Alexie Morin : Chien de fusil
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Alexie Morin : Chien de fusil

«Dans les bois, y a tout ce qu’il faut pour être heureux», chantait sur un air guilleret l’humoriste Patrick Groulx – tout le monde s’en souvient – dans un des épisodes cultes de l’émission Le Groulx Luxe. Tout ce qu’il faut pour être heureux, peut-être, mais pas tout ce qu’il faut pour résoudre l’équation que pose la nature forcément approximative et lacunaire du langage, réplique par la bouche d’une poésie dégageant une prenante odeur de terre retournée Alexie Morin, avec son troublant premier recueil, Chien de fusil.

Rédigé en partie comme un guide de survie pour couples aux ambitions autarciques, cet existentiel trip au chalet, en apparence pétri de préoccupations triviales (nourriture, vêtements), impose son chant frondeur en fouillant l’apparent paradoxe que pose un tyrannique désir d’une parole capable de colmater la brèche auquel s’oppose un urgent besoin de silence. Deux éternelles aspirations sans doute exacerbées par l’époque du babillage que l’on traverse, dont on entendra ici les lointains échos (pour peu que l’on veuille ancrer ces textes en prose et en vers dans un certain esprit du temps).

«Il attend des mots qui dépassent la pensée, l’assaillent et forcent leur chemin hors de lui, loin, en paroles si importantes qu’il se laisserait démembrer, arracher les doigts, les dents, sinon ça ne vaut pas le coup», lit-on au sujet de Vincent, complice de la narratrice dans ce «nous vs le monde» rappelant à notre mémoire Mystère de la parole d’Anne Hébert (moins la fête), une échappée hors des murs de la ville dont on revient tremblotant. Le Quartanier éditeur, coll. «Série QR», 2013, 74 p.

Chien de fusil
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Alexie Morin
Le Quartanier