Réal Godbout : L’Amérique ou le disparu
Il y a 35 ans, la lecture de L’Amérique, roman inachevé de Kafka, avait fait une forte impression sur le dessinateur et scénariste Réal Godbout (Michel Risque, Red Ketchup): ce texte, un jour, il l’adapterait! Fast-forward vers les années 2000: il s’y attaque, enfin. L’opération, réalisée à temps partiel, prendra sept ans. Le produit de ces efforts vient de nous arriver, tout récemment, à La Pastèque.
Il va sans dire: la source est imagée, et jongle par moments avec la caricature, l’humour grinçant ou sa contrepartie absurde. En BD, Godbout en offre une transposition solide. Il a gardé l’essence de l’œuvre de Kafka. Il a capté, puis transposé, les forces du récit. D’une certaine façon, L’Amérique, c’est l’histoire d’une quête impossible, le rêve américain du jeune Karl Rossman, 17 ans. Du jour où il débarque d’un transatlantique à Manhattan jusqu’à celui où, quelques États plus loin, il se joint à un théâtre ambulant, on suit son parcours aux accents surréalistes. À la manière d’un road movie, il va de rencontre en rencontre, à la découverte d’un univers loin d’être sombre, cherchant, au final, à comprendre tant bien que mal ce qui lui arrive, emporté par les flots mêmes de son existence, mené par les états d’âme de ceux qu’il croise. Le récit est rapide, dynamique, bien appuyé par un trait réaliste en noir et blanc.
La lecture du roman de Kafka met bien en exergue le défi qu’a dû représenter son adaptation en bande dessinée: un pari qu’a su relever, avec succès, Réal Godbout. Sa version de L’Amérique mérite bien d’être lue.
Éd. La Pastèque, 2013, 184 p.