Rodney Saint-Éloi, Bonjour voisine, Pavillon Haïti à l'honneur : Voisiner l'altérité
Salon du livre de Montréal 2013

Rodney Saint-Éloi, Bonjour voisine, Pavillon Haïti à l’honneur : Voisiner l’altérité

Mémoire d’encrier fête ses 10 ans cette année et son fondateur, Rodney Saint-Éloi, en profite pour parcourir autant le Québec que la perle des Antilles, à la rencontre de lecteurs avides de mots et d’histoires.

Alors que la littérature haïtienne sera célébrée dans toute sa splendeur au 36e Salon du livre de Montréal, l’écrivain et éditeur Rodney Saint-Éloi se penche sur les transformations et les croisements littéraires qui ont fait de nos littératures ce qu’elles sont aujourd’hui. «Je vois le Québec autrement, je vois que le Québec regarde autrement aussi. C’est la mise en pratique de l’idée de l’altérité. Sur le terrain, le tout se concrétise. C’est comme si on pouvait voir si le livre parvenait à recouper le réel. Et ça, c’est vraiment un acte de beauté intégrale quand l’imaginaire recoupe le réel.»

De l’urgence de la rencontre 

En mai dernier, Saint-Éloi et cinquante autres auteurs québécois et haïtiens se sont regardés dans le blanc des yeux, dans le noir des mots couchés sur les pages de leurs livres, créant des liens si forts que Marie Hélène Poitras, participante aux Rencontres québécoises en Haïti, a insisté pour récolter les commentaires et histoires de ces auteurs. Le recueil Bonjour voisine est né, publié aux éditions Mémoire d’encrier. «Moi, je ne voulais pas le faire! C’est Marie Hélène qui a insisté», s’amuse Saint-Éloi qui a tout de même accepté de publier le recueil. «C’est un acte d’une grande passion et il fallait que ça reste dans l’urgence. Mais je voulais déghettoïser, ne pas rester dans la communauté; je voulais que ce soit Marie Hélène qui regarde Haïti, les chèvres, les montagnes, les couleurs, et qui découvre le pays dans sa propre fiction.»

Dix ans de mémoire

La maison d’édition qu’il a fondée célèbre cette année sa première décennie d’existence et a souligné l’anniversaire avec un éventail de parutions, des collaborations entre le Québec et Haïti, tout en créant des liens d’une force palpable, qui traversera les années et les célébrations. «Dix ans de travail, ça nous fait voir, de manière très frontale, la responsabilité citoyenne à laquelle on fait face parce que pour moi, la littérature, c’est d’abord un lien entre les gens, pour arriver à savoir que la beauté c’est fondamental, dans notre vie, au quotidien. La littérature, elle est utile. Ce n’est pas quelque chose d’abstrait. C’est quelque chose qui a à voir avec les transformations sociales. On ne peut pas modifier la société s’il n’y pas de gens qui servent de modèles d’éclairage à ces sociétés.»

Haïti entre le réel et l’imaginaire

Les Rencontres québécoises en Haïti furent un événement unique qui a trouvé des ramifications dans les liens soudés par cette visite. Ces moments littéraires ont opéré comme un vrai retour en pays natal pour Saint-Éloi qui les décrit ainsi, dans son chapitre de Bonjour voisine: «J’ai senti cette responsabilité: humaniser la relation, toucher à quelque chose de proche de l’élégance et du vivre-ensemble.»

Pour rendre hommage à toute une tradition de lecteurs et d’écrivains haïtiens «qui ont vécu parce qu’ils savent que vivre, c’est rester à proximité de la beauté; c’est de découvrir l’espérance du monde, c’est de poursuivre cette espérance», Rodney Saint-Éloi et ses collègues se sont attachés à l’imaginaire plutôt qu’au réel et ont vu que la littérature haïtienne est bien vivante et qu’elle est intimement liée à celle du Québec. «C’est un peu paradoxal. C’est un pays qui va relativement mal et c’est une littérature qui va trop bien. Comment un pays si dégradé peut-il arriver à produire une littérature si sophistiquée?» C’est en évoquant les migrations d’écrivains haïtiens vers le Québec que Saint-Éloi confirme que la catégorisation littéraire passée ne convient plus. «Aujourd’hui, dans l’espace littéraire québécois, il y a tellement d’écrivains haïtiens. Je pense qu’il y a, chez les Québécois, un désir de négritude, et leur plus proche compagnon d’Amérique, c’est Haïti, donc c’est normal! On dit bonjour à notre voisin! On se donne la main!»

Inauguration du Pavillon Haïti à l’honneur et lancement du recueil Bonjour voisine, le mercredi 20 novembre, à 18h. Rodney Saint-Éloi donnera des séances de dédicaces au kiosque de Mémoire d’encrier, du 21 au 24 novembre. salondulivredemontreal.com