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Dans la cour des grands (retour sur Le Festif 2014)

Je suis natif de Baie-Saint-Paul, mais je l’ai quitté depuis longtemps et j’y retourne pas assez souvent. En fait, c’est avec un peu de honte que j’assiste à mon premier Festif…et que, comme un touriste, je fais chauffer mes brakes dans la grande côte à l’entrée de la ville.

C’est qu’on a hâte de de vivre ça, c’te festival-là! Oui, cette année, le comité a mis le paquet en invitant beaucoup de gros noms connus, mais mes goûts étant ce qu’ils sont, je suis plus attiré vers le bas de l’affiche, vers ces autres gros noms…écrits en petit. Donc, pas de Cowboys Fringants ni de Loco Locass pour moi.

Et encore moins de Louis-Jean Cormier.

Non, moi mon Festif commence dans le sous-sol de l’église avec un autre frisé du nom d’Orloge Simard: un verbeux et jovial phénomène de La Baie qui fait un rock éclaté. Son premier album s’appelle Aucun cadre, ça dit tout.

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Ensuite vient la formation Cou Coupé qui passe dans le beurre, malgré une section de cuivres. Tiens, je pense à ce tatou qu’arbore le chanteur de Dillinger Four sur le chest.

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Québec Redneck Bluegrass Project prend le relais et l’immense Jésus derrière la scène doit commencer à trembler dans son pagne. Ça risque de swinguer plus qu’à Cana!

Comme de raison, le party pogne. Ça chante, ça danse, ça boit, ça essaie même de cacher de l’alcool dans des endroits pas catholiques, mais le sacrilège en ces lieux ne va heureusement pas plus loin. Jésus s’en sort sans égratignure et avec une jolie casquette.

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À force de tourner et jouer, QRBP sont passés de gars pactés…à des solides musiciens (oui, toujours aussi pactés) qui feraient taper du pied Hank III. Le meilleur mélange de country et de trad à se faire en province, à grands coups de 12 dans la canisse de mon coeur!

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Question de rester dans l’esprit de la soirée, on termine ce vendredi à boire du gin jusqu’au lever du soleil. Mais ça aurait pu être plus rock’n’roll comme finale: un peu plus tôt, des potes se sont enlisés dans le fumier jusqu’aux genoux, en coupant dans un champ, pour se rendre à un show intime que donnait Louis-Jean Cormier…

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Le samedi, je switch de festivité et j’assiste à un mariage à proximité de Baie-Saint-Paul. J’en reviens tard en soirée, rempli d’amour et de cupcakes, pour assister à un autre bon coup du Festif, toujours dans le sous-sol de l’église, qui commence d’ailleurs à pas mal sentir la communion…

Tsé, dans chaque région, il y a toujours ce groupe vraiment populaire qui est totalement inconnu ailleurs. Au début des années 2000, à Baie-Saint-Paul, ce groupe culte s’appelait Elpornos.  Ce soir, la formation grunge fait un retour le temps d’un soir. Est-ce que ça s’enligne vers un jam entre amis devant une gang de trentenaires ramolis? Ou ben….

Vers ça:

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L’un des meilleurs shows qu’Elpronos ait jamais donné! C’pas mêlant, le band est fou! Au point où Denis, à la voix, pope en série des pillules pour la gorge, question de maintenir cette intensité de sans génie. Et c’est sans parler de la foule. La foule! Une gorgée de bière dans le gueule, une autre dans la face du voisin, des stage dives, des jerseys d’équipes de hockey locales. Que c’est qui s’passe?!

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Personne a vu venir ça, et surtout pas les Breastfeeders, qui ont l’ingrate tâche de jouer après Elpornos. Les pauvres, avant même qu’ils commencent, la moitié de la foule quitte (ou s’évanouit).

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Du côté du Centre communautaire, Socalled reçoit un meilleur traitement. R’marque qu’il sait mettre les gens de son bord. En chest, il les crinque à se foutre «à poil à Baie-Saint-Poil» (vite, sacrez-moi ça sur des t-shirts!).

Ma soirée se termine dans cette salle avec Betty Bonifassi qui nous foudroie avec sa puissante voix. Dans le sous-sol de l’église, le verni sur Jésus aurait sûrement craqué.

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Le Festif, c’est de la musique, mais c’est aussi beaucoup d’art du cirque dans les rues de la ville. Alors dimanche, on décide de voir ce qui se passe de ce côté. Mais il pleut, alors on en profite plutôt pour reluquer des affiches de Warhol (quand même!) au Musée d’art contemporain (Baie-Saint-Paul, t’es donc ben rendu hawt!).

De retour dans les rues, la pluie s’estompe à peine, mais on croise le collectif Devenchi qui donne quand même son show. On se sent soudainement chocotte. Pendant qu’on hésite à marcher sur un trottoir sous la pluie, d’autres font ça:

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On aboutit par la suite devant le surprenant Winston Band. C’est confirmé, le beat cajun rend imperméable!

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En soirée, je prends enfin la direction de la scène principale, dans la cour de l’école primaire, pour y voir Alpha Blondy. Pas que je sois particulièrement un fan de reggae, mais juste pour voir un artiste international pousser la chansonnette là où je jouais au ballon carré 25 ans plus tôt, ça vaut le détour. Ça n’a pas été long que le type m’a fait oublier mes souvenirs de ti-culs. Dès ses premiers mots, il m’envoûte ben raide. On est dans la cour des grands. J’ai peut-être passé mon weekend devant un crucifix de 12 pieds dans le sous-sol de l’église, mais je vis mon premier moment spirituel du festival. «Les psychologues devraient prescrire du reggae!», lance un ami.  Tu dis, toi, et t’es pas le seul à penser ça.

La foule, étonnament nombreuse et délicieusement hétéroclite, groove sur une même vague. Les rastas se pognent dans les cheveux gris des Ginette, c’est beau à voir. Si le fossé entre les générations a été parfois un obsctacle au fil des éditions, à soir, Alpha Blondy crée un méchant beau pont!

En plus, mon frère me fait remarquer qu’il n’y a pratiquement aucun cell braqué dans les airs. Soit que les fans de reggae ont vraiment compris quelque chose (ou soit qu’ils sont juste trop maganés pour se souvenir comment faire marcher leur cell).

Anyway, encore sur un high, je termine mon festival au Mouton Noir, là où le duo Ponctuation nous achève à coups d’effets de guit qui s’peuvent pas. La cerise sur le reggae!

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Pour terminer, je salue bien bas l’organisation du Festif pour un événement pratiquement parfait. Et je pèse mes mots.  Je salue leur audace à tout mettre en oeuvre pour donner un puissant électrochoc à une petite ville, et ce, sans jamais sous-estimer son ouverture. Je l’avoue, j’avais quitté Baie-Saint-Paul parce que j’avais commis cette erreur, pis j’me réjouis de voir que j’étais dans le champ. Merci au Festif et à des types comme Clément Turgeon et son équipe pour me le mettre autant dans les dents. Vraiment, Le Festif fait jouer Baie-Saint-Paul dans la cour des grands!

Gâte-toi, va voir les photos qu’a pris Francis Gagnon sur la page Facebook du Festif