes l’espoir que leurs idées soient dorénavant plus justement représentées à l’Assemblée nationale et permettrait un graduel retour de confiance des citoyens et citoyennes envers leurs institutions démocratiques.
Le rapport des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques de 2003, les mémoires, audiences et rapports de la Commision spéciale sur la loi électorale (2005-2006), le rapport du Directeur général des élections (2007) et la démarche actuelle du Mouvement pour une démocratie nouvelle contiennent tous les éléments nécessaires pouvant mener à l’élaboration rapide d’un projet de loi solide, réaliste et qui fait l’unanimité. Avec un peu de bonne volonté de part et d’autre, ce projet de loi pourrait être adopté avant les prochaines élections.
Pour toutes ces raisons, nous demandons solennellement au Premier ministre Jean Charest et à son gouvernement de confier à un comité spécial constitué d’un élu de chaque parti, de membres experts de la société civile et de membres de la société civile pigés au hasard, la rédaction d’un projet de loi de réforme du mode de scrutin le plus tôt possible, en s’inspirant des recommandations des rapports précédemment mentionnés.
Nous demandons au gouvernement du Québec de s’engager à élaborer une réforme plus large de l’ensemble des institutions démocratiques en s’inspirant des recommandations issues des mêmes rapports.
Nous demandons à la Coalition Avenir Québec et au Parti Québécois de se réapproprier cet engagement historique et à tout mettre en œuvre pour réaliser ces réformes le plus tôt possible.
Nous croyons qu’il en va de la confiance des citoyens et citoyennes envers leurs institutions démocratiques, qu’il en va de la lutte à l’abstention du vote au Québec et que cela pourra contribuer à la paix sociale.
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Les citoyens désireux d’alimenter la réflexion et les actions sur le sujet sont invités à joindre le groupe de discussion Facebook « La paix sociale par la proportionnelle ».
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Auteurs : Paul Cliche, ancien journaliste et politicologue – Frédéric Dubois, reporter et producteur – Jean-François Lessard, auteur-compositeur-interprète.
Ont aussi signé ce texte : Paul Ahmarani, comédien – Johanne Aubry, programmatrice -Claude Béland, président des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques (2002-2003) – Mark Berube, musicien et professeur – Ghislain Bouchard, indépendantiste – Isabelle Brabant, sage-femme – Jean-Pierre Charbonneau, ancien ministre responsable des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques – Ève Cournoyer, auteure-compositeure-interprète – Lucie Dagenais, syndicaliste – Alain Deneault, chercheur au Réseau pour la justice fiscale/Québec – Anaïs Détolle, étudiante au PhD en analyse socio-culturelle, Université Concordia – Bruno Dubuc, journaliste scientifique – Me Adrienne Gibson, conseillère syndicale – David Goudreault, poète et travailleur social – Lorraine Guay, infirmière et assistante de recherche Université de Montréal – Benoit Guichard, scénariste et enseignant – Jean Hamel, directeur des communications – Robert Jasmin, sociologue et juriste – Tomas Jensen, artiste – Gérald Larose, professeur d’université et président du Conseil de la souveraineté du Québec – Gilles Lessard, ingénieur à la retraite – Guillaume Lessard, professeur de mathématique au collégial – David Murray, éditeur – Gilbert Paquette, ancien ministre, professeur-chercheur et président des IPSO – Sylvie Paquette, Ph.D. théologie et chargée de cours – France Paradis, auteure et scénariste – François Richard, ing., MBA, président de la Maison nationale des Patriotes – Mercédez Roberge, conseillère spéciale du Mouvement pour une démocratie nouvelle (et présidente de 2003 à 2010)- Luc Robitaille, éducateur spécialisé – Joan Sénéchal, professeur de philosophie au collégial – Claude Vaillancourt, écrivain, enseignant et président d’ATTAC-Québec – Cory Verbauwhede, avocat – Laure Waridel, éco-sociologue et auteure- David Widgington, étudiant en grève (Concordia).
Bien entendu, toute approche qui permettrait une meilleure représentativité et qui déboucherait alors sur une meilleure gouvernance, ça mérite considération. Cette approche serait-elle la formule «proportionnelle»?
N’y connaissant pas grand-chose, et de plus peu prompt à m’emballer à l’égard de ce qui demeure incertain quant aux réels mérites qu’on pourrait en espérer, j’hésiterais beaucoup avant d’opter pour chambouler un système bourré d’imperfections au profit d’un autre qui pourrait ne pas s’avérer préférable en pratique.
Très simplement exprimé, je ne sais pas.
Néanmoins, je suis depuis toujours de l’avis qu’en bout de ligne, quelqu’un doit décider. Après avoir consulté et s’être adéquatement renseigné, préférablement. D’où l’intérêt d’un gouvernement majoritaire. Pas que je prétende qu’un gouvernement majoritaire soit l’idéal, car nous savons tous que ce n’est souvent pas le cas.
Par un curieux hasard, et sans même savoir qu’il serait justement question ici-même aujourd’hui de cette approche «proportionnelle», nous avons tôt ce matin chez moi abordé un peu le sujet de la représentativité. Et j’ai alors mentionné les exemples des gouvernements italien et israélien – et j’ignore si en Italie ou en Israël ça fonctionne selon la formule proportionnelle ou autrement. (C’est vous dire mon ignorance à propos de la politique!)
Par contre, il me semble qu’en Italie c’est depuis toujours ingouvernable. Avec des tas de petits partis et la nécessité quasi-impossible d’arriver à consensus par-dessus consensus et probablement finir par tellement diluer la sauce que ce qui aurait eu avantage à être onctueux et doux devient épicé et peu consistant côté texture une fois servi…
Et en Israël, le parti arrivant en tête (quoique par lui-même encore minoritaire) se voit souvent dans l’obligation de s’allier à de petits partis fondamentalistes pour pouvoir faire quoi que ce soit. Et du coup contraint à adopter certaines politiques ne faisant aucunement l’affaire de la majorité de l’électorat.
Le risque que je vois à ce que tout le monde se penche simultanément sur la marmite, c’est que le plat qui en sortira soit terriblement indigeste. Et que ça ne plaise alors à personne. Et pas du tout nourrissant.
Mais, je l’ai écrit dès le départ, je ne m’y entends pas. Et comme je ne suis assurément pas le seul dans cette situation, j’estime qu’il serait de la plus haute importance que de l’information très complète, sur tous les aspects de l’approche «proportionnelle», autant le pour que le contre, soit présentée de façon très claire.
Et surtout, qu’aucun changement ne se fasse dans la précipitation. Un canard boiteux valant probablement toujours mieux qu’un canard aux pattes en super forme mais incapable de voler…
(Ce sera intéressant de lire les commentaires envoyés!)
voilà pourquoi je préconiserais davantage l élection comme en France par exemple , double tour, quoique je ne sais pas si la participation au 2ieme tour est aussi importante qu’au premier.
Il faudrait adopter le système à deux tours. Au premier tour, on vote selon sa conscience, et non selon les sondages et les stratégies. Au deuxième tour, là, on élit le parti qui dirigera le Québec.
La réforme électorale est un objectif à court terme que nous devons visée.
Vos suggestions doivent être prises en considération si nous aimons la démocratie.
J’ajouterais à vos propositions une demande de faire de l’exercice démocratique plus qu’un geste posé un jour à chaque 4 ou cinq ans.
J’ajouterais des élections à date fixe.
De plus, il me semble que les fonctions et les responsabilités de la députation et de ceux qui y gravitent de près et de loin devraient être réformées.
Vous ne mentionnez pas le projet de loi 596, déposé il y a 4 jours. Est-ce que ça veut dire que vous n’en avez pas entendu parler ?
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-596-39-2.html
Le projet de loi 596 déposé par Jean-Martin Aussant propose « une composante proportionnelle », nuance importante qui permet peut-être d’éviter justement les dérapages des systèmes ingouvernables. Il faudrait sans doute voir ce qu’Option nationale propose plus concrètement.
M. Perrier
Je vais vous rassurer tout de suite: Il n’est pas question de la proportionnelle pure qui, effectivement, rend difficile les gouvernements stables ou peut donner un pouvoir disproportionné à un parti extrémiste marginal ayant la balance du pouvoir (comme en Israël).
Le système préconisé depuis Lévesque c’est la proportionnelle mixte compensatoire:
– 75 députés élus selon le mode actuel (le nombre peut différer, mais 75 permettrait de simplifier en copiant les circonscriptions des élections canadiennes)
– 50 députés élus selon le mode proportionnel (avec un minimum, ex: entre 3% et 5% pour avoir droit à un député de cette liste)
(Les nombres pourraient être un peu différents, mais vous avez ici l’idée).
Cela rendrait difficile, mais pas impossible un gouvernement majoritaire, évitant ainsi que l’exécutif (PM et ses ministres) puissent se ficher du législatif grâce à des majorités inébranlables.
Il permettrait surtout une plus grande diversité de points de vue et nous sortirait de l’infernal bipartisme en permettant à des petits partis d’être représentés. Du coup, les électeurs seraient plus portés à voter selon leur conviction au lieu de voter « stratégique » pour bloquer un des deux partis dominants (« Tout sauf… »).
Toute chose qui rendrait un peu de valeur à notre droit de vote (pratiquement le seul point démocratique de notre système et totalement dévalorisé aujourd’hui).
Merci pour vos précisions, M. Lagassé.
Cette précision est d’une grande importance, puisque le plus grand danger du système proportionnel, surtout dans un pays où le territoire est si grand relatif à la population, c’est la sous-représentation des gens qui habitent les milieux ruraux. En conservant en partie le système de circonscription, ce problème devient moins important.
Et c’est un problème important, puisque selon les statistiques du bureau des Ressources Humaines et Développement des Compétences du Canada [http://www4.rhdcc.gc.ca/[email protected]?iid=34], la proportion des Québécois vivant en milieu urbain est de 80%. Sans aucun doute, le chiffre est assez important pour élire un gouvernement majoritaire sans aucune aide des gens vivants en région.
Dans un scrutin mixte, pourquoi ne pas utiliser un système préférentiel pour le vote dans la circonscription? Ceci élimine le besoin de voter stratégiquement pour son député local. Le principe est que l’électeur done un ordre de préférence aux candidats. Si en compilant (ne tenant compte que du candidat préféré de chaque électeur), personne n’a de majorité absolue, on élimine le candidat avec le moins de voix et tous les bulletins de ce candidat sont répartis selon le second choix des électeurs concernés. Si personne n’a de majorité encore, on élimine un autre candidat, etc. jusqu’à ce qu’un candidat ait la majorité. À titre d’exemple, ça permettrait à un électeur qui préfère, disons Québec Solidaire, mais qui a peur de voir les libéraux passer et est tenté de voter startégiquement pour le PQ de voter pour le parti QS, avec PQ en 2è choix et Libéral en dernier. Ou à quelqu’un qui veut appuyer un indépendant d’appuyer ce dernier, mais en cas d’échec, de se replier sur, disons, les Libéraux, pour qui il a toujours voté.
Aussi, pourquoi réduire le nombre de députés? Le système mixte compensatoire proposé est en essence celui qu’utilise l’allemagne et ils ont à peu près 600 représentants en chambre. On peut surement en accomoder 200 (125 + 75)
Si ça peut rehausser la représentativité, tant mieux – surtout s’il y a une majorité d’accord avec la formule.
Reste-t-il que, pour l’instant, je ne suis pas convaincu. Ayant des députés qui représentent une volonté diffuse et non géographiquement centré, comment les rendre imputables? De quel groupe fixe répondent-ils? Qui décide si c’est Amir Kadir qui rentre, ou Françoise David s’il n’y a assez de suffrages que pour un seul des deux? Quel serait le coût supplémentaire par rapport à la méthode présentement? Comment s’assurer que le vote « stratégique » n’aura pas lieu, comme vous l’indiquez? Comment s’assurer que des régions ne se feront pas « imposer » des représentants qui ne les représentent pas?
Malgré que je demeure contre cette idée, je suis ouvert à me faire convaincre – ou à plier à la majorité.
Bonjour M. Jonathan,
1 – À mon avis, un système proportionnel mixte ne présenterait pas de coût supplémentaires puisque les électeurs pourraient voter pour le candidat de leur région et pour un parti sur le même bulletin de vote.
2 – Les systèmes proportionnels fonctionnent avec des listes. C’est à dire que chaque parti fournit une liste de députés qui seront intégrés à l’assemblée nationale dans l’ordre selon le % de votes obtenu par le parti.
3 – Les députés élus de façon proportionnelle sont imputables à toute la population du Québec.
4 – Chaque vote compterait. Actuellement si vous ne votez pas pour le candidat qui gagne dans votre circonscription, votre vote va aux poubelles. Par contre, avec une système proportionnel mixte, votre vote est pris en compte dans le % de votes pour le parti de votre choix. Donc, même si votre candidat local perd, il se peut que votre parti obtienne un député quand même avec votre vote.
5 – Un système mixte permet d’élire un représentant par région (comme actuellement) ET des députés au vote proportionnel (non rattachés à une région en particulier). Chaque région aurait son député quand même.
voilà!
Bonne journée!