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Dolan vs les mononcles

Salut à toi, gars ou fille qui n’a jamais vu un film de Xavier Dolan et qui trouve le moyen de péter le party de tout le monde.

Tout d’abord, tu remarqueras que je me permets de te tutoyer parce que tsé, moi dans la vie, je trippe au fond sur Rabii Ramal.

Aussi, si ça peut te rassurer, moi aussi, je n’ai jamais vu un seul film de Xavier Dolan. Je t’avoue que c’est un peu par paresse et parce que je ne me sens pas interpellé jusqu’ici par les thèmes abordés dans ses films. Y aussi que j’ai un « backlog » pas possible de livres, de films, de jeux vidéo et de bébelles à consulter et que j’imagine qu’un jour, je me mordrai les doigts de ne pas m’être penché sur l’œuvre de Dolan avant tout ce temps. Bref, tu dois voir un peu le tableau.

Tu le sais certainement, voilà qu’au cours des derniers jours, le Québec a eu les yeux rivés sur l’ami Xavier Dolan. Le gars a littéralement triomphé au prestigieux Festival de Cannes avec son long-métrage intitulé Mommy en remportant ex aequo avec LE Godard le Prix du jury. Ici, je ne sais pas pour toi, mais vite comme ça, j’ai beau virer ça de tous les bords, je ne réussis pas à trouver une twist qui ferait en sorte que cette nouvelle puisse pourrir l’existence de qui que ce soit.

Or, tout indique que ma perception de ce qu’est une bonne nouvelle soit à revoir…  Du moins, à la lumière de ce que j’ai pu lire via tes publications et tes commentaires au cours des dernières heures sur les réseaux sociaux. Tsé, tu pourrais juste te dire que toi, tu t’en sacres de Dolan et de ses films, et que ça ne te fait pas un pli sur la poche, et tu aurais le droit. Mais non. Toi, tu as choisi de profiter d’un autre droit : celui de casser le party. Et sérieux, c’est ben correct. Je le fais des fois moi aussi. Sauf que là, faut vraiment vouloir pour trouver une raison de râler quand un gars a gagné un prix à Cannes. Qu’on se comprenne, à part les autres réalisateurs qui étaient en compétition et qui ont certainement ressenti de la déception en ne gagnant pas, je ne pense pas que le fait que Dolan ait remporté un prix va provoquer une famine quelque part, faire perdre 1000 jobs ou faire revenir Sting à la mode. Tsé des fois, faut slaquer un peu son battement d’ailes du papillon.

Mais ce qui est le plus plate dans tout ça, c’est que lorsque tu vas casser le party de quelqu’un en laissant un commentaire du genre : « Oui, mais on sait ben que si Dolan n’avait pas grandi dans une famille d’artistes… » ou « Oui, mais Dolan, il est chiant » et surtout « Ça ne change rien au fait que ses films ont l’air plates », y a une grosse gang de personnes qui pensent subitement la même affaire que moi. Pis cette même affaire-là que moi, ça ressemble à « Eh boboy, ce gars-là doit voir la vie en gris foncé. C’est soit ça ou bedon, il se projette dans Dolan et il réalise que jusqu’ici, il n’a pas encore accompli ce qu’il rêvait de faire et de voir un kid qui pue la liberté et la jeunesse comme ça se tailler une place dans le monde, ça lui remet raide sa trentaine avancée dans la face. »

Reste que ça fait un peu mon affaire parce que grâce à toi, j’ai enfin réussi, après toutes ces années, à mettre le doigt sur ce qui distingue les mononcles et les matantes du reste de la planète. En fait, je savais depuis longtemps que ça avait zéro rapport avec l’âge que tu as et que tout ça se passe dans la tête. Mais maintenant, je sais qu’être mononcle ou matante, c’est de voir la jeunesse et tout ce qui s’y rattache comme une menace et non comme une force qui inspire. Tsé, y a rien de gênant à voir quelqu’un de plus jeune que toi réussir quelque chose. Le pire qui va t’arriver, c’est que les plus jeunes vont t’amener un autre point de vue pis la prochaine fois, c’est peut-être toi qui va scorer.

Faque c’est ça. Tsé, t’as le droit de pas aimer les films de Dolan, t’as le droit d’haïr Dolan, t’as le droit de t’en sacrer, mais t’as aussi le droit de t’afficher en tant que mononcle ou matante.

C’est ça la liberté après tout.