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Legault & Sirois: les grands «réconciliateurs»?

 

 

Ça y est. La Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) de François Legault et Charles Sirois est lancée. Voir: http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201102/21/01-4372413-legault-lance-son-mouvement.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS2

Son site web est au: http://www.coalitionavenir.org/

Le texte de son manifeste est au: http://www.coalitionavenir.org/files/Version%20finale%20texte%2021-02-2011-1.pdf

Pour ceux et celles que ça intéresse, je vous laisse le lire… Bien entendu, j'y reviendrai cette semaine dans le cadre de ma chronique…

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Disons néanmoins tout de go que les deux hommes proposent un «dialogue» avec les Québécois et que leur ambition est grande. Très grande.

Soit ouvrir un «dialogue» visant à produire un «plan d'action» apte à rallier une «majorité» de Québécois d'ici la fin de 2011. Le tout ouvrant possiblement à la création d'un parti politique en bonne et due forme.

Sur Twitter et sous toutes réserves, le député péquiste Scott McKay écrivait d'ailleurs quà sa connaissance, M. Legault aurait commencé à «recruter des candidats».

«Réconcilier & «rassembler»

Mais leur thème dominant – et on s'en doutait bien – est de «réconcilier» et de «rassembler» «les deux grandes familles politiques du Québec», soit les Québécois souverainistes et fédéralistes, de gauche et de droite, au-delà des appartenances de toutes autres espèces, etc…

Ce qui ramène d'ailleurs le souvenir de l'obsession qu'avait Lucien Bouchard, lorsqu'il était premier ministre, pour la création de «consensus»… aussi artificiels furent-ils souvent et aussi imposés par lui-même qu'ils furent aussi également…

Mais bon, au-delà du manifeste où les généralités sont servies généreusement avec quelques bonnes pointes de «tarte aux pommes» politique – et où la liste de signataires ressemble plus à une équipe «B» qu'à un tableau d'honneur -, force est de constater que la «réconciliation», elle, semble pencher pas mal d'un seul côté.

Du moins, c'est ce qu'on en a compris des réponses données par les deux hommes lors de la période questions de ce matin.

S'occuper des «vraies» affaires…

Un exemple parmi d'autres, mais assez fondamental, merci: la question nationale.

L'ex-ministre péquiste François Legault s'y est dit «nationaliste» et non plus «souverainiste». Sur cette question, il n'aura jamais été aussi clair. Disant que l'option souverainiste est toujours «légitime», mais qu'il ne répond plus à la «définition» de ce qu'est un «souverainiste»

Ce qui est, doit-on même le dire, de son droit le plus strict.

Mais on en comprend d'autant mieux pourquoi Charles Sirois, un proche de Jean Charest et ex-recruteur du PLQ, a accepté de s'associer à M. Legault dans ce nouveau «projet» politique.

La «clé» de cette association entre ces deux hommes d'affaires – ce qui l'a rendue possible -, on la trouve en fait dans ce passage révélateur du manifeste de la CAQ.

Le lire attentivement, c'est mesurer à quel point chaque mot y fut pesé et soupesé:

«Il faut sortir du déni et prendre acte de l'état des lieux au plan constitutionnel. À moins d'événements que rien ne laisse présager, ni un renouvellement constitutionnel qui satisferait une majorité de Québécois, ni la souveraineté n'adviendront dans un avenir prévisible. Cela dit, même si le statut constitutionnel d'un État est important, ce n'est pas le seul déterminant de son avenir. Le cul-de-sac de la question nationale ne doit donc pas nous empêcher d'offrir à ceux qui nous suivront un Québec dynamique et prospère, toujours maître de son destin.»

Or, si l'on décortique ce passage-clé, on y comprend les éléments suivants:

Primo: comme beaucoup d'autres, Legault & Sirois font le constat de l'impasse constitutionnelle qui perdure.

Secundo: en affirmant que «ni un renouvellement constitutionnel qui satisferait une majorité de Québécois, ni la souveraineté n'adviendront dans un avenir prévisible», ils avancent que le Québec ne pourrait plus aspirer ni à l'indépendance, ni à un fédéralisme répondant aux besoins du Québec.

Tertio: en concluant que «même si le statut constitutionnel d'un État est important, ce n'est pas le seul déterminant de son avenir. Le cul-de-sac de la question nationale ne doit donc pas nous empêcher d'offrir à ceux qui nous suivront un Québec dynamique et prospère, toujours maître de son destin.», les deux hommes avancent en fait que le développement du Québec ne serait aucunement tributaire de son statut constitutionnel et de son rapport politique avec Ottawa et le ROC… Avouons que c'est quelque chose.

Or, comme je l'ai déjà écrit sur ce blogue l'automne dernier lors de la genèse de ce nouveau groupe: ne favoriser ni la souveraineté, ni des demandes constitutionnelles à l'intérieur du cadre canadien, revient à avaliser le statut quo. Et donc, le fédéralisme canadien tel qu'il est. Point. Pour ou contre cette position, il est néanmoins impossible de nier qu'elle est bel et bien celle du manifeste de la CAQ.

Maintenant, quelle est la différence entre ce passage-clé du manifeste de la CAQ et la position actuelle du PLC, du PLQ, ou même du Parti conservateur pour lesquels le «fruit» d'un fédéralisme renouvelé n'est jamais «mûr»? En fait, aucune.

D'aucuns se demanderont également s'il existe même une différence entre ce passage et, par exemple, un Jean Chrétien qui n'avait de cesse de répéter que la «constitution», ce n'était plus important et que ça n'empêche aucunement de s'occuper des «vraies» affaires?…

Bref, sur la question nationale, ce manifeste favorise clairement le statu quo constitutionnel. Et donc, le cadre fédéral actuel. Ce qui, on en conviendra, a le mérite d'être clair.

Alors, dans un tel contexte, la question se pose: de quel «nationalisme» M, Legault, parle-t-il au juste?

Et ceci expliquant cela…

Encore une fois, ce choix fait par les signataires du manifeste explique en bonne partie la présence d'un Charles Sirois de même que celle de l'ancien recteur de l'Université de Sherbrooke, Bruno-Marie Béchard Marinier, aussi un ancien candidat du PLC.

Même chose pour l'ex-député péquiste, Jean-François Simard qui, en 2009, signait dans La Presse, un texte (2) où il disait constater que «le nationalisme québécois est depuis quelques années entré dans une nouvelle phase: celle de l'accommodement» (…) Or, si les Québécois ont majoritairement choisi la voie de l'accommodement, c'est peut-être parce que leur rapport au Canada a considérablement évolué et qu'ils ne se sentent plus ni colonisés ni opprimés. En ce sens, la Révolution tranquille donne aujourd'hui sa pleine mesure.»

Et, tout cela aide probablement aussi à comprendre pourquoi, du moins en partie, un Joseph Facal a finalement choisi de ne pas se joindre à ce nouveau «mouvement».

En attendant les idées…

Sur les autres aspects du manifeste, si les détails et les idées-force y sont rares (*), on y lit par contre entre les lignes que le duo Legault-Sirois, comme les Lucides et le gouvernement, favorise une hausse possiblement substantielle des frais de scolarité. Bref, ce texte qui se veut «réconciliateur» penche encore plus d'un côté du spectre idéologique que de l'autre.

(*) Ce nouveau groupe dit attendre les suggestions des Québécois pour «bonifier» ce qu'il présente pourtant comme son «texte fondateur» à l'aide de son site web, d'une tournée éventuelle du Québec et de quatre autres textes promis pour les prochaines semaines.

Comme je le fais dans ma chronique courante intitulée justement «Le bien commun» (1), le manifeste parle de défendre ce dernier et messieurs Legault et Sirois y ont fait référence à plusieurs reprises en point de presse. Le problème, par contre, est que le manfeste ne dit mot, entre autres choses, sur la privatisation croissante des soins de santé ou la question cruciale des ressources naturelles.

Le manifeste propose de bonifier les salaires des enseignants, mais ne dit mot des ressources humaines et financières déficientes dans plusieurs écoles, surtout publiques.

Sur la protection du français, le manifeste fait de jolies bulles mais ne propose rien de concret. (En point de presse, M. Legault s'est aussi dit en désaccord sur l'étendue de la Loi 101 aux cégeps.)

Sur la corruption, le manifeste propose de «faire la lumière», mais ne dit pas comment.

Sur le milieu des affaires, on lit entre les lignes du manifeste qu'on y favorise d'autres baisses d'impôts pour les entreprises. On comprend mieux pourquoi dans ce groupe qui se présente pourtant comme une «coalition» et ce, pour reprendre une question posée aux deux hommes en point de presse, il n'y a aucune personne issue des milieux syndicaux ou communautaires…

Une observation intéressante, par contre: ayant vu de nombreux sièges sociaux de grandes entreprises quitter et achetés par des compagnies étrangères, le manifeste parle de la nécessité pour l'État d'agir pour aider à conserver au Québec les centre décisionnels importants. (On voit ici plus l'influence de M. Legault qui, à lorsqu'il s'occupait à l'opposition péquiste du dossier de la Caisse de dépôt et placement du Québec, exprimait la même position.)

Mais, oups… Bémol pendant le point de presse. Un journaliste demande à Charles Sirois, aussi président du conseil de la CIBC, s'il favorise ou non la continuation de l'existence de l'Autorité des marchés financiers? Réponse: «je n'ai pas d'opinion précise là-dessus»…. Re-oups… 

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(1) http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2011/02/16/le-bien-commun.aspx

(2) http://www.cyberpresse.ca/place-publique/opinions/la-presse/200907/08/01-882154-le-nationalisme-daccommodement.php

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Photo: source: Youtube