Geneviève Robitaille : Mes jours sont vos heures
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Geneviève Robitaille : Mes jours sont vos heures

Après avoir donné un très beau premier récit, Chez moi, paru en 1999, Geneviève Robitaille réitère l’expérience, avec Mes jours sont vos  heures

Après avoir donné un très beau premier récit, Chez moi, paru en 1999, Geneviève Robitaille réitère l’expérience, avec Mes jours sont vos heures. Alors qu’elle racontait sa vie de petite fille, sa famille, dans ce premier livre des origines, elle évoque ici son présent, sa vie intérieure, ses rêves aussi, en dépit de cette maladie qui la ralentit. "Un silence se pose en moi chaque jour, comme une fragile tombée de neige, la nuit, dans un cimetière enseveli par l’hiver. Un silence puissant qui tait les choses de la vie auxquelles je n’ai plus accès. Des deuils trépassés. Je ne courrai plus. Marcherai peu. Verrai sobrement, sombrement."

Robitaille évoquait déjà sa maladie dans son premier récit, et continue d’en parler ici, avec pudeur. Comment, écrivaine, pourrait-elle oublier cette condition qui la hante, entrave ses déplacements et l’oblige à la plus grande prudence? Puisqu’elle a choisi le récit, pas question de laisser de côté ce thème important, qui conditionne son existence, et qui, surtout, lui fait voir la vie autrement.

Quelles sont ses raisons de vivre? C’est un peu ce que se demande cette femme courageuse, qui a décidé de nommer les réalités, les unes après les autres: Marianne, cette enfant qu’elle adore à qui elle dédie le livre; ses amis Maude et Serge, elle, comédienne et lui, metteur en scène, qui ne l’ont jamais laissée tomber; Marcel, également, qui la fait bien rire, et tous ces gens autour, qui composent son bonheur et donnent, en quelque sorte, un sens à sa vie.

Robitaille raconte aussi sa passion pour le théâtre, métier qu’elle a commencé à apprendre à l’école de Saint-Hyacinthe, où elle a connu Maude (Guérin), entre autres, et où elle a joué Phèdre. "Arrivée derrière mon panneau d’école, je fus surprise de cet instant de silence suspendu et du fracas des applaudissements qui suivirent. Un moment pour moi. Je saluai calmement, je souris, je crois, et attendis timidement qu’ils arrêtent pour que mes compagnons puissent à leur tour jouer leur scène. Mon frère avait aimé me voir jouer Phèdre. J’étais contente. Je passerais en troisième année."

Mais le destin en a décidé autrement. Et Geneviève Robitaille est aujourd’hui écrivaine. Elle qui ne voit pas très bien, regarde le monde les yeux grands ouverts. C’est en toute simplicité qu’elle raconte ses amitiés, cadeaux précieux qui l’ont aidée à surmonter les épreuves; les gens qu’elle admire, comme Michel Tremblay et Elie Wiesel, à qui elle ne craint pas de se livrer; les moments importants de sa vie, comme ces visites aux Salons du livre, auxquels elle est désormais invitée, et où elle doit surmonter ses peurs, sa fatigue physique.

Tout au long du récit, l’auteure égrène les phrases de pièces qui l’ont marquée: Motel Hélène, Phèdre, mais également Macbeth, Les Belles-Soeurs, et d’autres encore. Ce faisant, Robitaille rend hommage à la littérature; mais, en même temps, crée elle-même le théâtre de sa propre vie.

Une belle réussite que cette oeuvre de vérité. L’écriture délicate et sensible dévoile l’humanité d’une femme que la création et l’ambition libèrent, épanouissent.

Éd. Triptyque, 2001, 115 p.