Jean-Paul Daoust : Renaître de ses cendres
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Jean-Paul Daoust : Renaître de ses cendres

Jean-Paul Daoust fait paraître l’un de ses plus beaux recueils, traversé de ponts entre l’enfance et l’âge adulte. Entretien avec un miraculé.

Il y a un peu plus d’un an, Jean-Paul Daoust, figure étincelante et flyée de la poésie québécoise, oiseau de feu des nuits de la métropole, tombait de haut. Dans tous les sens du terme. Après une très vilaine chute dans un escalier de béton, il se réveillait aux urgences avec de multiples fractures aux côtes, au genou et surtout au cou. Un bilan grave, mais qui aurait pu être pire. "C’est pas compliqué, j’ai passé proche de mourir!"

Aujourd’hui, après des mois de convalescence et de physio, il a repris une vie à peu près normale, il peut de nouveau serrer ses amis, qu’il a nombreux, dans ses bras. "Ils m’ont broché des vertèbres ensemble, j’ai des raideurs un peu partout, mais au moins je suis debout, je peux bouger. Je vais te dire une affaire, je reviens de loin…"

Le premier livre qu’il publie depuis cet accident, Élégie nocturne, n’est évidemment pas étranger à ce qu’il vient de traverser. Jean-Paul Daoust est convaincu que l’épisode a modifié son rapport à l’écriture: "Physiquement, d’abord, écrire a pendant plusieurs mois été un travail épuisant pour moi. Chaque mot à tracer représentait un gros effort, chaque vers a été gravé à même la douleur du moment. Pas la peine de dire que ça favorise l’essentiel… Et bien sûr, le fait de frôler la mort pousse à regarder sa vie avec un peu de recul, à mesurer le chemin parcouru, réaliser ce qui compte vraiment."

Le chemin parcouru, il est au coeur du recueil, fait de voix parallèles qui disent le passé, le présent, et qui parfois se touchent. "Ce livre-là, au fond, il clôt un triptyque qui comprend aussi Les Cendres bleues [prix du Gouverneur général en 1990], qui traitait d’abus sexuels et dont Élégie nocturne reprend la figure du dragon, et Dimanche après-midi, où je parle de la mort de mon père. La collection Hôtel central de Planète rebelle, dans laquelle s’inscrit le livre, privilégie le dialogue entre deux créateurs. Dans ce cas-ci, je propose un dialogue entre l’adulte que je suis et l’enfant que j’ai été."

Dans le miroir brisé dont le poète entend recoller les morceaux, histoire de se réconcilier avec lui-même, il y a la douleur, la solitude – des thématiques magnifiées, encore là, par l’accident – mais aussi beaucoup de lumière, celle de scènes d’enfance heureuses, envers et contre tout. L’homme d’aujourd’hui veut rallumer le feu.

Livre-CD, Élégie nocturne est aussi le fruit d’une collaboration entre Daoust et Manu Trudel, un auteur-compositeur et interprète qui a composé des musiques originales autour des poèmes. "On se connaît tellement bien lui et moi, je n’ai même pas eu besoin de lui donner de directives."

À travers ces musiques riches, contrastées, le poète récite lui-même ses vers, de façon très naturelle, sans emphase. Une belle occasion de goûter la présence sonore de Daoust, en attendant la présentation à la Salle Jean-Claude-Germain, en avril prochain, de My name is Jean-Paul, un spectacle dédié à l’une des paroles les plus vives de notre littérature, puis de la "carte blanche" que lui donnera le Studio littéraire de la Place des Arts, le 4 mai 2009.

Élégie nocturne
de Jean-Paul Daoust
musiques originales de Manu Trudel
Éd. Planète rebelle, 2008, 72 p.

Élégie nocturne
Élégie nocturne
Jean-Paul Daoust
Planète Rebelle