François Blais : La classe de madame Valérie
Livres

François Blais : La classe de madame Valérie

Jusqu’ici, la modestie des perdants magnifiques de narrateurs aux commandes de l’imaginaire de François Blais avait toujours trouvé écho dans la charmante modestie formelle de romans relativement courts ne mettant en vedette que quelques personnages. Avec La classe de madame Valérie, le chantre de Grand-Mère élève son jeu d’un cran et transcende les attentes sur quelque 400 pages au cours desquelles nous ferons la connaissance de plus d’une vingtaine de personnages. Tabarouette!

Il convient cependant plus ou moins d’employer l’expression «roman choral» pour parler de ce septième livre tant Blais ne s’appuie pas sur les ressorts habituels du genre. S’il alterne les focalisations en se collant tour à tour au point de vue d’un différent membre de la classe, c’est surtout pour dresser le portrait de société le plus étoffé possible, et non pas en machinant un bête dénouement à l’emporte-pièce. Accompagner à plusieurs âges ses personnages (on les retrouve au primaire en 1990, au cégep en 1997 et à l’âge adulte en 2011), permet en outre à l’écrivain de mesurer comme il l’a toujours fait – c’est une de ses obsessions – le fossé qui sépare leurs rêves, leurs ambitions et leurs aptitudes de la douloureuse réalité.

Malgré l’envergure de cette impressionnante architecture romanesque, le style reconnaissable entre tous de Blais est demeuré intact. Mélange d’ironie bienveillante («Un véritable ami, c’est quelqu’un qui vous aidera à corriger les fautes dans votre lettre de suicide») et de fraternelle compassion (on sent que Blais se fait vraiment du souci pour ses principaux protagonistes), cette écriture ne cesse de traquer dans le trivial (un concours de costumes d’Halloween, par exemple) la vérité et s’autorise pour une rare fois quelques très beaux élans de lyrisme. L’ordinaire est un fertile terreau romanesque, en voici une énième et imposante preuve.

L’Instant même, 2013, 402 p. 

La classe de madame Valérie
La classe de madame Valérie
François Blais
L’Instant même