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Pendant ce temps, du côté d’Ottawa…

La chose est maintenant entendue et documentée – la «sous-traitance» croissante de nombreux services publics au privé par le gouvernement Charest aura dangereusement contribué à l’affaiblissement des fonctions de l’État en canibalisant autant l’expertise que l’indépendance de sa fonction publique.

Ceux et celles qui me lisent régulièrement savent ce que je fais l’analyse de ce phénomène depuis son amorce.

Et un des symptômes de ce phénomène est l’accroissement des pratiques de collusion, de corruption et copinage.

Or, le gouvernement Charest, s’il a définitivement le pied sur l’accélérateur dans le département de la privatisation, aura également été précédé dans cette vision des choses par un certain Lucien Bouchard lorsqu’il fut lui-même premier ministre.

Et, à la base de ce glissement vers le privé, on retrouve inexorablement des compressions budgétaires taillées sur mesure pour diminuer la capacité de l’État à assumer certaines de ses reponsabilités…

Et comme la nature a horreur du vide, le privé se précipite bien entendu pour le combler.

Voici d’ailleurs en quels termes, dans ma chronique «Un marché de dupes» du 24 févr. 2010,  je faisais état de cette même approche:

«Dans une de ses chroniques au New York Times – lequel n’est pourtant pas un repaire de dangereux socialistes -, le réputé économiste Paul Krugman expliquait comment depuis les années Reagan, le discours des Républicains et de l’intelligentsia conservatrice s’est propagé aux États-Unis. Ce qui allait déborder sur l’Occident. L’objectif: affaiblir les États providence.

Leur stratégie fut baptisée « affamer la bête« . Elle commence par une réduction d’impôts – un geste toujours populaire. Puis, les revenus de l’État étant diminués, à la moindre crisette, le déficit augmente ou réapparaît. Les gouvernements se disent alors « forcés » de couper les services publics. Et une fois qu’on a bien « affamé la bête » étatique en baissant les impôts souvent au bénéfice des entreprises et des mieux nantis, ils coupent dans les services publics pour retrouver un équilibre budgétaire qu’ils ont détruit eux-mêmes.

C’est précisément ce qui s’est passé à Québec et à Ottawa.

Maintenant, avec le discours catastrophiste ambiant du genre « on fonce sur un mur! » ou « le Québec dans le rouge! » -, on s’apprête aussi à demander au bon peuple de payer plus en tarifs plutôt que de revenir à une fiscalité plus équitable.

Et pourquoi tout cela? Principalement parce que moins de services publics permet d’élargir en contrepartie la place du privé. Regardez bien ce qui se passe en santé et en éducation depuis le déficit zéro du même Lucien Bouchard. Le privé ne cesse de prendre de l’expansion.»

Le tout, à son tour, ouvre la porte à des manquements éthiques possiblement majeurs.

Non sans suprise, maintenant que son gouvernement est enfin majoritaire, «affamer la bête» pour mieux sous-traiter au privé est précisément ce que le premier ministre ultraconservateur Stephen Harper amorce comme mouvement.

Dans Le Devoir de ce matin, ma collègue Manon Cornellier en fait une analyse percutante:

http://www.ledevoir.com/politique/canada/332366/un-etat-ratatine

Et parions qu’à l’instar du PLQ, le Parti conservateur du Canada – dont les coffres débordent pourtant déjà – n’en seront que mieux garnis encore.

C’est ce qui arrive habituellement lorsqu’un gouvernement «donne» beaucoup de contrats au privé. Le privé, à son tour, finit bien par trouver le moyen de «donner» discrètement au parti qui est au pouvoir.

On appelle ça de la «reconnaissance»…

(*) Je reviendrai sur la comparution de Jacques Duchesneau

en commission parlementaire dans ma chronique de la semaine (en ligne cet après-midi et en kiosque dès ce jeudi).