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La grève générale du 14 novembre à Madrid : le compte-rendu de R., qui vit là-bas

 

Dans cet article, je fais une entrevue avec R., une personne québécoise vivant maintenant à Madrid depuis quelques temps sur la journée de grève générale qui s’est produite en Espagne mercredi dernier le 14 novembre pour protester contre les mesures d’austérité. La chose est publiée sans tambours ni trompettes, pour ne pas allonger trop le texte. Si quelqu’un.e se sent à l’aise pour faire une compte-rendu plus macro, large de la grève générale de la semaine dernière, envoyez vos mots en commentaires !

Voir cet article de Libération pour un aperçu journalistique de la chose : http://www.liberation.fr/depeches/2012/11/14/journee-de-colere-en-europe-contre-l-austerite_860295

La toile des luttes

Hum, hier a été une journée mouvementée. Et la toile de luttes qu’il y a ici à Madrid est large, complexe et très entrelacée. Hier a été une journée très très violente en tout cas. Il y a eu près de 180 arrestations ici et 70 personnes ont été blessées par la police (et vice-versa). La majorité durant les piquets de grève de la matinée, et pas seulement hier soir en face du congrès. Soit dit en passant, en face du congrès, ça a durement brassé. Après ces grandes charges, ça a été la guerre urbaine, enfin. Les grèves générales sont vraiment des grèves générales, de toutes les activités, de tous les secteurs. Il y avait 3 grandes manifs, et plein de spontanées. Une de la CNT (Confédération nationale du travail, anarcho-syndicaliste), qui allait jusqu’à Vallecas, un quartier ouvrier entièrement et ouvertement anti-fasciste, une des autres syndicats de combat et groupes « alternatifs », qui terminait en face du congrès, où c’est illégal de manifester depuis l’élection du PP, et une des grands syndicats et partis communistes et partis de gauche, qui a été GIGANTESQUE.

 

En ce moment, je crois que 16 centres hospitaliers sont occupés, ni plus ni moins, par les travailleurs et travailleuses pour empêcher la privatisation totale du secteur de la santé. Ça fait déjà presque deux semaines qu’ils occupent. Les journaux en parlent pas trop. Le centre de cette lutte c’est el Hospital La princesa, situé dans le quartier riche, genre Westmount, de Salamanca, el barrio de Salamanca, du nom d’un marquis important, ou quelque chose du genre. En parallèle de ces luttes pour la santé publique, y’a la mobilisation étudiante et la lutte contre les « desahucios », les expulsions de logement pour impago de hipoteca (hypothèques impayées). C’est le bordel par rapport à ça, y’a environ 300 saisie par les banques par jour dans le pays, et les gens se mobilisent et se battent pour empêcher les huissiers, protégés par la police, de passer.

 

Depuis fin septembre, je suis impliqué dans un CSOA, Centro social ocupado autogestionado, un squat, dans le quartier. Là se réunissent tous les groupes de résistance de Madrid ou presque. Entre autres, la Plataforma de desobediencia civil, la PAH (Plataforma de Afectados por la Hipoteca, Plate-forme des Affectés par l’Hypothèque), et la Plataforma 25-S, le groupe qui a convoqué le premier « Rodea-el-congreso » du 25 septembre, la prise du congrès par le peuple. C’est une manif qui a été convoquée plusieurs fois depuis le 25 septembre, hier 14N c’était la septième fois. Le 25 septembre ça a été la super violence, et hier aussi. Les cinq autres « Toma el congreso » ont été plutôt tranquilles. Ce groupe de Convocatoria 25S a été largement démonisé dans les médias. Les politiciens ont comparé les manifs du Congrès au coup d’état du général Tejero.

 

Il y a un mois le grand centre social Casablanca, calle Santa Isabel, dans le centre de Madrid, a été violemment expulsé, puis repris, puis ré-expulsé. On dit que c’est parce que pendant les mois qui ont précédé le 25 septembre le groupe de la Convocatoria del 25S s’y réunissait, initiative criminalisée. 8 membres avaient été accusés de Crime contre l’état en octobre.

 

Journée

Vers 14h00 nous sommes sortis pour aller vers el Hospital la Princesa, où un des banquets populaires avait été organisé, il y en avait un peu partout dans la ville. En arrivant à l’hôpital, nous nous sommes joints à quelques centaines de personnes qui ont commencé une manif dans le quartier riche. Plusieurs fois nous avons bloqué les grandes rues et eu des confrontations avec les gens des voitures, majoritairement de droite et d’extrême droite. Le pays, en effet, est complètement divisé, héritage de la guerre civile, et c’est pas des blagues.

 

Nous sommes descendus par la calle Serrano, une vraie rue commerciale de riches en envoyant chier les gens qui ne faisaient pas la grève dans leurs boutiques de riches. Nous sommes passés par la Puerta de Alcala, grand rond-point, par la calle Alfonso XII, puis jusqu’au congrès. Après nous sommes arrivés à Atocha, le point de rendez-vous de départ de la grande grande manif. Là, des groupes de communistes de je sais pas quel parti ont obligé les commerces à fermer. Nous avons marché avec la grande manif jusqu’à Colón, puis nous sommes revenus au congrès. Il y a eu une première charge à 19h45. Puis après, vers 21h15, ça a été le bordel, les grandes charges, les centaines de salves de flashball, les grenades, les gaz.

 

Vers 23h00 j’étais de retour à la maison, et ça continuait dans les rues du centre-sud. Jamais autant de flics n’avaient été déployés auparavant je pense. Ils chargeaient les gens avec leurs camions dans le paseo del Prado, en face du musée. Un groupe d’environ 200 personnes a réussi à rester près des barrières qui protègent le Congrès toute la nuit, malgré tout.

 

Pour les desahucios, il y a eu dernierement un moratoire pour les personnes avec des petits enfants, les vieillards, les personnes malades après qu’une troisième personne se soit suicidée au moment d’être expulsée. Le plus intéressant, c’est tout le processus de pression qui se fait sur le directeur de la succursale qui prend le logement. C’est un travail ENORME. Les gens occupent les succursales et mettent la grosse pression, le numero de telephone circule et les coordonees du directeur, le bar ou il déjeune le matin, etc.
en tout cas…