L'Échelle de Jacob : Joel Yanofsky
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L’Échelle de Jacob : Joel Yanofsky

La banlieue n’a pas la cote. Avalée contre son gré par la grande ville, elle voit parfois son conformisme et sa fausse tranquillité préfabriquée mis en pièces par les oeuvres artistiques (encore récemment, les films Happiness et American Beauty). Mais le héros de L’Échelle de Jacob, lui, aime sa banlieue. Tellement, en fait, qu’il a du mal à la quitter pour devenir un adulte.

La banlieue n’a pas la cote. Avalée contre son gré par la grande ville, elle voit parfois son conformisme et sa fausse tranquillité préfabriquée mis en pièces par les oeuvres artistiques (encore récemment, les films Happiness et American Beauty). Mais le héros de L’Échelle de Jacob, lui, aime sa banlieue. Tellement, en fait, qu’il a du mal à la quitter pour devenir un adulte.

Jacob Glassman pourrait presque faire sien le souhait d’un des personnages de la pièce Les Voisins: que rien n’arrive dans la vie. Le circonspect personnage, un adepte du statu quo, s’avoue allergique aux changements radicaux. Mais en cette période pré-référendaire (nous sommes en 1995), sa morne existence dans la cité-dortoir de Court Séjour – un pseudonyme de Laval? -, dans le Nord montréalais, est chamboulée. La banlieue n’est plus le milieu protégé que notre héros croyait.

Sur le front sentimental, Jacob est pris entre deux femmes comme entre deux options impossibles: Angie, l’épouse – plus ou moins en instance de séparation – de son meilleur ami; et l’élue de son coeur, Hope, une animatrice de télé amoureuse – et enceinte – d’un autre homme. Ajoutez que le rédacteur en chef du journal local où Jacob signe, pas toujours sous son nom, des chroniques est en passe de devenir une rédactrice en chef; que son voisin Joseph, un étudiant rabbinique exalté, le harcèle de sa rancune et de son zèle spirituel; et qu’un agent immobilier veut à toute force vendre le bungalow où Jacob a toujours vécu et où il s’incruste depuis la mort de ses parents…

Critique littéraire à The Gazette, le journaliste anglo-montréalais Joel Yanofsky a trouvé un ton irrésistible, fait d’une ironie légère mais qui ne tourne jamais à vide, pour croquer le portrait de cet "orphelin vieillissant", puceau à 35 ans, toujours à la remorque des femmes mais incapable de les satisfaire. Un héros aussi attachant que ridicule dans ses tergiversations, que n’aurait pas renié un Woody Allen.

Publiée originellement en 97 – et bénéficiant de la main experte du traducteur Ivan Steenhout -, cette délicieuse incursion, sous l’angle cocasse, dans le petit monde judéo-anglo-montréalais se présente sous la forme savamment construite d’un journal qui retourne fréquemment dans le passé. Car la vie tumultueuse de Jacob s’organise selon deux repères culturels: le film The Apartment (La Garçonnière), qui semble cristalliser les malentendus de sa relation avec Hope; et le journal personnel de John Cheever, ce grand écrivain de Shady Hill, en marge de New York, pour les réflexions sur la banlieue.

Alors, si la vie urbaine vous semble plate, vous pouvez toujours vous plonger dans ce vaudeville banlieusard…

Éd. de La pleine lune, 2001, 241 p.

L'Échelle de Jacob
L’Échelle de Jacob
Joel Yanofsky