Pierre Leroux : Poste restante
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Pierre Leroux : Poste restante

Avec son livre sur les coulisses de l’édition, Pierre Leroux ne veut surtout pas décourager les écrivains en devenir. Au contraire: Cher éditeur serait avant tout un roman  d’espoir…

Quand on lui demande s’il a écrit Cher éditeur pour venger des auteurs de sa connaissance n’ayant pas été publiés, l’ancien journaliste au Journal de Montréal (il critiquait notamment la littérature), devenu par hasard scénariste pour Claude Lelouch (son nom est au générique des films And Now… Ladies and Gentlemen et Une pour toutes) s’exclame presque: "Non, car pour moi, Cher éditeur est un roman sur l’espoir. C’est un roman sur des gens qui tentent de pénétrer un monde qui leur apparaît sacré. J’aurais aussi bien pu parler de gens qui veulent devenir chanteurs ou danseurs", assure l’auteur, convaincu que des dizaines d’écrivains valables ne seront jamais publiés. "On n’a qu’à prendre l’exemple de John Kennedy Toole, qui s’est suicidé après avoir tenté à plusieurs reprises de faire publier La Conjuration des imbéciles. Après sa mort, sa mère a fait le tour des éditeurs. Six ou sept ans plus tard, le roman a finalement été publié et il a remporté le prix Pulitzer. C’était la première fois qu’il était décerné à titre posthume", rappelle l’auteur établi en France depuis 1997.

Selon Pierre Leroux, la publication d’un livre ne devrait pas être un but en soi. Ce n’est donc pas un hasard si, à travers Cher éditeur, il pose la question: est-ce si important d’être publié? La réponse, explique l’auteur, se trouve dans la lettre (le chapitre) intitulée Cher papa, sur la fille de l’éditeur et un vieux monsieur qui écrit dans un parc. "Il dit que les seules pages qui comptent sont celles qu’il n’a pas écrites, tandis que la fillette affirme pour sa part rêver d’un pays où personne ne croit qu’un livre vaut une vie. On a développé une obsession de la publication telle que les écrivains – et leur entourage – croient qu’ils ne valent rien s’ils ne sont pas édités, alors que l’essentiel, c’est d’écrire! La publication, c’est la récompense, mais ça reste cependant très étranger à la chose primaire, qui est l’écriture", s’exclame celui qui avait posté une dizaine de manuscrits seulement avant de trouver preneur. De là à dire que la publication de son roman est un coup de chance, il n’y a qu’un pas, qu’on se permet de franchir puisque Pierre Leroux assure qu’il aurait considéré son travail achevé même s’il n’avait jamais pris la forme d’un livre.

C’est d’ailleurs probablement la plus belle qualité de Cher éditeur, malgré les évidents exercices de style – l’écrivain qui a publié Le Rire des femmes en 1996 aux Éditions Les Intouchables a un don certain pour les phrases simples, mais lourdes de sens. Avec verve, il établit rapidement le climat de chacune des lettres qui sont adressées à l’éditeur par des auteurs (mais ne s’agit-il pas en fait d’un seul écrivain éconduit?) dont l’éloquence n’a d’égal que l’aspect pathétique de leur entreprise. Réussiront-ils, grâce à leurs lettres écrites sur tous les tons, à attendrir le cœur de l’éditeur submergé de manuscrits? Chose certaine, Pierre Leroux espère que les auteurs éconduits ne se tournent pas vers lui dans l’espoir qu’il leur transmette la recette menant à la publication, parce qu’il ne la connaît pas.

Cher éditeur
de Pierre Leroux
Éd. Albin Michel
2004, 245 p.