Victor Teboul : Bienvenue chez Monsieur B.!
Alors que la nouvelle Constitution canadienne est sur le point d’être signée et que le PQ a été reporté au pouvoir malgré la récente défaite référendaire, le journaliste Maurice Ben Haïm voit son existence chamboulée par une entrevue télévisée que lui a accordée un ancien tortionnaire nazi. Remarqué par l’énigmatique Monsieur B., un multimilliardaire juif, Maurice sera invité à diriger une sorte de think tank montréalais financé par celui-ci et destiné à promouvoir la réconciliation des différents ennemis de la planète, autant des Juifs et des Palestiniens que des indépendantistes et des fédéralistes. Le terme «politique-fiction» s’applique on ne peut mieux pour décrire ce troisième roman fort efficace de Victor Teboul. Entretenant le mystère sur les motivations de Monsieur B., l’écrivain s’amuse manifestement avec son antihéros dont l’impression de vivre un mauvais rêve dans le cadre de ses nouvelles fonctions ira en augmentant. VLB éditeur, 2011, 152 p.
Teboul vu par Teboul
Ce roman de Victor Teboul nous plonge au cœur des cultures et des politiques qui les expriment sous couvert de fiction romanesque. Pourtant, impossible d’oublier, malgré les avertissements usuels concernant le hasard, des ressemblances avec des personnages bien réels, car le lecteur s’y retrouve comme si on lui avait donné la carte des rues d’une ville qu’il connaît déjà.
Cette trame n’est donc pas que celle d’une série policière car nous avons vite fait de faire les recoupements. Toutefois, ces intrigues ne sont pas gratuites. Elles visent d’abord à faire voir toute l’ambivalence qui serait au fondement même de l’action politique, quelle soit de droite ou de gauche. Les personnages qui incarnent ces visions opposées politiquement se rejoignent sur ce point. Les uns comme les autres sont prêts aux pires compromissions pour pousser leurs pions.
À ce premier constat et comme son corollaire s’ajoute celui des fissures, des contradictions, qui sont au cœur même des actions politiques des camps opposés. C’est ainsi que les actions initiées par un camp sont divisées entre une gauche et une droite, entre ceux qui sont prêts à s’allier avec des factions adverses pour couvrir des ignominies, et ceux qui les critiquent. Il en est ainsi pour celles consistant pour des sionistes à faire alliance avec des phalangistes chrétiens pour couvrir des assassinats de Palestiniens des camps de réfugiés ou pour des phalangistes, à obtenir le concours des intégristes palestiniens pour attaquer des ambassades israéliennes. Plus globalement, c’est toute la contradiction de base entre le soutien des siens par le nationalisme d’une part et la critique éclairée de leur action politique d’autre part qui est au fondement de ce roman puisque l’action politique d’un gouvernement nationaliste québécois est aussi passée au crible de cette vision critique.
Il faut beaucoup de culture et de réflexion pour pouvoir mener à bien une telle intrigue sans tomber dans des pièges trop réducteurs. Victor Teboul y parvient bon sans un brin d’humour quand son personnage narrateur à l’image de l’auteur, Maurice, se permet de critiquer dans le roman un certain Vicror Teboul.